Chapitre 8 - Abîme

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L'enterrement de Jennifer s'est fait dans l'intimité

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L'enterrement de Jennifer s'est fait dans l'intimité.

Au cimetière, seuls mes parents et deux représentants de l'Ordre étaient présents.

Nos cérémonies ressemblent beaucoup à celles des autres personnes, seules les paroles rituelles prononcées sont différentes. Aussi, les enterrements des chasseurs de démons se font toujours à huis clos. Comme on les célèbre la plupart du temps après une mort violente, les proches et amis qui ne sont pas dans le secret de nos activités trouvent normal que la famille veuille se recueillir seule.

Il fait terriblement beau. Ma première pensée est que Jennifer aurait adoré un jour comme aujourd'hui, quand le temps est doux, le ciel lumineux et que les teintes dorées des feuilles des arbres scintillent dans la lumière.

Un silence réconfortant flotte dans le cimetière. Mille et un bruits s'élèvent çà et là, nous rappelant que la vie fourmille autour de nous. Le chant des oiseaux qui se répondent sont autant de griffes faites à mon coeur.

Je ne parviens pas à dépasser ma culpabilité. Il ne s'écoule pas une seconde sans que je ressente une haine vive et rageuse à mon encontre. Je me dégoûte totalement.

Pour être honnête, c'est moi qui devrait être dans ce cercueil, pas ma soeur. C'est moi qui me suis montrée imprudente et égoïste. Et elle, elle a payé mes choix de sa vie.

Parfois, j'ai tellement mal que j'ai envie de hurler.

Et puis, il y a mes parents. Je sais qu'ils m'aiment, mais la façon dont ils se comportent avec moi n'arrange absolument pas la situation.

Je peux comprendre qu'ils soient soulagés de ne pas enterrer aujourd'hui leurs deux filles. Cependant, je voudrais qu'ils arrêtent de se montrer gentils et compatissants envers moi.

Je préfèrerais mille fois qu'ils me parlent durement, qu'ils m'ignorent ou me crient dessus. Je voudrais qu'ils me détestent autant que je me déteste moi-même.

Leur amour m'est insupportable.

Quand la cérémonie s'achève, nous jetons, l'un après l'autre une poignée de pétales de fleurs sur le cercueil en prononçant quelques paroles. Je suis la dernière à le faire. Et quand je vois ce piège de bois plongé au fond de ce trou de terre et que j'imagine ma soeur à l'intérieur, je ne peux murmurer qu'une chose : « Je suis désolée. »

Et les larmes se mirent à rouler sur mes joues.

Mais le pire m'attend à la maison. Mes parents ont organisé une réception à la maison, à l'intention des amis de Jennifer et de tous ceux qui l'ont connue de près ou de loin.

Je n'ai aucune envie de voir des gens ni de devoir mentir.

La thèse officielle de l'Ordre est que Jennifer a fait une chute dans les escaliers qui lui a brisé la nuque et que je suis celle qui l'a découverte.

Ce genre d'histoire permet à l'Ordre de faire d'une pierre deux coups : une mort aussi violente que banale pour Jennifer et une explication plausible de mon mal-être qui servirait aussi d'excuse si jamais j'avais une crise hallucinatoire en public.

Ils ont même poussé le vice à mettre en scène l'événement afin de le rendre crédible pour nos voisins. Une fausse ambulance et de faux policiers sont venus à la maison quelques heures après le meurtre de Jennifer.

Au moins j'ai échappé à cette mascarade puisque je me trouvais à l'hôpital, inconsciente.

Durant le trajet en voiture qui nous ramène chez nous, personne ne prononce une seule parole.

Et une fois sur place, je sors de la voiture avant même que mon père coupe le moteur.

Il n'y a encore personne. Les « invités » ne sont attendus que dans une heure.

Je traverse à toute vitesse le salon qui est décoré avec des photos de Jennifer. Partout, elle sourit, belle, heureuse... vivante.

Je ne supporte pas de les regarder, cela fait trop mal.

Je me réfugie dans ma chambre, et je compte bien y rester toute l'après-midi.

Je me laisse tomber sur mon lit et me contente de fixer le plafond.

Si seulement je pouvais arrêter de penser et sombrer dans l'inconscience ou le silence.

Si seulement je pouvais juste oublier, même rien qu'une minute.

Tout sauf ce vide et cette douleur.

Je lève une de mes mains à hauteur de mon visage. Jusqu'à présent, à part les cauchemars et les hallucinations, je n'ai remarqué aucun changement chez moi.

Il est possible que seul mon cerveau ait été atteint.

Evidemment, toute la difficulté pour moi est de parvenir à faire la part entre ce qui est réel et ce que j'imagine.

Les monstres sont une réalité pour moi. Voir un démon ou une créature de la nuit a toujours fait partie de mon quotidien. J'ai donc beaucoup de mal, lors de mes crises d'hallucination à distinguer réel et illusion.

Si je n'avais pas été une chasseuse de démons, j'aurais eu plus facile à conclure que les créatures que je vois n'existent que dans ma tête. Cela ne m'aurait pas miraculeusement soignée, mais au moins je pourrais faire la part des choses.

J'étais perdue dans mes pensées quand de petits coups furent frappés à la porte de ma chambre.

Aleisha Grey - Démons intérieurs - Tome 1 - Wattys2019Où les histoires vivent. Découvrez maintenant