-Coming-Out-

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Comment est censé réagir un garçon lorsque son meilleur ami lui apprends qu'il est gay ?

Je ne sais pas.

Personnellement, j'ai haussé les épaules et ai dit « D'accord ».

On n'avait que quatorze ou treize ans à ce moment-là, alors on était encore un peu protégés de l'horreur des discriminations, homophobies et peurs de la différence.

Pour moi, c'était mon meilleur ami. Il n'avait pas changé. Un troisième bras ne lui avait pas poussé dans le dos, son caractère n'était pas différent, et nos discussions ne s'étaient pas métamorphosées en sonnets à l'honneur de quelconques célébrités masculines de l'époque.

Non, il n'y avait décidemment aucun changement en lui qui m'aurait rebuté.

Peut-être que, si je n'avais jamais eu d'anxiété sociale, l'idée qu'il puisse me mater dans les vestiaires m'aurait traversé l'esprit, mais je ne me voyais décidément pas comme quelqu'un dont on puisse être attiré.

Notez que je parle au passé, mais que j'ai toujours la même vision déplorable de moi-même.

J'ai un jour pensé que je puisse être la raison pour laquelle il s'était rendu compte de son orientation sexuelle, puisque le moment où il était tombé amoureux de moi était aussi à peu près dans ces eaux-là, mais à vrai dire, je trouve cette idée trop narcissique pour oser y croire ou lui poser la question.

Après tout, peut-être est-ce l'inverse, et que c'est après l'avoir accepté qu'il a commencé à se poser des questions à mon sujet.

J'imagine que certaines questions sont faites pour ne pas être répondues.

Ce n'est pas parce qu'il m'a dit qu'il était gay qu'il m'a cependant fait des annonces claires sur ses relations amoureuses. Souvent, je n'apprenais ses aventures qu'une fois celles-ci terminées, vue qu'il était assez réservé à ce sujet.

Je ne lui posais pas souvent de questions à ce sujet pour être honnête. Je me foutais de son « type », ou de s'il s'imaginait plus en-dessous ou au-dessus. La seule différence fût mes blagues grasses qui doublèrent de fréquence, plus de possibilités s'étant ouvertes.

Comme son-


Son annonce publique, elle a été assez glorieuse. Je ne pense pas avoir eu autant de courage de toute ma vie.

Nous étions en cours d'histoire-géo, environ quatre mois plus tard. Nous parlions des discriminations dans les pays d'Asie, notamment tout ce qui touchait à la descendance féminine.

Vous le savez sûrement, mais par exemple, en Chine, lorsque la loi de l'enfant unique fût appliquée, beaucoup de familles qui savait attendre une fille trouvaient des moyens d'avorter, ou de l'abandonner afin d'avoir un fils.

Arriva alors la fameuse question, où la prof demanda au premier venu, à savoir Luc, s'il serait prêt à faire cela lui aussi juste pour avoir une descendance masculine.

Je pense que je me souviendrai longtemps de son sourire carnassier lorsqu'il a répondu que l'être humain était fait de sorte que deux hommes ne pouvaient se reproduire ensemble.

Il y avait eu un petit silence dans la salle avant que je ne dise que, de toute façon, s'il en avait un dans le futur, il le tuerait accidentellement sous cinq jours.

Dans ma tête du moins.

A l'époque, ma diction allait mieux, mais j'étais toujours légèrement bègue sous le stress et le public.

J'aurais adoré lui venir en aide, mais j'étais paralysé à l'idée de me trouver sous les moqueries. Heureusement, il n'a pas eu besoin de moi, et il s'en est parfaitement sorti tout seul lorsque certains ont ri à sa blague.

Une raison de plus pour mon anxiété sociale de me rabaisser. Tout le monde aimait Luc, il n'avait aucun souci à se faire, contrairement à moi.

C'est d'ailleurs aussi la principale raison pour laquelle je n'ai jamais fait d'annonce sur ma bisexualité.

Ni à ma famille qui se fichait pas mal du sexe de la personne que j'aimais, du moment qu'elle me rendait heureux, ni à mes camarades d'école.

De toute façon, pour être honnête, mes parents l'ont sans doute su avant moi, qui ne l'ai découvert qu'avec le monde de la pornographie, soit vers mes quatorze ans, étant parfois indifférent face à certaines femmes, contrairement à quelques hommes plutôt attirants, ainsi que l'accès à la connaissance sur tout ce qui touchait l'homosexualité.

Bon, je vous ai fait la jolie version poétique, mais vous vous doutez bien qu'en vrai c'était moins beau et plus dégueu.

Bien évidemment, le fait que je traîne tout le temps avec « le gay de service » faisait poser beaucoup de questions, et beaucoup ont dut se dire que j'avais la même orientation sexuelle que lui.

Toujours est-il que, lorsqu'on osait me poser la question directement, je soupirai bruyamment en levant les yeux au ciel pour faire se rendre compte à l'autre sa stupidité.

Et aussi parce que je voulais éviter tout autre bégaiement.

Mes réponses souvent silencieuses ont d'ailleurs fait beaucoup douter certains, au point où un garçon de ma classe m'avait un jour demandé si j'étais muet.

Bien évidemment, j'ai roulé des yeux en soupirant, et il l'a pris pour un oui.

Je me demande s'il sait la vérité depuis. Enfin bon.

Pour en revenir à ma bisexualité, il a cependant fallu que je le dise à Luc, puisque lui m'avait dit pour son cas.

Contrairement à lui, je n'ai pas fait d'annonce ou quoi. Simplement, un jour où, allongés sur son tapis de salon devant un eu vidéo, il questionnait mon éternel célibat et ma potentielle envie de me trouver une copine, j'ai complété avec « ou un copain ».

Il a eu un petit silence avant de sortir un combo tuant mon personnage pour répondre « Ah ouais, aussi ».

Et c'est comme ça qu'il l'a su. Tout bêtement.


Après tout ça, vous comprenez donc : la question de notre sexe à tous deux n'a jamais été une véritable emmerde à rajouter sur notre liste. Notre entourage n'a jamais eu de problème avec cette idée, tout comme nous-même.

Non, vraiment, ça, ça n'a jamais été un problème dans notre relation.

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