Chapitre 44

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- 29 août 2019, Julian-

Les larmes dévalent le long de mes joues. J'essaie de garder le rythme, et de rester en tête du peloton mais en tête, je n'ai qu'Emma...

Je sens une main se poser dans mon dos. Je tourne la tête et voit mon coéquipier, Enric. Lui aussi, n'est pas au top de sa forme... Je pense que tout le monde l'a remarqué dans l'équipe. Surtout Patrick, qui nous fait des leçons de moral.

Il nous demande, à longueur de journée de rester focalisé sur les entraînements, et sur les courses prochaines. Mais je n'y arrive pas... Je n'y arrive plus. J'ai envie de descendre de mon vélo, et de pleurer tout en regardant des photos d'Emma et moi.

« Ju... Ne baisse pas les bras. Nous avons besoin de ta bonne humeur, de ton punch dans l'équipe. Surtout en ce moment. S'il te plaît. Tu n'es pas du genre à baisser les bras si facilement. Encore moins lorsqu'il s'agit de ta passion. » Me rassure Enric.

Nous passons sous la flamme rouge, qui indique qu'il nous reste 1 kilomètres avant de pouvoir nous reposer.

Je souris à Enric et m'en vais. Je dois au moins gagner cette étape. Pour moi, juste pour moi.

« C'est bien Julian ! Ne lâche rien. » Me dit Patrick à l'oreillette.

J'essaie de ne pas lâcher mais c'est compliqué... J'ai le visage d'Emma en tête, son sourire, ses yeux bleus, sa façon de me regarder... Non pas maintenant... Je ne peux pas l'avoir dans la tête. Je dois gagner cette étape...

J'essaie de pédaler plus vite et plus fort mais je craque et me fait rattraper par le peloton... Je n'ai pas réussi... Tout ça à cause d'Emma... Pourquoi il a fallu qu'elle apparaisse dans ma tête au mauvais moment ?

Je franchis la ligne d'arrivée, les larmes aux yeux. J'entends les fans qui m'acclament, qui crie mon nom et cela me fait chaud au cœur, car j'en ai besoin.

Je signe quelques autographes à des enfants, à des adolescents, et même à des adultes, puis prends des photos avec mes fans, comme à chacune de mes courses. Cela me fait plaisir de voir que j'ai conquis le cœur de beaucoup de personnes. Je ne m'y attendais pas, mais alors pas du tout. Pour moi, je suis encore le petit garçon de 7 ans qui débute ses premières courses à l'Entente cycliste Montmarault-Montluçon.

Mais tout cela c'est du passé. J'ai bel et bien grandi, les années sont passées, et j'ai atteint mon plus grand objectif : devenir cycliste professionnel. Je suis fier de ce que j'ai accompli durant mes années en tant que professionnel. Et je le suis toujours.

« Julian je t'aime ! »

Je souris face à cette remarque. C'est rare que des fans me fassent ce genre de déclaration. Honnêtement cela me gêne un peu, à cause des médias. Ils ont tendances à raconter n'importe quoi, et cela fait polémique partout dans le monde, et ce n'est pas ça que je recherche en ce moment.

Je me dirige vers le bus, puis vois des tonnes de journalistes. Et maintenant c'est à moi de parler. Je n'en ai pas le courage mais après tout, cela fait partie de mon job et je n'ai pas le choix.

« 34 jours que ne vous n'êtes guère monter sur un vélo, comment vous sentez vous ?

- J'ai un peu touché mon vélo lorsque j'étais en vacances, je vous rassure. Je suis un peu fatigué dû à mon exploit inattendu au Tour de France, et honnêtement, quelques jours de vacances en plus m'auraient fait énormément de bien. »

Je repense à notre balade à vélo avec Emma... Je me sentais vivant, pour la première fois depuis la disparition de Zoé...

« Avez-vous un objectif particulier pour ce Tour ?

- Non pas spécialement. Je ne vise pas la victoire. Je veux juste prendre du plaisir comme je sais le faire, et me sentir libre comme à chaque fois que je fais du vélo. Mon objectif principal est collectif, et c'est tout donner pour faire gagner une ou deux étapes à mes coéquipiers.

-Comment vous sentez-vous en ce moment ? Physiquement et moralement ? »

Je ne sais pas si je dois lui dire la vérité ou me cacher encore une fois derrière mon masque...

« J'ai connu mieux. Physiquement, je suis fatigué... Après tout ce que j'ai donné au Tour de France, il me reste encore des séquelles. J'ai les jambes en feu, prêtes à lâcher mais je vais tout faire pour garder la forme. Moralement c'est compliqué... Patrick essaie de me remettre dans le droit chemin, et me donne des leçons de morale, comme mon coach Franck. Mais je tiens à rassurer tous mes fans, je vais ne rien lâcher et me battre jusqu'au bout. »

Comme prévu, je me cache encore derrière mon masque. Je ne peux pas dire aux médias que tout va mal, parce que je viens de me faire larguer par celle qui me redonnais goût à la vie.

Je remercie le journaliste pour l'interview, puis monte dans le bus. Je m'assieds en face d'Enric et bois un coup.

Les yeux d'Enric sont rouges, et j'en déduis qu'il a pleuré. Je pose ma main sur son genou puis il se remet à pleurer.

« Je suis désolé... C'est juste que... Marine me manque... »

C'est la première fois que je vois Enric pleurer de cette manière. Surtout pour une fille. D'habitude il se contente de... Les sauter. Mais apparemment, c'est différent cette fois-ci...

Kasper et Yves se lèvent et essaient tant bien que mal de réconforter... Lui, au moins, il ne cache pas ses larmes comme je le fais à longueur de journée... Moi aussi j'aimerai pleurer toutes les larmes de mon corps, mais je n'y arrive pas... Je ne veux pas décevoir mes coéquipiers... Je suis le clown de l'équipe, celui qui garde le sourire à chaque épreuve de sa vie...

J'ai besoin de vider mon sac... De montrer mon autre facette de moi... De montrer que je ne suis pas tout le temps heureux. Que derrière cet homme, au sourire angélique, se cache un homme malheureux, qui souffre du plus profond de son cœur... Et qui veut retrouver celle qui lui a redonné le goût d'aimer, à nouveau...

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