Chapitre 5

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- Je t'ai déjà dit que c'est sur ce sac qu'il faut frapper AeNao, pas sur les gens, regarde ton visage. Lance une voix dans mon dos suffisamment fort pour atteindre mes tympans malgré mes écouteurs profondément enfoncés dans mes oreilles.

Je me retourne et les retire faisant face à Park JiEun, le gérant de la salle de sport et probablement la personne avec laquelle j'ai le plus de contact, socialement parlant. Je retire mes gants et viens le saluer.

- C'est vrai que les sacs, au moins, ne rendent pas les coups. Rié-je en essuyant la goutte de sueur perlant dans ma nuque.

Je suis venu me réfugier ici après mon altercation avec mes parents, comme d'habitude. Quand je sens que la situation m'échappe, je finis par venir frapper ma colère dans mon sac fétiche dans cette petite salle en banlieue de Séoul. Il vaut mieux pour moi que je me défoule ici que sur des êtres humains, sinon je finis renvoyer de la fac.

- Je suis venu te prévenir, il va être temps que tu payes ton abonnement trimestriel, tu sais que les finances ne sont pas aux beaux fixes en ce moment.

J'ouvre la bouche pour répondre quand les paroles de mon père refont surface dans mon crâne. Je ferais mieux de ne pas avoir de dépense superflue avant de trouver un gagne-pain, sinon je vais rapidement finir sous un pont pour ne pas avoir réussi à payer mon loyer.

- Je suis désolé monsieur, mais je ne vais pas pouvoir renouveler pour l'instant, je suis à la recherche d'un emploi. Murmuré-je en regardant mes pieds.

- Oh et bien, je comprends. Je te garde ton casier quelque temps, si tu trouves ce que tu cherches.

Il me salue et quitte la salle. Je pousse un profond soupire et range les gants avant de partir moi aussi. Par précaution, je vide également mon vestiaire, remarquant qu'il s'agit étrangement de mon activité principale aujourd'hui. Je fais un rapide détour aux toilettes avant de quitter la salle de sport.

La nuit m'accueille et je prends le temps de m'allumer une cigarette avant de prendre la route jusqu'à chez moi. Ma clope au bec, je cherche désespérément après mon briquet quand une flamme rentre dans mon champ de vision, brisant la profondeur de la nuit. Je jette un regard au propriétaire du briquet et reconnais le garçon de ma fac. Je le remercie silencieusement et allume ce que je considère comme ma pire addiction avant de lui rendre son bien.

- J'étais dehors, quand tu as eu ta conversation avec tes parents. Commence-t-il en se tournant vers moi.

Je m'apprête à répliquer afin de lui partager mon point de vu sur les fouineurs, mais il ne m'en laisse pas le temps, continuant sa phrase.

- Si tu as besoin d'argent, je peux t'aider à t'en faire rapidement, je cherche un livreur.

À son tour, il se penche pour allumer sa cigarette et je fronce les sourcils. Il ne faut pas être stupide pour comprendre de quel genre de livraison, il parle. Et je ne suis décidément pas assez désespérée pour tomber là-dedans.

- Désolé, je ne suis pas intéressée. Répliqué-je en tournant les talons, bien décidés à couper court à cette conversation qui m'est désagréable.

J'étais sur le point de partir quand ce sombre inconnu se saisit de mon poignet, sans attendre, je me retourne, le poing tendu pour faire en sorte qu'il me relâche. Mais avant que je n'atteigne son beau visage, sa main libre vient se saisir de la menace, serrant mes articulations sans douceur.

- Je ne te demande pas d'être intéressée Kim AeNao, juste de faire ce que je te demande. Tu trouveras rapidement ton compte ne t'en fais pas. Et puis, il est facile de faire disparaître une fille seule. On sait toujours ce que l'on quitte, mais jamais ce que l'on trouve.

Je peste et me dégage de ses prises d'un geste sec. Il glisse alors un sachet transparent dans ma paume, sachet que je m'empresse d'enfoncer dans la poche de ma veste, de peur que des personnes passants dans la rue ne me voient avec ça entre les mains.

- Pour la première fois, tu n'as qu'à aller dans l'appartement en dessous du tien, c'est un habitué. Comme ça, je peux voir si tu es plus docile que tu en as l'air et puis maintenant, tu sais que je connais ton adresse, si jamais tu décides de ne pas l'être. Susurre-t-il dans mon oreille.

Je le fusille du regard, ne sachant plus comment réagir. Je suis prise de court et mon cerveau est trop épuisé pour me trouver une solution miracle. Je serre les poings et me contente d'acquiescer. Avant que je ne parte, il glisse une dernière chose dans ma poche que je devine, au touché, être un téléphone portable.

- Présente toi comme une amie de MinHo, les clients comprendront. Je t'enverrais sur ce téléphone les endroits où tu dois récupérer la marchandise, puis ceux que tu dois livrer et enfin notre lieu de rendez-vous pour l'argent. Je te propose trente-cinq pour-cent de bénéfice pour chaque livraison effectuée. Des questions ?

Je secoue la tête et regarde mes pieds, m'insultant intérieurement pour ne pas faire preuve de plus de sang-froid que ça pour lui envoyer sa foutue came au visage. Il m'offre un sourire angélique contrastant fortement avec son rôle de dealer et me laisse enfin partir.

La route jusqu'à mon immeuble me semble durer une éternité et quand je croise l'affiche géante de mon frère, j'ai l'impression de lire son jugement dans ses yeux.

- Dans quoi je me retrouve embarqué ? Murmuré-je pour moi-même en traversant la rue.

Dans ma poche, ma main droite sert fortement le petit sachet rempli de drogue. Bien que je fume et que je bois plus que de raison, j'ai toujours refusé de toucher à ça. Et pour cause, j'ai vu trop de personne détruite à cause de cette merde dans mon ancienne vie. Une vie durant laquelle il était normal de voir cette poudre blanche dans les poches des orphelins. Nous sommes les meilleurs pour se faufiler dans les pires repaires à camés.

Devant mon immeuble, je prends quelques minutes pour prendre une grande inspiration. Je déglutis et m'engage dans l'escalier m'arrêtant à l'étage juste avant le mien. Je me poste devant la porte, le poing levé et cesse de respirer. Mon poing s'abat sur le bois et au même moment, plusieurs chiens se font entendre dans l'appartement. Je recule d'un pas quand une femme d'une trentaine d'années m'ouvre la porte, elle m'offre un joli sourire quand, au même moment, une voix de petite fille se fait entendre dans la pièce derrière elle.

- Maman vient me lire une histoire !

- J'arrive ma puce. Dit-elle en se retournant. Je peux vous aider ? Demande-t-elle en s'adressant à moi.

J'ouvre ma bouche pâteuse et la détaille un instant. Je me refuse de juger les personnes ayant besoin de ce genre de stimulant, mais je n'arrive pas à ne pas penser à la petite fille dans sa chambre qui attend sa maman pour qu'elle lui raconte une histoire. Cette même maman qui, une fois la petite couchée, se posera sur sa table de cuisine pour se charger du contenu du sachet que je sers bien trop fortement dans ma poche.

- Je... Je suis une amie de MinHo. Bégayé-je alors que je la vois doucement perdre patience.

Son expression change et elle me demande d'attendre un instant. Quand elle revient, elle jette un rapide coup d'œil dans la cage d'escalier pour s'assurer que nous somme seule avant de me tendre une enveloppe de papier kraft. D'une main tremblante, je dépose le sachet dans sa main et fourre l'enveloppe dans ma poche. Elle me remercie et ferme la porte.

Je reste un instant interdite, mes pieds toujours sur le tapis de cet appartement familial. Je chasse mes souvenirs d'un clignement de cils et me remets en marche avec l'irrésistible envie de m'enfouir sous mes couvertures pour disparaître une bonne fois pour toute. 

Fray (BTS FF)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant