-Moi-

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Y'a pas à chercher très loin pour se rendre compte que la vie, c'est de la merde.

Tu nés parce que ton père a éjaculé dans ta mère, en supposant que tout se soit passé comme prévu, tu vis deux-trois péripéties à la con et puis tu crèves.

Clair, net, précis. Efficace. C'est la vie.

Des gens cherchent à se rendre l'existence belle, mais à quoi bon ?

Si tu as eu de la chance, tu es né bienheureux.

Si tu es comme moi, tu es lassé de l'horreur de notre monde, ou du moins de notre race, et tu attends juste que la fin arrive. Voire même essaye de lui donner un petit coup de pouce, dans certains cas.

Si tu l'es, tu le restes. Tu ne changes pas. On peut te dire autant qu'on veut que la vie est un cadeau, que les oiseaux chantent, que les fleurs c'est beau, quand t'es allergique au pollen tu t'en fiches.

Tout ce que j'ai tiré de mon hospitalisation, c'est rien de plus qu'un ennuie profond.

On te parle comme à un gamin, on te couve, on te montre que tu vaux quelque chose. Quelle connerie.

Parce que tu sais pertinemment que dès que tu passeras le portail et retourneras à la vie normale, tu tomberas de haut. Que là-bas, on s'en branle de toi. T'es qu'un point dans la foule, une personne sur les sept milliards. Que tu crèves, on s'en fout. On s'en rendrait même pas compte, pour être honnête.

Alors allez-y, dorlotez ces pauvres enfants dépressifs, couvez-les, enroulez-les dans un cocon de mensonge, mais à la fin, la vérité leur explosera à la gueule et ils tomberont comme des mouches.

Quand je me suis taillé les veines, je m'en foutais pas mal des pourquoi.

Pourquoi maintenant ? Il fallait bien que cela arrive un jour.

Pourquoi n'as-tu prévenu personne ? Ce n'étaient pas des jolis mensonges qui m'auraient fait changer d'avis.

Pourquoi n'as-tu rien laissé à personne ? J'ai rien de spécial à dire, et si c'était le cas, je l'aurait fait avant, en face-à-face.

Pourquoi ? Pourquoi pas ?

La vie est un putain de fleuve où les humains jettent des déchets toxiques, espérant crever dans un cercueil en or avant que tout ne leur explose à la gueule, ignorant les futures générations.

On veut que je m'explique, que je comprenne, que je regrette.

Parce qu'on a peur que j'aie raison.

On veut se dire que la raison pour laquelle je pense ça est une maladie, que c'est faux, que la vie est belle en vrai.

Alors, oui, bravo. Vous avez gagné. Je suis malade. Je suis dépressif. Heureux ? Heureux de vous dire que mon avis ne compte pas ? Que je suis un cas à part ? Que je me trompe ?

Je suis un cancer sur pattes, soit on me croit et on se laisse contaminer pour devenir comme moi, soit on se dit qu'il faudrait un médecin pour me soigner, avant de tourner le dos, se rassurer en se disant qu'on n'est pas comme moi, ignorant sa gangrène grandissante lentement.

Et vous savez quoi ?

Je m'en branle.

L'humanité est pourrie, et ça ne me dérange pas. Je compte vite crever. Les personnes qui m'entourent sont soit condamnées à devenir comme moi, soit des gens ne me prenant pas au sérieux.

Alors si je devais me tenir dans une salle remplie, je m'en ficherais. Les gens qui passeraient près de moi finiraient forcément dans l'un des deux cas, et je m'en fous pas mal.

.

.

.

Sauf si Lucas en fait parti.

Lucas est une magnifique personne dont l'estime de soi ne tient qu'à un fil, mais qui décide quand même d'aider et d'écouter les autres, au risque de voir ledit fil se couper sous les assauts répétés des mauvaises pensées.

Lucas est une personne qui ne sait pas nager, avançant sur la pointe des pieds dans la mer pour continuer de respirer l'air, menaçant de couler sous la moindre vague.

Je ne sais pas pourquoi je suis resté ami avec lui aussi longtemps en connaissance de son état. Il voulait plus d'espoir et je n'ai fait que prendre le sien.

Lucas fait parti de ces gens bons, qu'on ne peut juste pas trouver de mauvais fond.

Peut-être que c'est pour ça que je suis tombé amoureux de lui. Parce qu'il était ce que je voulais être. Parce qu'il faisait de son mieux. Parce que je ne pouvais pas ne pas l'aimer, simplement.

J'adore le complimenter, parce que quand il entend la vérité, son nez devient rouge et il se remet à bégayer.

Alors, pourquoi suis-je parti ?

On peut se poser la question, évidement.

Mais elle me paraît évidente.

Vous resteriez avec l'homme que vous aimez, sachant qu'aucun de vous ne va bien ? Que vous allez sûrement vouloir lui demander de l'aide, alors que lui-même en a besoin ?

Bien sûr que non. Mieux vaut le laisser seul, loin de vous, où vous ne l'intoxiquerez pas.

Alors, pourquoi suis-je revenu ?

C'est la question qui revient aussitôt, vue la contradiction totale.

Mais elle me paraît à nouveau évidente.

Vous diriez non à ce qui semble être l'homme de votre vie, sachant qu'il revient alors que vous avez été horrible avec lui ? Qu'il s'accroche malgré votre caractère de chien ?

Ça se voit que vous ne le connaissez pas. Parce que rien que de le voir se triturer les lèvres comme il en a la fâcheuse habitude, et je sais que je n'ai jamais vraiment arrêté d'être amoureux.

Un jour je veux juste lui faire du rentre-dedans brutal pour que cet idiot comprenne un peu que je l'attends, et un autre je veux qu'il se casse loin de moi pour son bien.

Je veux qu'il reste, je veux l'empêcher de partir, mais je crois que c'est ce qu'il faut pour son état.

Je ne sais pas ce que je suis censé choisir.

Je ne veux pas qu'il reparte.

C'est tout ce que je sais.

.

.

.

Alors voilà.

On en est là.

Je viens de vider mon sac, et maintenant il me regarde comme si j'avais un troisième œil. Parce que de toute évidence, l'idée que je sois amoureux de lui lui paraît impossible.

Vais-je me prendre un râteau ? Sûrement. La parfaite Alice lui fera du grand bien, mettra un sparadrap sur son cœur.

Et c'est sans doute mieux comme ça.

Quel bordel.

Notre Bordel d'AmourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant