Je trouve extraordinaire d'être une star mondiale, mais d'avoir un canapé pas plus confortable qu'un parquet mal ciré. C'est encore une fois en grognant que je me redresse, massant ma nuque douloureuse de ma main libre. Une légère lumière éclaire la pièce, le jour se lève sur Séoul.
Je baille à m'en décrocher la mâchoire, remarquant aisément être la seule réveillé à cette heure matinale. En m'étirant, je repère mon sac de sport posé au pied de mon lit de fortune. Je me penche en avant et en sors un paquet de cigarettes, l'un de mes paquets d'urgences planqué un peu partout dans mon appartement et notamment dans la poche extérieure de ce sac. Jin n'aurait jamais récupéré ceux traînant sur ma table basse.
Je parviens sans mal à glisser une cigarette entre mes lèvres, même si j'ai plus de mal à attraper mon briquet coincé au fond de mon paquet. Un sentiment de délivrance s'empare de moi quand l'objet tombe au creux de ma main et je m'empresse d'allumer ce qui me serre de carburant le matin.
Je ferme les yeux, m'appuie contre le dossier du canapé et inhale profondément la fumée, la gardant le plus longtemps possible dans mes poumons usés. La fumée se fraye un passage jusqu'à mes narines et je tire rapidement une seconde taffe, voulant toujours ressentir cette douce caresse à l'intérieur de ma cage thoracique cabossée de toutes parts.
Je savoure cette première cigarette depuis déjà quatre longs jours quand cette dernière m'est retiré. Je réagis comme une enfant à qui ont confisque sa tétine et ouvre immédiatement les yeux pour faire face à mon voleur. J'ai juste le temps de voir Jin écraser ma cigarette à peine fumée contre le plateau repas qu'il porte à bout de bras avant de me prendre une nouvelle soufflante.
- Pas de ça tant que tu vis sous mon toit Nao, clair ? Demande-t-il en posant le plateau sur la table basse.
Je ne réponds pas et me contente de détailler le contenu du petit-déjeuné. Du lait, du jus d'orange, des toasts, des céréales, et même quelques fruits. Jin se donne beaucoup de peine pour moi et j'ai dû mal à lui dire que je ne mange jamais le mâtin.
- Bois au moins quelque chose, s'il te plaît, tu n'as rien mangé de solide depuis un bail.
Il accompagne sa phrase d'un sourire bienveillant et j'accepte le verre de lait que je bois à moitié, ayant pour habitude de donner le reste à Moscou en temps ordinaire. Jin semble comprendre mon malaise et me retire l'objet de ma contemplation des mains, son geste accompagné d'un sourire triste.
- On a un tournage aujourd'hui. M'annonce-t-il, essayant de récupérer mon attention, présentement en train de se noyer dans mon verre de lait.
Je comprends aisément que je vais passer la journée seule et ce n'est pas pour me déplaire. Je parcours la pièce des yeux, cherchant tout de même un passe-temps pour occuper les heures à venir quand ce dernier me saute à l'esprit. J'en ai un tout trouvé.
- Vous avez récupéré mon ordinateur ? Demandé-je, une légère inquiétude dissimulée au fond de ma gorge.
J'aurais du mal à imaginer qu'il est encore dans mon appartement avec tout ce qu'il contient d'important à mes yeux. Des heures de travail qui sont vitales à ma santé mentale. Mon stress grandit quand je vois mon frère grimacer à ma requête. Il repose son verre de jus d'orange et ouvre la grande fermeture de mon sac. D'une main tremblante, il sort mon ordinateur de la grande poche et vient le poser sur mes genoux. Je respire de nouveau à son contact et ouvre rapidement l'écran pour le démarrer quand l'horreur me parcourt. Je reste un instant interdite alors que l'écran pendouille dans le vide, n'étant plus relié au clavier.
Il veut me briser en deux comme il a pu le faire avec ce stupide ordinateur et le pire la dedans, c'est qu'il y arrive très bien.
Quand je réalise ce que j'ai perdu, je n'arrive pas à retenir le cri de rage qui gronde en moi et alors que des pas précipités se font entendre au-dessus de nos têtes, j'envoie valser les deux morceaux de ma vie à l'autre bout de la pièce, créant une pluie de matériel électronique explosés. Je tire durement sur mes cheveux, pestant de ne jamais avoir eu la présence d'esprit de faire une autre sauvegarde de ce que j'ai de plus précieux.
- Je t'en rachèterai un autre. Propose Jin en déposant une main sur mon épaule.
Je me redresse alors qu'un rire rauque s'échappe de mes lèvres, la douleur de ma cage thoracique n'étant rien en comparer à celle qui habite mon âme. J'arrive à voir tous les mots perdus à jamais défiler devant mes yeux, comme pour me narguer alors qu'ils partent rejoindre le néant de données. Je repousse la main de SeokJin alors qu'il continue inlassablement de me promettre de remplacer l'engin gisant sur son parquet.
Depuis la mezzanine, les membres de son groupe, encore en pyjama, assistent à mon caprice d'enfant gâtée ayant cassé l'un de ses jouets préférés. S'ils savaient. S'ils savaient que ce qui me servait de décharge émotionnelle vient de se volatiliser.
Je me relève et une fois de plus, ne prend pas la peine de me laisser choir sur mon fauteuil roulant. Derrière moi, Jin essaye de me résonner, après tout, je ne dois pas me fatiguer, ce n'est pas bon pour ma santé. Mais je ne ressens rien alors ses belles paroles me passent par-dessus la tête et j'avance vers le seul couloir du rez-de-chaussée. Étonnement, je tombe directement sur ce que je cherchais en ouvrant la première porte qui se dresse dans ma vision devenu flou, une salle de bain.
Je m'enferme dans la pièce à double tour et j'ai le temps d'entendre Jin se laisser tomber le long de la porte avant d'ouvrir l'eau de la douche. Je retire sans douceur mes deux atèles et me hisse dans la baignoire avant de me placer sous le jet glacé.
Je deviens de plus en plus lucide, l'eau coulant sur ma peau et mes vêtements faisant redescendre doucement ma transe. Le piteux état de mon corps vient alors me frapper au visage et la douleur qu'il engendre vient s'ajouter à celle des mots disparus. Mes jambes me lâchent et ma tête vient se cogner contre le bord de la baignoire. Silencieusement, je lève mon visage vers le pommeau de douche, laissant mes larmes salées se mêler à l'eau.
Personne ne doit voir tes failles, sinon, ils n'hésiteront jamais à frapper là où ça fait mal. Jamais.
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Fray (BTS FF)
FanfictionIl y a dix ans, un jeune garçon et ses deux parents sont venus la chercher dans son pays pour lui offrir une vie meilleure. Aujourd'hui, alors âgée de vingt-et-un ans, cette jeune fille lutte tous les jours pour trouver sa place dans cette vie meil...