Chapitre 12 - Éclats

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L'après-midi qui suivit mon entrevue avec les représentants de l'Ordre, je repris l'entraînement

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L'après-midi qui suivit mon entrevue avec les représentants de l'Ordre, je repris l'entraînement.
Bien que j'ignorais le sort qui allait bientôt m'être réservé, je devais remplir mes devoirs de chasseuse. Et s'entraîner quotidiennement était le premier d'entre eux.
Quand je tapai le code qui ouvrait notre cabane à outils, je sentis mon estomac se contracter.
Je n'étais plus revenue ici depuis le soir de la mort de Jennifer.
La première chose qui me frappa en pénétrant dans le bâtiment aménagé fut le silence qui y régnait.
Je descendis l'escalier et l'écho que laissèrent mes semelles sur les marches me serra le coeur.
Comme j'atteignais la salle principale, je ravalai mes émotions. Et le souvenir de mon entrevue avec les représentants de l'Ordre me revint en mémoire, allumant en moi une rage indicible.
Je continuai mon chemin pour atteindre l'espace d'entraînement que mon père avait fait creuser. Bien qu'elle ait été conçue de manière à représenter la plus grande économie d'espace possible, elle suffisait à assurer le meilleur entraînement possible, si l'on exceptait les techniques de combat telles que le tir à l'arc, le tir ou le lancer de couteaux.
Je pris une perche en bois.
D'ordinaire, je déteste me battre avec cela, rien ne vaut mes poignards. Cependant, ce jour-là, je voulais essayer quelque chose de nouveau. Et puis, manier le bâton, même trop long, pouvait se faire seul.
Je me mis en position.
Devant moi, le visage de la représentante de l'Ordre flotta. Je me rappelai le rictus dédaigneux et l'arrogance avec laquelle elle s'était adressée à moi.
La perche fendit l'air.
Il était clair que mon temps ici était compté.
Je rejetai le coude en arrière et balayai à nouveau l'espace devant moi avec la perche tout en ajoutant un geste souple à mon poignet, ce qui eut pour effet d'imprimer à mon arme une trajectoire courbe.
Les chasseurs de démons ne pouvaient pas opérer seuls. Tant que ma soeur et moi étions ensemble, nous pouvions vivre ici, avec nos parents. Maintenant que Jennifer était...
J'esquissai une fente rapide vers l'avant puis tournai sur moi-même, attaquant ainsi un ennemi imaginaire qui se serait trouvé derrière moi.
J'allais connaître ce que beaucoup d'enfants de chasseurs de démons connaissaient : la délocalisation. Afin de servir l'Ordre, j'allais être arrachée à ma famille, à mes amis, à ma vie. Ce n'était plus qu'une question de temps.
De rage, j'opérai un enchaînement compliqué et bientôt, plus rien ne compta que moi et le contact du bois de mon arme contre mes paumes. La salle autour de moi s'obscurcit et j'attaquai le vide qui m'entourait, le fendant à de multiples endroits à la fois.
Une haine inconnue m'habitait. Je les détestais, je détestais la vie qu'ils nous imposaient, je détestais le pouvoir qu'ils avaient sur nous, je détestais l'injustice que tout cela sous-entendait, je détestais que Jennifer soit morte, et par-dessus tout,  je me détestais.
Je continuais de balancer des coups. Autour de moi et soudain, la lumière fusa.
— Aleisha !
Je sursautai et me mis à cligner des yeux.
Ma mère se tenait à l'entrée de la salle d'entraînement, la main posée devant sa bouche, comme si elle voulait retenir un cri silencieux.
Je repris alors peu à peu conscience de l'endroit où je me trouvais. C'était comme si mes sens se reconnectaient un à un à mon cerveau. Je sentis la sueur qui inondait mon visage, mon dos et mes épaules ; les muscles de mes avant-bras m'élancèrent douloureusement, mon coeur palpitait dans ma poitrine, comme l'aurait fait un oiseau cognant contre les parois de sa cage. Les paumes de mes mains brûlaient.
Mes yeux se posèrent sur la perche que je tenais, ou du moins sur ce qui en restait. L'arme avait été cassée à mi-hauteur. Les échardes s'échappaient du bois à l'endroit de la cassure comme un millier d'aiguilles rendues folles.
Je balayai la salle des yeux. J'avais brisé la perche à mainte reprises, contre les murs, des armoires et les quelques meubles de rangements, pourtant rares, qui occupaient la pièce.
Je jetai ce qui restait de mon arme sur le sol, comme si elle m'avait brûlée.
Ce qui venait de se passer était impossible. Il fallait une force colossale pour briser une perche en bois aussi épaisse, surtout sans adversaire. Le pire était que je ne me souvenais de rien.
Ma mère fit alors la seule chose qui pouvait encore me réconcilier avec le monde. Elle s'avança vers moi, me prit dans ses bras et me serra contre elle.
Au contact de son corps, je me mis à pleurer en silence.

Aleisha Grey - Démons intérieurs - Tome 1 - Wattys2019Où les histoires vivent. Découvrez maintenant