Chapitre 3

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Je me redresse de mon lit et fait craquer ma nuque alors que dans l'entrée de mon petit studio, quelqu'un maltraite ma pauvre porte. Sans me presser, je quitte mes draps tout en jetant un rapide coup d'œil à mon réveil.

- Qui ose me réveiller alors qu'il fait encore noir dehors ? Grogné-je pour moi-même en grattant l'arrière de mon crâne.

Je baille comme un sonneur en approchant de ma porte sûre laquelle, sans s'arrêter une seule seconde, quelqu'un passe ses nerfs. Je donne un coup de pied dans mes chaussures traînant là avant de regarder dans le judas. En reconnaissant la silhouette, je soupire et déverrouille la porte. J'ai à peine le temps de me reculer qu'il rentre en furie dans mon chez-moi. Laissant retomber sa capuche sur ses épaules.

- Ravie de te voir Kim SeokJin. Soufflé-je en croisant mes bras sous ma poitrine. Quel bon vent t'amène.

- Ne joue pas à la plus maline avec moi, Nao. Articule-t-il en retirant ses baskets.

Je m'écarte pour le laisser entrer dans mon salon. Il se débarrasse de sa veste et ouvre, sans gêne, mon frigo pour prendre une bouteille d'eau.

- Depuis quand tu bois ? Demande-t-il en remarquant les bouteilles de soju dans la porte.

- À ton grand étonnement, je n'ai plus quinze ans.

Il soupire et referme le frigo avant de venir se laisser tomber sur mon canapé. Il boit en silence tout en m'indiquant le fauteuil juste en face de lui, je secoue la tête.

- Si tu es venu pour me pousser une soufflante, tu peux repartir Kim SeokJin, je n'ai pas besoin que tu débarque une fois tout les six mois pour ça, autant rester chez toi. Sifflé-je en lui désignant la porte d'entrée d'un geste las.

Il pose la bouteille d'eau sur la table sans délicatesse et se redresse, me fusillant du regard.

- Papa et Maman m'ont appelé, j'adore entendre de leurs bouches ce qu'il se passe à la fac. Commence-t-il. Merde Nao, tu as vingt-et-un ans maintenant, tu as passé l'âge de te comporter comme ça.

- N'essaye pas de jouer le rôle de grand-frère, tu es très mauvais là-dedans, Oppa.

Il fait claquer ses mains sur ses cuisses et se relève en attrapant sa veste à la volée. Son regard noir rencontre le mien et je lui tiens tête. Il renfile ses chaussures rapidement et ouvre la porte d'entrée.

- Je m'inquiète pour toi Nao, mais appa et eomma vont vite abandonner. Et ton nom ne te garantira pas une place permanente sur les bancs de ta fac. Fait attention à toi.

- Marches, tu t'inquiètes moins quand tu es en tournée. Retournes-y et on en reparle dans six mois.

Quelque peu choqué par mes propos, il recule et j'en profite pour lui claquer la porte au nez. Je passe une main dans mes cheveux en poussant un léger cri de rage. Je shoote une fois de plus dans mes pauvres chaussures et attrape mon paquet de cigarettes, caché dans le tiroir à couverts de ma cuisine. J'ouvre la fenêtre et allume mon briquet. Regardant mon frère s'éloigner dans les rues sombres, un épais nuage de fumée s'échappant de mes lèvres.

Quand j'écrase mon mégot contre le rebord de ma fenêtre, le jour pointe timidement son nez dans le ciel. Je jette un regard circulaire sur dans mon appartement, rencontrant la boule de poil endormi à côté de mon ordinateur. Un sourire triste vient habiller mon visage alors que je me laisse tomber sur mon canapé. Je démarre mon outil de travail et pousse un profond soupire. 

- Je crois bien que je vais rester avec toi aujourd'hui Moscou, je n'ai pas vraiment le cœur à m'exposer.

Le chat ronronne à mon contact puis j'ouvre un traitement de texte, reprenant là où je m'en étais arrêtée hier avec à ma droite, un Moscou encore endormie et à ma gauche, mes cigarettes et une bouteille de Soju traînant là depuis quelques jours.

Il est tard quand ma réserve de stimulants arrive à ses limites. Je lance ma dernière bouteille vide dans ma poubelle et saute dans mes chaussures. Bien décidé à refaire le plein afin d'avoir de quoi finir le passage qui me nargue depuis l'écran de mon ordinateur.

Je mets ma dernière cigarette entre mes lèvres et sors, ma capuche sur ma tête et un peu d'argent dans la poche kangourou de mon sweat-shirt. Dehors, il fait de nouveau nuit et l'air est rendu frais. La première épicerie ouverte jusqu'à très tard se trouve à une quinzaine de minutes de chez moi, assez de temps pour finir ma dose de nicotine et râlé contre moi-même pour ne pas en avoir gardé une autre. Les rues que je traverse sont assez étroites et heureusement, car je sais pertinemment que je ne marche pas totalement droit.

Les lumières trop blanches de l'épicerie m'agresse quand je rentre à l'intérieur, les yeux meurtris et probablement rougit, j'avance jusqu'au rayon d'alcool où j'attrape les trois premières bouteilles qui me tombent sous la main. À la caisse, je demande gentiment deux paquets de cigarettes et le vendeur, en voyant le contenu de mon panier, demande immédiatement ma pièce d'identité.

Habituée d'être prise pour une mineure en voyage avec ses parents, je lui donne sans rechigner. Voyant qu'il a affaire avec une adulte responsable, il me fait encaisser mes achats. Je le salue et quitte sa boutique, le sac en plastique vert se cognant dans mes jambes nues et pour cause, je suis sortie dans mon short de pyjama.

J'entreprends de faire le chemin inverse et retraverse les ruelles nocturnes de Séoul sans une once d'appréhension. Je ne suis pas du genre à avoir peur de mon ombre et c'est peut-être l'un de mes pires défauts. Car, quand je passe entre deux coréens, probablement père de famille d'ailleurs, dans un passage mal éclairé, je suis complètement sereine, même lorsque l'un d'entre eux se saisit de mon poignet.

- T'es l'une de ces étrangères qui viennent vendre leur corps en Corée ? Demande celui qui me tiens fermement, alors que j'arrive presque à sentir le whisky dans son haleine.

- Et vous, vous êtes l'un de ces coréens pervers qui s'amusent à faire peur aux jeunes filles ? Répondé-je, n'étant pas dans mon état normal.

En temps ordinaire, je me serais contenté de me dégager et de continuer mon chemin sans rien dire, mais ma bouche s'est ouverte toute seule et malheureusement, ma réponse s'est accompagné d'un mouvement chez le second homme. La gifle résonne encore dans la ruelle et je suis trop abasourdie pour répliquer immédiatement. Ils ont encore l'occasion de lever la main sur moi deux fois avant que je reprenne mes esprits. Ne voulant pas abîmer mes achats, je laisse tomber le sac sur le sol dans un bruit de verre sonore et saute sur l'assaillant qui a toujours sa main crochue autour de mon poignet. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, il me relâche et s'effondre sur le pavé, ses yeux clos et son nez en sang. Je me retourne face à l'autre qui lève les mains au ciel avant de partir en courant, un bruit de fillette de douze ans s'échappant de ses lèves.

J'essuie le sang sur mon visage d'un revers de manche et récupère mon sac, vérifiant que son contenu est intacte. Quand je me retourne pour reprendre ma route, mon regard rencontre la silhouette d'un garçon. Son visage est masqué et ses poings serrés le long de son corps.

- Si tu voulais ton moment de gloire en me venant en aide, c'est trop tard. Lancé-je en lui tournant le dos, pressant mon œil droit, blessé, de ma main gelée. 

Fray (BTS FF)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant