Chapitre 36

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-11 juin 2000, Quentin-

J'entre en classe, mon skate à la main, suivit de mon meilleur ami, Valentin. Lui et moi, nous nous connaissons depuis l'enfance. C'est un peu comme un frère pour moi. Un frère de cœur.

Le directeur, vêtu de son costard gris, entre et se place devant le bureau de notre professeur de français.

« Madame Valentin ne sera guère présente aujourd'hui, et toute la semaine. »

Je commence petit à petit à comprendre. Elle n'est pas là, car c'est l'heure. Je sors en courant de la salle, et du lycée. Je dois la voir. Et vite. Je grimpe sur mon skate et roule le plus vite possible. Je dois la voir impérativement. Si elle n'est pas en cours c'est parce que, forcément elle vient d'accoucher. C'est évident. Sinon elle serait là. Non ? Je ne sais pas vraiment comment je vais réagir à l'arrivée de cet enfant.

J'entre, après de longues minutes de trajet, dans la maternité Saint Léon. Une dame noire, est à l'accueil, en train de tapoter quelque chose sur son ordinateur.

« Je voudrais voir Madame Valentin.

- Vous êtes de la famille ? »

Je hoche la tête et affirme que je suis son fils. Dieu soit loué, elle ne me demande pas de papier d'identité.

« Étage 2, chambre 208. »

Je la remercie, et monte en vitesse dans l'ascenseur. J'ai peur. J'ai une boule au ventre, c'est horrible. J'espère que je ne vais pas avoir une crise d'angoisse. Ou tomber dans les pommes. Ou pire ! Vomir sur le bébé. Je ne dois pas penser à cela.

Je sors de l'ascenseur puis me dirige vers la chambre que m'a indiqué la dame de l'accueil. J'entre sans toquer, et découvre Estelle, tenant un tout petit enfant. Au pied du lit, se trouve Daniel. Le compagnon d'Estelle.

« Chéri, tu veux bien aller me chercher à boire ? » Demande Estelle à ce connard.

Daniel s'exécute puis sort de la chambre, en me toisant du regard. J'espère qu'Estelle ne lui a rien dit.

Je pose mon skate, et m'approche du bébé. Elle est magnifique.

« Je peux la prendre ? »

Estelle me tend le bébé. Mon bébé. Notre bébé. J'ai du mal à y croire.

« Je vais bien m'occuper de toi. Je te le promets. Personne ne te fera du mal. »

Je lui embrasse le crâne et la sert contre moi. Je pose un tas de question à Estelle pour lui demander à quelle heure ce petit bout de chou est né, sa taille et son poids. Résultat, elle est apparue à 01h48, elle fait 43 centimètres, et 2k670. C'est un bon bébé. Pas trop gros, ni trop maigre.

« Tu souhaites l'appeler comment ? »

Au départ, j'avais pensé à l'appeler comme ma mère. La connasse qui m'a abandonné à l'âge de 3 mois. Puis, ma fille ne mérite pas ce prénom de merde.

« Emma.

- Emma. C'est joli. »

Emma, c'est celle qui s'occupe de moi lorsque je ne vais pas bien, à l'orphelinat. C'est un petit ange, et je sais que ma fille, sera un petit ange également.

« Tu as dit à Daniel que c'était le sien ? »

Estelle et moi, c'est compliqué... C'est ma prof de français... Puis, j'ai merdé. Elle m'a donné des cours à domicile. Donc chez elle. Daniel n'était pas là. Et vous connaissez la suite... Nous avons couché ensemble. J'avais 14 ans. Je ne savais pas qui j'étais, qui j'aimais : si c'étaient les mecs ou les filles. J'étais un peu paumé, et Estelle est ouverte d'esprit. Et c'est là que nous avons tous les deux merdé.

Être père à presque 15 ans, je ne l'avais pas imaginé. Mais alors pas du tout. Encore moins avec ma professeure de français.

« Je vais tout faire pour te rendre heureuse, je te le promets ma fille. »

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