Tout allait si bien...

Chapitre 17 : Prestation

  Je soupire une dernière fois pour me calmer et m'avance sur le devant de la scène avec Lorenz à mes côtés. Le public nous applaudit et nous acclame, cependant, j'ai l'impression d'être ailleurs, d'entendre ça comme si rien ne m'était destiné. Je ne m'attendais pas à savoir Lorenz si proche de moi, mais ce sera très certainement la dernière fois que nous aurons l'occasion de nous voir donc pas besoin de paniquer. Je ne suis rien par rapport à lui. Ça fait mal de penser ça mais même si son sourire est supposé m'encourager, je vois ça comme un adieu. Clément est trop loin de moi pour que je puisse l'apercevoir, ne serait-ce qu'un court instant, malheureusement. Nous l'avons interrompu alors qu'il était occupé car Lorenz est assez maladroit, tout comme moi. Voilà une chose qui me rassure, je ne suis pas seule !

Clément débute déjà la chanson, dans trois minutes, ce sera la fin. Une chose est sûre, je ne veux pas chanter cette chanson en étant triste. Je vais la dédicacer à ma grand-mère, intérieurement, de façon à la remercier pour tous les bons moments que nous avons passés ensemble.

Lorsque vient mon tour, je choisis de fermer mes yeux de façon à ce que Clément et moi soyons en symbiose, pour que rien ne vienne perturber cette harmonie. Lorenz a visiblement décidé que je ne bougeais pas assez en me prenant la main pour que nous rejoignions Clément assis derrière un magnifique piano à queue noir. Son regard gris posé sur moi alors que je chante me soulage et procure en moi une sensation plus qu'agréable. Le commencement n'était peut-être pas parfait, mais je veux me surpasser, pour lui. Je sais, je suis trop sentimentale, naïve et cetera, mais s'ils m'ont choisie, ce n'est pas pour rien. Au départ, je ne suis pas chanteuse mais la musique est quelque chose que j'adore plus que tout et que j'aime partager. Si je peux faire plaisir aux gens qui m'écoutent, que ce soit avec mon violon ou avec ma voix, je n'hésite pas. Lorsque l'on me demande de faire quelque chose, j'y vais franchement, quitte à me planter ! Bien évidemment, si c'est réussi, c'est mieux, mais quelques imperfections rendent le spectacle plus humain.

Plus que quelques secondes. Lorenz et moi entamons une dernière fois le refrain et les émotions prennent le dessus. Je ne veux pas que tout se termine comme si ce que nous avons créé ne servait à rien. Pourquoi est-ce déjà la fin ?! Je ne suis en général pas du genre à montrer mes sentiments mais je tremble et ai l'impression que je vais m'effondrer sur la scène. Ça aurait pu être pire (voyons le bon côté des choses !). Clément nous rejoint et me prend par la taille en me félicitant alors que le public est debout. Là, c'est sûr, je vais m'effondrer !

Le présentateur nous invite à le rejoindre sur le devant de la scène et là... c'est la catastrophe dans ma tête. Pitié, faites que je ne doive pas parler !

- C'était donc Lorenz, le gagnant de l'année dernière accompagné de sa magnifique partenaire, Lilas Dubois, qui méritent tous deux vos applaudissements !

" Sa magnifique partenaire ", je commence par quel mot : magnifique ou partenaire ? Autant commencer par le commencement. Il est vrai que la robe de Victoria est magnifique, mais Lorenz et elle l'ont créée... Pourquoi l'avoir faite pour moi ? Je me pose toujours beaucoup trop de questions, mais c'est vrai. Pourquoi ? Passons outre ! Deuxièmement, partenaire... c'est un mot comme un autre, mais il résonne étrangement à mes oreilles. Ce n'est que moi, autant ne pas s'en faire !

Je remercie le public et laisse Lorenz entre les mains du présentateur qui lui parle de son nouvel album.

**

Je me rends de suite dans ma loge et m'effondre sur ma chaise. Que dire à part « Voilà, c'est fait ? » Je ne vais pas me mettre à pleurer, mais à la fin d'un spectacle, je me sens toujours triste et heureuse à la fois. Je suis contente de moi mais quand c'est fait... c'est fait. Tant de répétitions pour trois minutes.

Quelqu'un frappe à la porte et entre :

- Salut Lilas, tu vas bien ? me questionne Clément en se plaçant derrière ma chaise de façon à ce que je puisse le voir dans mon miroir.

- Ça va, ça va. Tu as excessivement bien joué, bravo !

- C'est gentil, mais je ne m'attendais pas à jouer ce soir, ça aurait donc pu être mieux. Lorenz est tellement maladroit ! Avec lui, il y a toujours des imprévus !

Avec Clément à mes côtés, je n'ai pas envie de faire semblant d'être une personne que je ne suis pas. Je suis plus directe avec Lorenz mais ma timidité reste un obstacle devant Clément, même si je me sens bien quand il est là.

- Et c'est moi qu'on trouve maladroite d'habitude ! Tu n'as pas oublié de me le mentionner l'autre jour.

Un sourire à peine perceptible se dessine sur ses lèvres et je lui lance un regard malicieux.

- Ne t'inquiète pas Lilas, ça peut arriver à tout le monde, mais tu étais toute mignonne et très gênée, j'essayais donc de détendre l'atmosphère.

J'essaye de me retenir d'afficher un immense sourire, mais lorsqu'un beau garçon me complimente, j'ai toujours envie de sauter sur place comme une petite fille ou de faire une danse de la joie (attitude tellement mature).

Erin et Benjamin interrompent notre échange en entrant dans ma loge sans même frapper (ça me rappelle quelqu'un...) Je remarque Clément s'éloigner presque instantanément de ma chaise.

Mes deux amis viennent me faire un câlin avec un bouquet de magnifiques roses blanches. Erin se retourne pour regarder la personne déjà présente dans ma loge avant son arrivée, hoche la tête et me lance un regard loin d'être discret qui veut tout dire, c'est-à-dire qu'elle approuve mon choix.

- Vous devez être Clément, lui lance-t-elle en allant lui serrer la main, je me présente, Erin Carrol, meilleure amie de Lilas, chanteuse, violoniste,... je ne vais pas vous citer tous mes titres !

Pourquoi ai-je d'un coup envie de disparaître ? Pourquoi est-elle obligée de se présenter de cette manière ?! Au secours ! Je regarde Ben, horrifiée tandis que lui se contente de sourire bêtement. Pourquoi ?!

- Bonsoir Erin, c'est effectivement moi. Lilas vous a donc parlé de moi, j'en apprends des choses ! continue Clément en me jetant un coup d'œil.

Et il faut qu'il entre dans le jeu d'Erin, ce n'est pas croyable.

- Vous êtes un excellent pianiste, votre performance était magnifique !

- Tutoyons-nous, ce sera plus agréable ! C'est donc très gentil de ta part de nous féliciter. Sans Lilas, rien n'aurait été possible !

(Nouvelle petite danse de la joie mais je me reprends rapidement:)

- Mauvaise réponse, j'affirme.

Tous trois se retournent vers moi sans comprendre.

- Comment ça ? me questionne Ben.

- Sans Lorenz et toi, Clément, RIEN n'aurait été possible.

Une expression indéchiffrable apparaît sur le visage de Clément mais seulement durant une fraction de seconde, ai-je rêvé ?