Chapitre 2

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Un miaulement me sort de ma torpeur et je tourne la tête vers Moscou, assit à mes pieds, ses yeux gris fixant avidement mon verre de lait. Je grimace et pose ce dernier devant lui, l'invitant silencieusement à finir mon petit-déjeuner. En ayant rapidement marre des nouvelles nationales, je coupe ma télé et pars préparer mon sac pour ma journée à la fac, qui, je l'espère, se fera sans encombre.

Je glisse mon ordinateur portable entre mes deux livres d'arithmétiques et termine en fourrant ma calculatrice dernier cri dans la poche avant. J'étudie les mathématiques et il va de soit que je n'ai pas décidé de le faire. Mes résultats étaient assez bons pour que je m'engage dans cette filière élitiste et mes parents, face à mon non-investissement dans mon projet de vie future m'y ont envoyé sans me poser de question.

Je n'ai pas ronchonné longtemps, sachant qu'aller dans cette faculté me permettais de quitter, à mon tour, la maison et de goûter à l'indépendance. J'espérais, en rejoignant la capitale, ne plus avoir à faire avec mes vieux démons lycéens. Je mettais les pieds dans une grande ville et donc, pour moi, il était obligatoire que les remarques sur mon physique, trop occidental pour le pays, disparaissent au même titre que mes boutons d'acné.

Mais malheureusement, même loin de la campagne et de l'âge ingrat, ça à continué et mes réactions, trop déplacées aux goûts de l'administration, ont eu raison de l'estime de mes parents pour ma pauvre petite personne. C'est grâce à leur nom et surtout à celui de mon frère que j'ai pu passer les partiels de milieu de seconde année la semaine dernière, et mes parents ne sont pas les derniers pour me le rappeler quand le doyen de la fac les convoque dans son bureau.

Je passe mon sac sur mes épaules et vais offrir une ultime caresse à Moscou avant de quitter l'appartement. Dehors, il ne pleut plus, mais le bitume est toujours trempé, donnant un triste air automnal à l'atmosphère. Je prends alors la direction de ma fac, mes pas sont lourds et mon esprit réclame quelques minutes de sommeil en plus.

Le campus est déjà effervescent, à l'instar de mon cerveau et je me trompe trois fois sur mon chemin avant de trouver ma salle. Je m'installe dans la première rangée vide, sors quelques affaires avant de m'affaler de tout mon long sur la table.

Ma tête repose lourdement sur mes avants-bras. Il est trop tôt pour un cours sur la géométrie avancée. Le bruit produit par mes camarades de classe commence à se faire plus présent autour de moi et je relève un œil timide pour regarder l'horloge murale. Le cours commence dans sept minutes. J'ai la mauvaise habitude d'être toujours en avance et cette habitude ne m'apporte pas que du bien.

À cause de ça, je suis plus fréquemment en contacte avec les langues de vipères de ma classe, comme ce matin.

- Et dire qu'elle prends la place d'un coréen en étant là.

Je détourne mon regard sans relever la tête et rencontre les trois silhouettes, assissent deux rangées en contre-bas. Je soupire et me redresse dans un bâillement sonore, attirant par la même occasion leurs regards noirs. Bienvenu dans mon quotidien.

- Ça te dérangerait de faire moins de bruit, l'étrangère ? Crache l'unique garçon de la bande, ses mains fourrées dans ses poches.

Je fais craquer ma nuque et commence à ranger mes affaires, ne faisant pas plus attention à eux que ça.

- Oh, je te parle l'adoptée !

Je ferme mon sac d'un geste sec et me relève alors qu'un sourire satisfait vient habiter son visage. Mais alors qu'il s'attendait à ce que je prenne la direction de la sortie en remontant les marches de notre salle, je fais le chemin inverse, venant me placer juste devant lui et sa bande.

- J'ai la nationalité coréenne, j'ai autant le droit d'être là que toi. Dis-je d'une voix calme.

- Ne m'adresse pas la parole, sale iminja profitant de notre pays.

Je tourne les talons, prête à partir, mais je me rétracte rapidement et marche sur mes pas avant, d'un geste vif, de venir me saisir de la tignasse sombre de cet idiot pour venir fracasser son joli crâne contre le bureau. Le choc résonne dans un bruit mat, laissant un silence lourd dans la pièce, silence trop vite brisé par les hurlements des deux filles assissent à ses côtés. Je n'attends pas mon reste et quitte la salle de cours, mes épaules rencontrant chaque étudiant sur mon chemin. Le regard de l'un d'entre eux capte mon attention le temps d'un instant, je reconnais sans peine le garçon d'hier soir, son bras tendu vers moi pour me rattraper. Je l'esquive comme je sais si bien le faire et claque la porte derrière moi.

Encore une journée qui commence bien.

Pour éviter les foudres du corps enseignant, je quitte le campus aussi rapidement que je l'ai rejoint. La seule trace de mon passage, aujourd'hui, sera le nez probablement cassé de cet idiot alors qu'une absence supplémentaire sera ajoutée à mon dossier scolaire bien fournie. Une chose positive avec tout ça, c'est que, tant que je ne suis pas prise la main dans le sac, je n'ai aucun problème avec l'administration de la fac. Mes congénères allants rarement se vanter d'avoir été corrigé par l'immigrée de service.

Ne voulant pas rentrer non plus, je décide d'aller m'installer dans le premier café sur ma route. Je commande de quoi grignoter et sors mon ordinateur. Passant la première partie de la journée à travailler les cours que je rate par le biais du site de la fac et la seconde à me laisser aller dans ma passion.

L'écriture de nouvelle, en russe évidemment. Le temps de quelques heures, j'oublie que je suis une étrangère dans ce pays pour me réfugier dans un autre où je sais avoir ma place. Je noircis sans grand mal mon traitement de texte au fil du temps qui passe tout en vidant mon compte en banque dans des cafés hors de prix.

Il fait presque nuit quand on me jette dehors. Mais avant de prendre la direction de mon chez-moi, je décide de retourner à l'endroit où je passe une grande partie de mes soirées, la salle de sport.

J'ai toujours était mauvaise pour me défendre avec les mots coréens qui me semblent tous sauf appropriés à ma rage intérieure. Alors, quand j'ai commencé à essuyer les insultes, j'ai décidé de trouver un moyen de les contrer et rien de tel que les coups pour faire mal. On dit que c'est la violence des faibles, mais pour moi, c'est tout le contraire, à travers un bon coup de poing j'arrive à blesser directement une personne qui cherche à me mettre à terre.

Les mots sont faits pour raconter de belles histoires, pas pour se défendre où heurter les autres. Alors j'ai mes poings et ma force pour bouclier, ne voulant jamais user de ma salive pour des personnes qui n'en valent pas la peine. 

Fray (BTS FF)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant