Chapitre 24

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-26 juillet 2020, Julian-

J'arrive enfin au col de l'Iseran, à bout de souffle. Je suis en retard sur le peloton. Jamais ça ne m'est arrivé... C'est un énorme retard, et à l'instant même, je ne suis peut-être plus maillot jaune. Je dois impérativement rattraper les autres. Et surtout Egan, qui est devant moi. Je ne veux pas perdre... Pas maintenant.

« Ju, tu m'entends ? »

Dans l'oreillette, j'entends la voix de Franck. Je dois me battre, pour moi, pour Emma, pour ma famille. Je ne réponds pas et me focalise sur la descente. Je dois impérativement les rattraper.

« Ju, arrête-toi. L'étape doit être arrêtée. Il y un obstacle impossible à franchir. L'étape est finie. »

Je ne peux pas y croire... Je veux rattraper ce putain de Bernal ! Je dois le faire. Je ne veux pas perdre le maillot jaune. Les français vont être déçus de moi.

Je continue encore quelques mètres puis m'arrête en plein milieu de la course. La voiture de l'équipe arrive, quelques minutes après.

« Il y a eu un orage de grêle, la route est impraticable. » M'informe Patrick.

C'est impossible... Est-ce que je vais perdre le maillot jaune ? Je ne sais pas... Je ne sais plus... Tout est flou autour de moi... J'espère de tout cœur, que Thibaut va battre Egan. Il peut le battre, je crois en lui.

« Julian... »

Je vois Emma qui vient d'arriver. Je la sers dans mes bras et l'embrasse. Ça me fait tellement du bien de la voir.

« Ju, il faut que je te dise un truc... »

Dans son regard, je vois de l'inquiétude, de la tristesse et de la peur. Que se passe-t-il ?

« Il faut que tu rentres à l'hôtel. C'est Thi... »

Comment ça Thibaut ? Qu'est-il arrivé à mon meilleur ami ?

« Ju, rentrons à l'hôtel. C'est mieux. »

Je ne trouve pas la parole. Je ne trouve pas les mots. Pourquoi personne ne me dit rien ? J'aimerai bien savoir ce qu'il arrive à mon meilleur ami !

Nous grimpons dans la voiture, et je me mets à pleurer. Je sais que j'ai perdu le maillot jaune... Laurent Luyat vient d'annoncer à la radio, que les temps seraient pris au col de l'Iseran. Egan était bien devant moi lors de l'arrivée au col. Je ne suis plus le leader. J'ai perdu... Je ne pourrai pas rattraper le temps perdu. Je n'en ai pas la force ni le courage. Je devrai me battre mais je suis complètement exténué... Ce dont j'ai besoin, c'est de repos, et surtout de voir mon meilleur ami.

« Alaphilippe, à l'heure où je vous parle, n'est plus titulaire du maillot jaune. Egan Bernal, le jeune colombien, a 45 secondes d'avance sur Julian Alaphilippe. » Informe le journaliste à la radio.

Emma pose sa tête sur mon épaule et entrelace sa main dans la mienne. Il n'y a que son contact qui m'apaise.

« Rappelons également l'abandon de Thibaut Pinot, qui souffre d'une douleur au genou. Les résultats de ses examens nous parviendront plus tard dans les jours à venir. »

À l'annonce de cette nouvelle, mon cœur se brise en mille morceaux... Thibaut, mon fidèle ami, mon frère de cœur, mon meilleur ami, mon pilier, vient d'abandonner. Non... Ce n'est pas possible. Pas lui...

« Ju, ne pleure pas s'il te plaît. »

Comment ne pas pleurer ? Je viens d'apprendre que mon meilleur ami, celui qui rêve de remporter le Tour De France depuis qu'il est môme, vient d'abandonner. Il doit être complètement dévasté. Tout comme je le suis... Je voulais qu'il soit vainqueur de ce Tour. Il le méritait plus que ce colombien de mes deux. Pouvez-vous me dire ce qu'a apporter Egan ? Il ne s'est pas battu. Thibaut, lui, s'est battu jusqu'au bout... Il n'a rien lâché. Il m'a aidé à récupérer le maillot jaune, plus que mon équipe.

La voiture se gare devant l'hôtel. Il y a de nombreux fans qui m'attendent devant celui-ci. Je n'ai pas la force de leur parler.

« Julian ! »

Toute la foule m'applaudit. Ils ne devraient pas m'applaudir. J'ai perdu le maillot jaune. Je ne mérite pas ses acclamations. Thibaut les mérite. Pas moi.

Je rentre dans l'hôtel et me précipite directement dans la chambre de Thibaut. Je dois le voir. J'ai besoin de le voir. De le réconforter. De lui dire que je serai toujours là pour lui.

« Thi... »

Il est assis sur le rebord de lit, la tête entre les mains, les larmes perlant sur ses joues. Je déteste voir Thibaut pleurer. Je m'assieds à ses côtés et le prends dans mes bras...

« Je... Je ne mérite pas ce qu'il m'arrive...

- Personne ne le mérite. Encore moins toi.

- Je vais tout arrêter Julian. J'arrête ma carrière. Je ne peux plus... Je ne veux plus me battre... J'en ai assez. »

Je l'interdis de dire cela. Je sais très bien qu'il dit ça sur un coup de tête. Le vélo, c'est tout sa vie. Il ne vit que de ça. Il ne peut pas arrêter.

« Thibaut, tu ne peux pas dire ça. Je sais que tu es déçu de toi, que tu t'en veux. Mais tu dois te battre jusqu'au bout ! Je crois en toi plus que n'importe qui. Je t'aime Pinot. Même si parfois tu es con et chiant. Tu es un cycliste en or, qui m'a beaucoup aidé durant ce Tour. Certes je n'ai plus le maillot jaune, mais je ne vais pas me morfondre. Tu méritais ce maillot jaune. J'avais confié à tout le monde, que tu le méritais plus que moi. Et je tiens ma parole. Je ne mens jamais, surtout à toi. Je veux te voir au Tour de France l'année prochaine, et tout donner. Je veux que tu finisses sur le podium, le maillot jaune sur les épaules. Toi aussi tu peux ramener des tonnes de lions en peluches. Je veux que tu gagnes l'année prochaine. Que tu les écrases tous. Surtout INEOS ! Et Marine croit en toi aussi. Marc croit en toi. Julien et ta sœur croient en toi, tes parents croient en toi, Emma croit en toi, ton équipe crois en toi. Je crois en toi. Ne lâche rien Thi... S'il te plaît.

- Si tu savais à quel point j'ai de la chance de t'avoir en meilleur ami... » Dit-il entre deux sanglots.

C'est moi qui ai de la chance de l'avoir. Je ne sais pas ce que j'aurai fait sans lui. Il m'a aidé à oublier Zoé. Il sait tout de moi. Il ne m'a jamais lâché et je ne le lâcherai jamais. C'est comme un frère pour moi et je le remercie d'être entré dans ma vie.

« Hum hum... »

Thibaut, la tête sur mon épaule, se détache pour faire face à Marc.

« Je vous laisse les amoureux. »

Je me lève et souris à Marc. Avant de refermer la porte, je regarde la scène. Marc enlaçant Thibaut, et celui qui pleure dans ses bras. Ça me brise le cœur... Thibaut ne mérite pas cela.

Je referme la porte de la chambre et reçoit un message. J'ouvre celui-ci et remarque que c'est un message de ma copine.

Emma : Tu peux venir s'il te plaît... ?

Les trois petits points m'inquiètent vraiment. Je sens que quelque chose ne va pas. Emma n'est pas du genre à mettre des petits points. Je sais qu'elle ne va pas bien.

En arrivant à la porte de sa chambre, je toque puis entre. Elle se faufile dans mes bras en pleurs. Mais qu'est-ce qui lui arrive ?

« C'est ma faute... Si tu as perdu le maillot jaune... »

Je relève sa tête et plonge mon regard dans ses yeux remplis de larmes. Je n'aime pas la voir aussi triste...

« Mais non. Je suis exténué, à la ramasse et je ne m'attends pas à le reprendre. En aucun cas c'est ta faute. Ne raconte pas n'importe quoi.

- Si... Avant la bagarre avec mon père, j'ai pensé des choses méchantes. J'ai pensé que tu n'arriverais pas à garder le maillot jusqu'au bout... Et... Aujourd'hui... Tu ne l'as plus... »

Moi aussi je pensais ça. Je savais très bien que je n'arriverai pas à garder le maillot jaune. J'ai eu des doutes et sachant que j'étais complètement à la ramasse, j'étais sûr à 100 pourcents que je n'y arriverai pas. J'espère juste ne pas avoir déçu Emma...

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