Chapitre 1

349 13 3
                                    

- On ferme dans dix minutes !

J'essuie la goutte de sueur qui perle sur mon front et retire mes gants de boxe que je viens ranger sous le sac de frappe contre lequel je me suis battu toute la soirée. Je fais craquer ma nuque et prends le chemin des vestiaires, ne désirant qu'une chose, rentrer chez moi.

Je rencontre deux-trois quarantenaire dans la petite pièce sans fenêtre, la même fatigue que la mienne se lit sur leurs visages abîmés. Je récupère mon sac dans mon casier et enfile rapidement ma veste par-dessus mes vêtements puant la transpiration avant de quitter la pièce. Je m'arrête au comptoir et donne ma clef au gérant tout en jetant un coup d'œil à l'horloge accrocher dans son dos. Vingt-trois heures.

- C'est tard pour rentrer seule, je peux te ramener ? Lance une voix dans mon dos.

Je me retourne et rencontre un visage quelque peu familier. C'est le seul autre jeune qui fréquente ces murs qui, de plus, est un membre de ma faculté. Ses yeux sombres me scrutent avant de se focaliser sur la porte vitrée face à lui. Dehors, il pleut averse.

J'enfile ma capuche et fourre mes mains dans mes poches tout en passant devant lui.

- Je n'habite pas loin, mais merci.

Je ne lui laisse pas le temps de répondre que je me mets en route, affrontant sans grande peine le temps chagrin de cette nuit coréenne. La saison des pluies est la période de l'année pour laquelle je ne me suis jamais adaptée, bien que cela fait maintenant plus de dix ans que mes pieds frappent les pavés de ce pays. En Russie, là où j'ai vécu durant la première partie de ma vie, les hivers sont bien plus froid et les été moins chaud, mais tout y est toujours agréable. Tout du moins, c'est l'image que mon cerveau d'enfant à décidé de garder.

À vrai dire, je ne suis pas réellement objective avec la Corée. Quand j'ai soufflé ma dixième bougie, la directrice de mon orphelinat est venue me voir dans ma chambre et pour la première fois en quatre ans derrière les murs gris de ce foyer, elle m'a annoncé que j'allais partir. Que j'allais avoir une vraie famille.

Les lumières de Séoul se reflètent dans les flaques et je pousse un profond soupire. Il pleuvait aussi le jour où j'ai rencontré cette famille. Mes pieds, bien au sec dans des bottes en caoutchouc bleu, on foulés cette terre avec beaucoup d'attentes. Un grand nombre d'entre elles ont été comblées. J'avais un papa, une maman, et même un grand frère. Une belle maison dans un quartier paisible et je n'avais pas besoin d'aller à l'école. Ne comprenant pas beaucoup de chose, mise à part le Russe appris dans la rue, mes nouveaux parents se sont chargé de mon éducation tout en m'offrant cadeaux et amour.

Je lève la tête et remarque le feu rouge, m'obligeant à m'arrêter. Séoul est désert sous ce temps pourrie et les seuls visages qui me font face sont ceux afficher sur l'écran géant habillant le building de l'autre côté de la rue. Instinctivement, mon regard se pose sur l'un d'entre eux, le plus vieux des sept garçons souriant dans le vide. 

Mes rêves de famille unie se sont brisés quand je suis entrée dans l'adolescence. Mon unique pilier dans ce monde est parti de la maison, emportant avec lui mon innocence d'enfant. Nous n'étions plus que trois, à le regarder s'affirmer derrière un écran de télévision.

Devenus soudainement trop occupés, mes parents m'ont envoyé à l'école et c'est là que tout à dérapé pour moi. Malgré toute la bonne volonté de ma mère pour faire de moi une gentille coréenne bien éduquée, je n'en suis jamais devenu une. Les enfants sont méchants entre eux et surtout quand l'un d'eux ne ressemble pas aux autres. Mon instinct d'enfant abandonné à rapidement refait surface et je ne compte plus les fois où j'ai pu lire de la déception dans les regards de mes parents.

Pour la troisième fois, le feu passe au vert et cette fois-ci, je me remets en marche. Ma capuche devenue totalement inutile tant je suis trempée retombe sur mes épaules alors que le visage sur l'écran géant me regarde disparaître au détour d'une ruelle. Je ne suis plus qu'à quelques mètres de mon appartement maintenant, appartement où je vis seule.

Après un nombre incalculable de fois où mes parents ont dû faire l'aller-retour entre mon lycée et notre maison à cause des rendez-vous incessants avec mon proviseur, j'ai finalement était diplômé et ma bonne étoile à continué de me suivre en m'offrant une très bonne place dans une université renommée de Séoul. Malheureusement, même si la chance me suit dans les études, ce n'est pas le cas dans d'autres domaines. Je suis peut-être une tête faisant des études de mathématique, je ne suis toujours pas aussi doué en ce qui concerne les relations humaines. Il faut avouer tout de même que les jeunes de mon âge ne m'aident pas vraiment.

J'arrive enfin devant mon chez-moi, je cherche pendant cinq longues minutes mes clefs dans mon sac avant d'avoir accès à mon hall d'entrée. Je m'arrête devant les boîtes aux lettres et récupère mon courrier. Au même moment, mon regard rencontre mon reflet dans l'immense miroir habillant le mur voisin. Mes cheveux blonds retombent comme des baguettes usées autour de mon visage trop blanc. Je passe une main dans ces derniers et referme la boîte en fer dans un bruit mat. J'essuie mon nez humide d'un revers de la main et prends la direction de l'escalier, ne voulant plus affronter mon image et tout ce qu'elle peut engendrer de négatif.

J'enfonce ma clef dans la serrure et rentre enfin dans mon appartement, situé au dernier étage de l'immeuble. Je referme rapidement la porte derrière moi et envoie valser mes chaussures dans l'appartement. Je laisse tomber mon sac et ma veste devant mon canapé où je me laisse tomber. Je ferme les yeux, mes mains gelées reposant sur mes joues probablement rougie par la pluie.

Je suis à deux doigts de sombrer dans un profond sommeil quand un poids vient se positionner sur mes cuisses. J'ouvre les yeux et rencontre ceux joueurs de mon jeune chat. Il vient frotter son museau contre mon visage, réclamant de l'attention après une journée passé seul.

- Bonsoir Moscou, tu as été sage sans moi ?

Il ronronne sous mes caresses et je souris. Je l'attrape sous les pattes et me lève pour aller dans l'espace cuisine ouvert sur mon salon. Je repose mon chat sur le bar et ouvre le frigo à la recherche d'une pâtée. J'en trouve une derrière les bouteilles de Soju et les quelques tomates ayant dépassé le stade de maturation depuis longtemps. J'ouvre la boîte et la vide dans sa gamelle et Moscou ne se fait pas prier avant de dévorer son repas.

Je lui offre une ultime caresse avant de prendre la direction de ma douche, abandonnant mon téléphone sur la table basse, n'ayant même pas la force d'aller voir la dernière notification qui a illuminé son écran avant que je n'entre dans la salle de bain.

Ce n'est pas important, ça ne l'est jamais. 

Fray (BTS FF)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant