II. Chapitre 6 fin

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      « Elle se retourna, les joues rosies par le froid, le regard brillant, un sourire encore aux lèvres et découvrit le Prince.
      Par les Dieux, elle est magnifique ! songea-t-il.
      Il se reprit aussitôt et devant l'air interrogateur de la jeune femme il lui expliqua.
–Les journées ont beaucoup raccourci en cette période de l'année. Et le froid désormais tombera plus tôt. J'avais pensé faire nos sorties quotidiennes en matinée à partir de maintenant. Qu'en penses-tu ? Daram a l'air de s'être habitué à la neige non ?
      Elle se retourna. Le jeune étalon s'amusait maintenant à creuser avec un antérieur. Une promenade dans la neige avec Daram ! Leur première ! Elle était ravie. Calh choisit de monter un étalon de huit ans qui, tout en étant habitué au climat, avait gardé assez d'allant pour tenir le rythme auprès de Daram.

      Une demi-heure plus tard, ils avançaient au pas dans la neige crissante. Eléa découvrit que les bruits étaient comme amplifiés dans l'atmosphère ouatée. Une branche qui craquait, un oiseau qui s'envolait, tout semblait différent. Le jeune homme lui montra des empreintes de gibier, et ils s'amusèrent à essayer de les reconnaître. Elle était émerveillée par les paysages enneigés. Les branches des arbres ployaient vers le sol. Les collines scintillaient.
      Calh avait de plus en plus de mal à détacher ses yeux de son visage rayonnant. Quand le sanglier déboucha devant eux, il n'était pas assez concentré pour tenir son pur-sang. »
Celui-ci se cabra violement de peur et éjecta son cavalier. Eléa eut toutes les peines du monde à calmer Daram quand l'étalon du Prince partit au galop vers les écuries ! Le sanglier, quant à lui, poursuivit sa route en grognant, et disparut dans les frondaisons. Calh gisait sur le dos, les bras en croix. Heureusement l'épais manteau neigeux semblait avoir amorti sa chute. Tout en essayant de maîtriser son étalon, Eléa mit pied à terre et s'approcha du jeune homme.
–Calh ?! Calh ? S'il te plaît, réponds-moi je t'en prie !
      Elle lâcha les rênes de Daram en priant pour que lui non plus ne s'enfuie pas, et elle se pencha sur le Prince. Le jeune pur-sang fit quelques pas mais resta à proximité de sa cavalière en renâclant.
- Calh ?
      Elle passa sa main sur la joue du jeune homme.
      Au bout de quelques instants, il ouvrit les yeux en gémissant.
–Je n'aurais jamais pensé devoir remercier un jour un sanglier pour que tu me tutoies enfin et que tu m'appelles par mon prénom... murmura-t-il en plantant son regard dans celui de la jeune femme.
      Elle recula précipitamment, et tomba assise dans la neige, furieuse et soulagée à la fois. Il se redressa prudemment, et fit bouger ses bras, ses mains, ses jambes et ses pieds.
–Bien, je crois que je n'ai rien de cassé.
–J'ai cru que tu étais mort ! s'écria-t-elle en colère en se relevant à son tour.
      Son cri résonna dans le silence feutré de la forêt. Calh se rendit compte qu'elle tremblait.
–Excuse-moi, je ne voulais pas t'effrayer. Et il s'approcha d'elle l'air désolé.
–Hum ! grommela-t-elle, en reculant prudemment. Et maintenant on fait comment ?! continua-t-elle toujours boudeuse.
      Le Prince regarda le chemin où son étalon avait disparu. Devant son air penaud, elle se radoucit.
- Je crois que Daram pourrait nous porter tous les deux si on reste au pas. Je prenais parfois Natéa en croupe.
      Elle remonta à cheval et l'aida à s'asseoir derrière elle. Le jeune étalon renâcla quand il sentit le second cavalier sur son dos.
–Je croyais qu'il avait l'habitude ! s'inquiéta Calh, que la perspective d'une seconde chute n'enchantait guère.
–Tu es plus lourd ! s'exclama Eléa.
–Comment oses-tu me parler Maistre Écuyer ! s'indigna en souriant le jeune homme.
–Arrête de gigoter et accroche-toi à moi, on va essayer d'avancer, lui répliqua-t-elle mi-fâchée, mi-rieuse.
–Il n'y a qu'à demander... lui murmura-t-il dans le cou en passant les bras autour de sa taille.
      Elle ressentit instantanément une onde de chaleur parcourir son corps alors que des frissons hérissaient sa peau !
–Je... Je crois que ça va aller, parvint-elle péniblement à articuler.
–Je crois aussi...
       Et elle entendit un sourire dans la voix grave du Prince.
      Un peu avant d'arriver, il se remit à neiger. Vick arriva vers eux ventre à terre, précédant un groupe de cavaliers. Le Vieux Roi s'était inquiété en voyant revenir seul l'étalon de son petit-fils, et il avait envoyé une équipe de secours à leur recherche.
–Tout va bien, les rassura leur Prince. Notre Maistre Écuyer maîtrise parfaitement la situation, n'est-ce pas Eléa ? demanda-t-il en resserrant son étreinte.
      De nouveau le corps de la jeune femme s'embrasa et sa peau se hérissa.
–Vous pouvez rentrer prévenir mon grand-père, nous vous suivons.
      Le Chef de la Compagnie les salua d'un bref signe de tête, et fit faire demi-tour à ses hommes. Au bout de quelques minutes, Eléa et Calh arrivèrent à leur tour dans la cour des Écuries Royales. Le Prince sauta lestement à terre, au grand soulagement de Daram qui s'ébroua. Eléa sentit le froid dans son dos avec regret... Elle descendit de cheval, et rentra rapidement son pur-sang dans la douce chaleur du bâtiment.
–Que s'est-il passé les enfants ?! voulut savoir le Patriarche en les rejoignant.
–Mon étalon n'a pas apprécié sa rencontre avec un sanglier, avoua l'air contrit le Prince. Mais tout va bien grand-père, je n'ai rien de cassé. Et grâce à notre Maistre Écuyer j'ai pu rentrer sain et sauf, acheva-t-il dans un sourire, en lançant un clin d'œil à Eléa. Tu devrais rentrer maintenant grand-père, le froid descend, dit-il d'une voix plus douce à son aïeul.
      Il l'aime vraiment, pensa la jeune femme en le voyant faire un signe discret à un palefrenier pour qu'il l'aide à traverser la cour pour regagner le Château.
      Elle aussi s'était attachée au Vieux Roi. Elle aimait l'écouter lui raconter ses souvenirs de guerre liés à des chevaux de combat valeureux. Et très souvent ses conseils s'avéraient judicieux. Oui, une réelle affection s'était nouée entre elle et le vieil homme.
      Elle avait dessellé Daram, et elle le bouchonnait énergiquement pour le sécher et réchauffer ses muscles qui avaient été mis à rude épreuve sous le poids des deux cavaliers.
–Je peux t'aider ? C'est la moindre des choses que je puisse faire pour le remercier de nous avoir ramenés tous les deux.
      Elle hésita, mais l'étalon semblait accepter la présence du Prince, qui était entré dans son box. Elle haussa les épaules et se remit au travail. Calh passa de l'autre côté et se mit à le frotter lui aussi énergiquement.
–Il a l'air de m'apprécier finalement, dit-il doucement.
–Il préfère surtout t'avoir à côté que sur le dos ! répliqua Eléa, un sourire taquin aux lèvres.
      Quand l'étalon fut sec, elle posa une couverture sur lui, pour éviter toute courbature. Ils sortirent ensemble du box, et leurs mains se frôlèrent une fois de plus sur la porte en bois. L'écurie était déserte à présent. Tous étaient partis prendre leur repas de la mi-journée. Seuls les bruits des chevaux remplissaient l'air, qui embaumait le foin et la paille. Une fois de plus elle maudit son corps en se sentant rougir. Mais cette fois Calh s'avança vers elle, sans chercher à dissimuler la tension qui l'habitait lui aussi. Leurs lèvres se trouvèrent dans la seconde qui suivit. Il l'embrassa d'abord doucement, presque timidement. Puis sa bouche devint plus exigeante, sa langue chercha la sienne. Ils gémirent ensemble de désir.
- Ouvre les yeux Eléa, regarde-moi je t'en prie, murmura-t-il.
      Alors elle découvrit une myriade d'éclats d'émeraude autour des pupilles immenses du Prince.
–Viens ! lui dit-il simplement en lui prenant la main, et il l'entraîna vers le Château. »

Extrait de
Le Maistre Ecuyer Royal
Léa Northmann
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