I. Chapitre 4 première partie

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« Eléa eut bien du mal à s'endormir et elle se réveilla à l'aube. Elle descendit se rafraîchir au puits, dans la cour du bâtiment des poulinières. Elle brossa rapidement ses habits et démêla ses cheveux. Natéa la rejoignit peu après.
- Viens, on a le temps de passer aux cuisines chercher quelque chose à manger avant d'aller retrouver les autres.
Sur le chemin Eléa sentit son amie hésiter à lui parler. Ce qui contrastait beaucoup avec le caractère avenant qu'elle avait montré jusqu'ici.
–Quelque chose ne va pas Natéa ?
Après un moment de silence, la fillette se lança.
- Comme tu t'en es rendu compte, je ne suis pas très... Solide. Mais Maître Domkan dit que j'ai un don avec les chevaux. Je sais que je ne serai jamais Maistre Écuyer... Alors je me disais que je pourrais être ton palefrenier si tu es d'accord...
Elle fixait Eléa d'un regard grave et douloureux à la fois.
–Nous ne serons pas trop de deux pour montrer à ces jeunes damoiseaux qu'une fille vaut bien un garçon, lui sourit Eléa.
La joie qui illumina le visage de la fillette lui indiqua qu'elle s'était fait une amie dévouée.
–Tu verras, je connais les Écuries et le Château comme ma poche, je t'aiderai à t'y faire une place ! Tu ne seras pas déçue ! lui dit-elle en lui prenant les mains. Mais vite dépêchons-nous, Maître Domkan n'aime pas les retardataires.

Elles arrivèrent sur la place centrale des Écuries Ducales. L'homme en noir les attendait au milieu, bras croisés. Grâce aux blasons décrits la veille par Natéa, Eléa put identifier les autres personnes présentes.
Il y avait là le chevalier de Luhr, avec ses deux élèves. Ils portaient tous les trois des tuniques ornées d'un Sanglier Noir. L'homme était de taille plutôt modeste. Il avait un corps sec et musclé, et des cheveux et des yeux noirs. Taran était de corpulence moyenne, sans être massif il était carré d'épaule et avait les yeux clairs. Rankan était sec, grand, nerveux et il dévisagea les deux amies d'un regard dédaigneux.
À gauche se tenaient le Chevalier de Vuhr et ses disciples, reconnaissables aux Hiboux Gris brodés sur leurs trois poitrines. Il était aussi grand que Maître Domkan, mais il présentait une constitution plus frêle que les deux autres chevaliers. Ses cheveux blonds grisonnaient légèrement et un sourire ironique flottait sur ses lèvres. Falan parlait avec lui. Le jeune apprenti était brun, de la même taille qu'Eléa, et lorsqu'il tourna ses yeux doux vers elle, il la salua d'un signe poli. Shalan était le plus grand, svelte, athlétique. Il s'inclina en lui souriant. La jeune femme dut bien reconnaître que son regard en effet était troublant...
Sur le côté droit se tenait un Chevalier, seul, les bras croisés sur le Lion Rouge qui ornait sa poitrine. Il l'observait sans bouger. Il avait la trentaine, un corps musclé et léger à la fois. Ses cheveux bruns avaient des reflets d'or. Le Chevalier de Tuhr. Lorsqu'elle s'approcha pour se présenter, il la salua d'un bref signe de tête. Elle vit une lueur éclairer brièvement les yeux bruns pailletés d'or, avant qu'il ne détourne brusquement le regard en crispant ses mâchoires, tandis qu'un bruit de course se faisait entendre au bout de la cour.
–Tu devrais apprendre la ponctualité à tes élèves de Tuhr... lui adressa avec un sourire le Chevalier au Hibou Gris.
Les princes Tavhan et Ardhan arrivèrent en riant, légèrement essoufflés. Ils saluèrent respectueusement Maître Domkan et vinrent se placer auprès de leur chevalier référant et d'Eléa. Ils la dévisagèrent sans vergogne des pieds à la tête. Tavhan était grand, brun, le front haut, un corps élégant. Son regard était intelligent et décidé. Ardhan était légèrement plus petit. Il avait une courte barbe brune qui lui dessinait la mâchoire, des yeux gris-vert moqueurs et sensuels. Il murmura quelque chose à l'oreille de son cousin qui sourit en opinant.

Brusquement la voix éraillée de Maître Domkan retentit.
–C'est aujourd'hui que vous allez rencontrer votre moitié sauvage. J'ai personnellement choisi vos poulains en fonction de ce que vos référents m'ont décrit de vous. Vous devrez les débourrer pendant l'hiver. Votre formation de chevalier et de maître écuyer débutera au printemps. Vos pur- sang vous attendent dans leur box. Au travail ! Eléa tu restes avec moi.
Tous s'éloignèrent rapidement, pressés de découvrir quelle monture leur avait été attribuée. Rankan lui adressa un sourire mauvais avant de se retourner.
La jeune fille se mit à craindre qu'elle n'ait pas de poulain pour débuter sa formation. Ses peurs se précisèrent lorsque l'homme en noir lui dit.
–Le courrier de Maï-Lô est arrivé un peu tard, je ne pensais plus qu'il y aurait un élève supplémentaire.
Eléa sentit ses rêves s'écrouler.
–Mais j'ai trouvé un jeune étalon qui pourrait te convenir d'après ce qu'elle m'a écrit dans sa lettre de recommandation. Il suffit juste que tu le cherches, il est dans le pré derrière la carrière d'entraînement. Il s'appelle Daram.
Puis il lui tourna le dos et partit vers les écuries pour vérifier que chaque élève avait bien trouvé sa moitié sauvage.

Eléa avait retrouvé le sourire. Elle se tourna vers Natéa qui avait observé la scène assise sur une botte de paille. Mais la fillette la regardait d'un air perplexe et triste à la fois.
–Quoi ?! Qu'est-ce qu'il y a ?! Tu as entendu Maître Domkan, j'ai un poulain moi aussi ! Au lieu de faire la tête emmène-moi à lui, je ne sais pas du tout où je dois aller.
–La carrière d'entraînement se trouve près du bâtiment des poulinières, pour habituer les poulains le plus tôt possible aux bruits des combats. Il y a une petite écurie qui y est rattachée mais...
–Mais quoi ? Au contraire c'est parfait, comme ça je pourrai m'en occuper plus facilement puisque nos quartiers sont juste à côté !
–Oui mais tu n'as pas vu Daram...
–Il est si mauvais que ça ?!
Le bel enthousiasme d'Eléa avait disparu.
- Mauvais pas au sens où tu l'entends... En fait il est arrivé il y a trois jours. Personne n'a encore réussi à l'approcher. Il mord comme un beau diable ! Et ça ne doit pas dater d'hier car personne ne lui a changé son licol depuis longtemps. Il est trop petit et il lui fait une vilaine plaie sur le chanfrein.
Eléa réfléchit à toute vitesse. Si elle voulait continuer sa formation, il lui fallait un poulain à débourrer. Or il n'y avait que Daram comme solution. Elle se rappela que Maï-Lô lui avait toujours dit qu'il n'y avait pas de mauvais cheval, que des mauvais cavaliers. Elle prit sa décision. »

Extrait de
Le Maistre Ecuyer Royal
Léa Northmann
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