« Le lendemain, elle crut d'abord qu'elle avait rêvé. Mais quand son regard se posa sur les deux tenues accrochées dans sa chambre, un frisson lui parcourut le dos. Soudain elle réalisa que le soleil était déjà haut ! Elle se jeta hors du lit et s'habilla rapidement. Vick qui avait dormi dans ses appartements, lui emboîta le pas. Elle alla frapper à la porte de Maître Ghil, mais il n'y avait personne. Un jeune page lui apprit qu'il était déjà sorti pour aller préparer son cheval.
Préparer son cheval ?! s'étonna Eléa. Peut-être a-t-il été informé de l'invitation du Prince et veut-il nous accompagner ?
À cette pensée, elle se sentit à la fois rassurée et irritée.En entrant dans les écuries, elle le vit de dos qui effectivement préparait son étalon rouan. Mais la tension dans les épaules de l'homme l'inquiéta.
–Maître Ghil ?
Quand il se retourna, elle fut frappée par sa pâleur et par la nouvelle lueur bleu acier de son regard. Un jeune palefrenier arriva en courant.
–Vos bagages sont prêts Messire, et vos malles ont été ajoutées dans le convoi du jeune Duc et de la Princesse comme vous l'aviez demandé.
Il opina d'un bref signe de tête sans quitter Eléa des yeux.
–Maître Ghil ?! Que se passe-t-il ?! Pourquoi parle-t-il de bagages ?! Pourquoi avez-vous votre tenue de voyage ?! s'alarma-t-elle.
–Ma mission était de t'emmener jusqu'au Roi, commença-t-il d'une voix sourde. J'ai décidé de me joindre à la caravane de la Princesse Dina pour passer quelque temps dans le Duché d'Alandhaïa. Nous partons dans quelques instants... Sa voix mourut dans un murmure.
–Et vous comptiez partir sans rien me dire ?! s'écria la jeune femme les yeux brillant de colère et de désespoir. Vous aviez juré de rester pour m'aider !
Et elle s'effondra en larmes.
–Non ne pleure pas, ne pleure pas Eléa !
L'homme avait couru vers elle et l'avait prise dans ses bras. Elle blottit sa tête contre sa poitrine, incapable de retenir ses pleurs. Il lui caressa les cheveux et ferma les yeux. Il sentait son corps chaud contre lui, il respirait son odeur, s'enivrant de sa présence.
Le Roi a raison... pensa-t-il amèrement. Je l'aime trop pour le bien du Royaume... Je l'aime comme un homme et non plus comme un guide...
Le souvenir douloureux du Chevalier de Tuhr pleurant comme un enfant vint lui brûler le cœur. Il respira encore les cheveux de la jeune femme, puis, lentement, la dégagea de son étreinte.
–Je ne peux pas rester Eléa, lui dit-il doucement.
–Mais pourquoi ?! sanglota-telle en plantant ses yeux sombres, emplis de larmes dans le regard bleu désespoir de l'homme.
Par les Dieux, donnez-moi la force de lui mentir ! gémit-il dans sa tête.
Il aurait voulu lui crier son amour ! L'embrasser et l'enlever pour disparaître. Il connaissait le Royaume par cœur, et même les confins de l'Empire n'avaient plus beaucoup de secrets pour lui.
Et tu la condamnerais à une vie d'exil et de peur...
–Eléa... s'entendit-il lui dire. Ma mission est achevée. Ta vie est ici, ton rêve est ici, ton avenir aussi.
- Mais comment vais-je faire sans vous ?! implora-t-elle encore. Vous me laissez toute seule !
–Tu n'es pas toute seule. Le Vieux Roi Alh te conseillera. Et tu as un nouveau garde du corps, dit-il en désignant le grand chien de combat qui les observait.
Il essaya de sourire mais cela ressembla plus à une grimace de douleur... Il réussit à se reprendre au prix d'une immense souffrance qui lui laboura le cœur et l'âme.
–Tu es liée désormais à la Maison Royale. Pense à Maître Domkan et à Natéa. Tu leur as juré de réussir. Tu n'as plus besoin de moi, ajouta-t-il d'une voix douce et emplie de tristesse, en essuyant les larmes de la jeune femme avec un pouce.
–Mais si j'ai de nouveau besoin de vous Maître ? demanda-t-elle ravagée par le chagrin et la peur.
–Le Roi a un formidable pigeonnier. Je recevrai tes messages où que je sois grâce à mon réseau. Si tu as de nouveau besoin de moi, je te jure de revenir aussitôt. D'ailleurs le Roi m'a donné Sa parole de me faire chercher si tu cours le moindre danger.
Ils entendirent les cors du jeune Duc d'Alandhaïa retentirent au loin.
- Je dois y aller...
Et sa voix se brisa.
Alors, il lui embrassa les lèvres d'un doux baiser et bondit sur le dos de son étalon. Il partit aussitôt au trot sans se retourner. Il ne voulait pas qu'elle voie ses propres larmes...Elle resta figée devant les Écuries Royales longtemps après que le bruit des sabots du pur-sang de Maître Ghil ait fini de retentir. Daram renâcla dans son box pour essayer d'attirer son attention. Elle courut vers lui et enfouit sa tête dans la crinière sombre en pleurant. Au bout de quelques instants, le grand chien noir vint pousser sa main en geignant doucement.
Elle ne savait plus depuis combien de temps elle était ainsi, quand des pas résonnèrent dans la cour,
- J'ai appris le départ de Maître Ghil, dit le Prince d'une voix douce dans son dos. J'ai vu l'affection profonde que tu lui portes.
Elle se retourna, sensible à la compassion sincère dans la voix du jeune homme.
–Mon grand-père m'a dit que tu serais sûrement ici. J'ai pensé qu'une sortie à cheval t'aiderait à te changer les idées. Je pourrais te guider si tu le souhaites. J'ai aussi apporté de quoi manger, si tu as faim plus tard.
Il s'était avancé. Il attendait patiemment sa réponse. »Extrait de
Le Maistre Ecuyer Royal
Léa Northmann
Ce contenu est peut-être protégé par des droits d'auteur.
![](https://img.wattpad.com/cover/186416139-288-k762753.jpg)
VOUS LISEZ
Le Maistre Écuyer Royal
FantasíaAu Royaume d'Argalh, dans le Duché de Noshaïa, la jeune Eléa rêve de chevaliers et d'aventures. Elle devient l'apprentie de l'intransigeante Maistre Écuyer Maï-Lo. Pour parfaire sa formation, elle entre au château ducal, où le séduisant chevalier d...