Les Joueurs de Lost Vegas

Deuxième affrontement

Piris descendit l'échelle taillée directement dans la pierre des remparts le plus vite qu'elle pût. Elle glissait d'aspérité en aspérité, raclant la pierre avec ses ongles. Enfin, elle sauta sur le sol, et courait déjà avant de s'être complètement reçue. « Khe ! » Elle s'approcha du jeune homme, le retourna et posa sa main sur le cou de son amant. Son pouls battait à un rythme élevé, mais pas au-delà de ce qui était normal. Piris soupira de soulagement, et s'autorisa à enlever la cagoule noire de la combinaison. Khe n'avait pas été marqué dans sa chair par le combat. Au pire, seule la moue atone du jeune homme pouvait paraître inquiétante. Puis, elle ausculta le chasseur sous tous les angles, constatant qu'il ne s'était rien brisé.

Elle tourna la tête pour accueillir Hermes qui arrivait en trottant. « Il est vivant, assura-t-elle, et apparemment, il n'a rien de cassé. Reste à espérer qu'il va se réveiller.

─ Je m'en occupe Piris, répondit le sorcier avec un calme souverain. Je connais le moyen de le ramener parmi nous. Faites-moi confiance, et laissez-moi faire. »

Sans attendre de consentement, Hermes s'agenouilla près de Khe, et fermant les yeux, il murmura une étrange incantation d'une voix que Piris ne lui connaissait pas. Ses mains survolaient le corps du chasseur d'une façon qui aurait pu passer pour désordonnée si une étrange harmonie n'en eût émergé.

Piris se rendit bien compte qu'elle ne pouvait plus rien faire pour l'instant. À contrecœur, elle se résolut donc à revenir à des préoccupations plus immédiates.

Des autorités encore capables de diriger Lost Vegas, il ne restait plus beaucoup de monde : Vox, Triga, Maldek et elle-même. Les Foraineurs s'étaient regroupés autour d'Hermes. Sans chef, ils ne bougeraient plus. Les Gardiens du Feu ne valaient pas mieux. Les troupes d'élites avaient été décimées par les Shankreatures et seuls restaient les novices et les Gardiens les plus vieux. Autant dire qu'ils pourraient au mieux compter le nombre de Shankreatures, si celles-ci franchissaient les portes du Stallite. Vox quant à lui s'affairait près des portes, priant pour que Solaar accueille les âmes qui venaient de trépasser. Le Grand Prôneur marchait d'une façon voûtée, preuve qu'il était complètement dépassé par la situation. Piris savait que les oraisons dureraient longtemps.

Restaient donc les Burboys, et Triga. Leur rôle dans le Stallite en faisait des hommes à la constitution solide. Les heures passées dans l'Obscur à chasser les animaux sauvages les rendaient aptes à endurer les conditions les plus difficiles. Ils obéissaient en outre comme un seul homme à leur chef, ce qui en faisait des guerriers de valeur. Beaucoup de muscles, de l'expérience, et un libre arbitre quasiment nul.

Elle se dirigea vers Triga, se découpant dans la pénombre qui empoissait le Stallite. Elle avait enfilé une cuirasse de Gardien du Feu sur sa robe de cérémonie, et des pans de tunique vert clair virevoltaient le long de ses jambes et de ses bras pendant que son buste luisait d'un éclat bleu. Sa tête était recouverte d'un casque en laiton recouvrant le cou, les oreilles et l'arête du nez. Tout cet attirail lui conférait une prestance archaïque.

Triga discutait avec les Burboys, sans être plus préoccupé que cela de la récente extermination de quelques Joueurs. Piris n'attendit pas qu'il prenne l'initiative.

« Triga ! lança-t-elle sèchement.

La masse se retourna, dévoilant sa face bovine marquée de plaques jaunâtres et de points violets.

─ Yep, Piris.

─ Es-tu prêt à faire une sortie avec les Burboys ? Nous devons faire vite.

─ Hola. » Le Burboy se ficha devant elle, les poings sur les hanches. « Tu m'sembles bien arrogante, Vierge Sacrée. J'suis en train de voir avec mes hommes si nous allons prendre un tel risque.