24 - Nuit douteuse

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34e jour de la saison de la mort 2449

Azéna ne se souvenait pas pourquoi elle se trouvait dans un tel endroit. Il n'y avait que des grands bâtiments lugubres à perte de vue. Ensembles, ils formaient un labyrinthe de rues étroites occasionnellement longées de cadavres qui attiraient des charognards. Malgré l'élément funeste, une certaine élégance maintenait l'illusion vaine de la ville. Des décorations religieuses étaient présentes ici et là, la plus impressionnante étant une gigantesque statue d'un homme au regard malicieux qui arborait une armure lourde. Plusieurs citoyens, qu'importe le statut social, s'étaient réunis autour de cette-dernière et priaient. Leurs yeux fixés sur la représentation de la divinité sombre, ils demeurèrent aveugles au reste de l'univers.

L'archère, prise de panique, ne comprenait pas ce qui se passait. Elle ressentait tant de souffrance qui provenait de partout sauf d'elle et des croyants. Pourtant, elle n'y voyait personne d'autre. Frustrée, elle s'élança dans les rues sans se préoccuper d'où elle aboutirait. Elle cherchait ceux qui l'appelaient, ceux dans la misère.

Elle ne trouvait personne. En revanche, elle ressentait les présences de plus en plus clairement. Rien ne faisait de sens. Elle ne s'arrêta que lorsqu'elle fut à bout de souffle, ses poumons brûlants. Elle utilisa le mur de briques noires d'un établissement comme accotoir.

L'image de Turion se dessina dans son esprit fatigué aussi rapidement qu'elle s'en dissipa.

— Bien sûr, marmonna-t-elle.

Peut-être ressentait-elle l'esprit de gens au loin. Si c'était le cas, pourquoi ceux à proximité semblaient distants ?

— Aidez-moi ! hurla une femme. Aidez-moi ! C'est trop ! Je n'en peux plus ! Où sont les Gardiens ?

Sa voix résonna dans le crâne d'Azéna tel le cri d'une banshee puis, graduellement, se dissout à un murmure.

— Que suis-je supposé faire ? demanda l'adolescente en virant sur elle-même, cherchant désespérément un indice à une réponse.

Un rat à la fourrure graisseuse et sombre trotta entre ses jambes. Il se vira vers elle et ricana, son museau se tordant en un rictus effroyable.

— Pauvre mortelle. N'oublie pas l'odorat, lui conseilla-t-il. La vue n'est pas tout.

— Quoi ? aboya la dragonnière confuse. Mortelle ?

Le rongeur disparut dans la pénombre, s'enfouit sous un tas de déchets en décomposition. Il continuait de rire, abandonnant son interlocutrice à son sort.

— Je ne comprends pas, grogna Azéna, irritée qu'on se moque d'elle. Attends ! Il n'y a aucune odeur particulière !

Le gloussement amplifia comme si le rat trouvait les paroles de l'archère amusantes. Puis, enfin, un long silence confirma qu'il était parti.

Azéna vira plusieurs coins à la recherche d'une explication, d'un signe, n'importe quoi. Le fait que ce rat l'avait appelé mortelle était alarmant. Sa mère adoptive lui avait raconté maintes fois que les divinités pouvaient parfois s'infiltrer dans les rêves et les cauchemars. C'était incroyablement rare, du jamais vu avait-elle déclaré, mais la rebelle savait que Noktow éprouvait un intérêt pour elle. Ce pouvait-il que ce rongeur fût plus qu'il le parut ?

Après ce qui lui semblait des heures à tourner en ronds, elle s'installa au fond d'une ruelle abandonnée sur un banc en bois. Les émotions négatives l'assaillaient encore et toujours. Elle ne rencontrait personne. Est-ce que la ville entière était réunis devant cette statue ? Cela serait improbable. Se tenant la tête entre les mains, elle ferma les yeux, se permettant une pause bien méritée.

3 - Sang, os et dagueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant