37 - Deux thés

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31e jour de la saison de la lune 2450

Il faisait frisquet, même glacial pour certaines personnes. Teriondil était enroulé dans son grand manteau et malgré cela, ses joues se faisaient rosées. Il caressa le bout de ses doigts légèrement gourds, se disant qu'il aurait dû porter des gants. Ça ne dérangeait pas. Il leva le regard et la lune bleutée l'hypnotisa par intervalle. Il essayait de porter attention à où il allait, mais la lueur lui réchauffait l'âme, lui rappelant qu'il était toujours lié avec la nature. Sa longue chevelure menthe dansa avec les zéphyrs de la soirée et son souffle était blanchi par la température.

Laissant l'énergie de l'univers le guider, il se dirigeait vers le centre-ville d'Atgoren. Il n'avait pas d'appétit et avait décidé d'aller pour une petite marche de santé, délaissant ses amis pour l'heure du souper. Devant lui, Maître Eldarytzan semblait avoir la même destination. Il ne semblait pas avoir remarqué le jeune elfe sylvain et s'en était correcte ainsi.

Le naturancien appréciait la solitude. Quoiqu'avec le temps, il devenait de plus en plus sensible à l'absence de ses amis : Azéna, Arièlla, Fayne et à un certain degré, Serfantor. Il n'avait jamais été proche de sa famille biologique. Depuis son enfance, il s'était imaginé une vie en tant que vagabond, errant où il le désirait et jouissant d'une indépendance absolue. Il n'avait pas vraiment de direction et honnêtement, c'était ainsi qu'il préférait vivre.

À treize ans, il avait entamé ses aventures. Il avait visité plusieurs endroits en Nadalé et s'était même rendu jusqu'au lisières des landes grises. Il aurait continué ainsi si ce n'avait pas été d'une promesse qu'il avait fait à sa grande sœur Èrionda. Elle et les autres membres de la famille avaient difficilement acceptés son départ.

À quatorze ans, il tenu sa promesse et retourna au bercail pour assister à la cérémonie du liage qui marquait le début de la deuxième année d'entraînement d'Èrionda. Leurs parents étaient si fiers d'elle. Après tout, il était rare qu'on soit fortuné ainsi. Et c'est à l'aube de cet automne que les plans de notre jeune Murkwan furent chamboulés : il avait attiré les affections d'une dragonne aux prunelles de couleur terre.

— Un bien pour un mal, avait-il déclaré lorsqu'il avait réalisé que son retour à l'aventure était impossible.

Ces souvenirs se déversèrent dans son esprit et sans trop savoir comment, il s'était retrouvé dans les ruelles d'Atgoren, là où peu rôdaient. C'était aussi là où il rencontrait le marchand-alchimiste natif de Nadalé qui lui fournissait les ingrédients dont il avait besoin pour ses thés. Il se dit que c'était peu important et qu'il allait en profiter. D'ailleurs, ses réserves étaient sur le point de s'évanouir. Il localisa une petite boutique au toit en ardoise et s'y approcha avec un sourire énigmatique au visage. La porte en bois de teinte avocat l'accueillit comme toujours et évoqua chez lui un sentiment de réconfort. Derrière le comptoir, un elfe à la peau cuivrée et tatouée passait une lingette sur les multiples flacons affichés en vitrine. Certains étaient vides tandis que d'autres étaient remplis d'un liquide. Il y en avait de toutes les sortes, de toutes les teintes et de toutes les viscosités. Une véritable palette d'artiste quoi et c'est que le marchand devant lui représentait.

Sur d'autres étagères, il y avait des rangées de bocaux fourrés d'herbes et d'épices. Certains cuisiniers venaient ici lorsqu'ils avaient envie de préparer des repas exotiques. Mais ce n'était pas ce qui intéressait le jeune dragonnier. Son œil n'avait que d'amour que pour deux herbes : les fleurs du crépuscule égrainées et les racines de moänfan, un arbuste rare aux feuilles saumon.

— Même chose que d'habitude ? questionna le vendeur à l'allure chaotique, mais familière aux yeux de l'élémentaliste.

D'ailleurs, ce dernier resta fixé longtemps, le regard rêveur, sur les racines de moänfan.

3 - Sang, os et dagueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant