I. Chapitre 6 fin

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« Ils redécouvrirent l'art du dressage des chevaux de combat sous la houlette de Maître Domkan. Il était sévère mais juste. Il s'emportait souvent contre Rankan qu'il jugeait trop dur avec son poulain. Il leur apprit à perfectionner des exercices de dressage comme le piaffer, l'épaule en dedans, les changements de pieds au galop...
Les après-midi, les Chevaliers référents les rejoignaient et emmenaient avec eux leurs élèves vers le terrain d'entraînement. Eléa, Falan, et Taran restaient avec le vieil écuyer. Il leur révéla le fonctionnement du squelette des chevaux, leurs muscles, leurs tendons, les différentes tares et blessures qui pouvaient survenir et comment les soigner. Plus tard, il leur enseigna l'art de la maréchalerie pour ferrer les pieds sans les blesser, voire corriger de mauvais aplombs. Il leur expliqua comment choisir les lignées pour les croiser entre elles et améliorer la race. Comment le caractère des juments était primordial dans l'éducation des poulains face à l'homme, et comment elles pouvaient contrebalancer ainsi un tempérament trop fougueux apporté par un étalon.
Il leur montra comment choisir un bon cheval de combat.
–Imaginez que vous avez un chapeau sur la tête, enfoncez-le jusqu'aux yeux. Vous devez d'abord regarder ses pieds pour vérifier ses aplombs, puis vous remontez votre chapeau et vous regardez ses membres pour vérifier ses articulations, et ainsi de suite, son dos, ses épaules, sa croupe, son encolure et enfin sa tête. Un cheval de combat n'a pas besoin d'être beau, il doit être bon !
Un jour en fin d'après-midi, Eléa était seule dans l'écurie. Elle caressait les naseaux de Daram qui recherchait souvent du réconfort face à tous ces étrangers. Il semblait cependant commencer à s'y habituer petit à petit.
–Moi aussi j'aimerais que tes mains se posent sur moi, mais je doute qu'elles m'apaiseraient ainsi...
Elle se retourna brusquement. Shalan se trouvait devant elle, accoudé contre un mur. Ses yeux d'ambre ourlés de longs cils noirs parcourraient son corps d'un air appréciateur. Un sourire sensuel étira ses lèvres. Il allait s'avancer vers elle, quand Natéa entra en courant dans le bâtiment. D'un regard la fillette perçut le malaise de son amie.
–Viens Eléa, j'ai besoin de toi !
Et elles sortirent dans la cour.
Elles entendirent le rire chaud et léger de Shalan dans leurs dos.

Une semaine passa. Si les heures d'étude étaient parfois pesantes, les entraînements avec les Chevaliers semblaient, eux, extrêmement intensifs.
Rankan était de de plus en plus dur avec son poulain, repoussant toujours la faute sur son cheval quand il n'arrivait pas à maîtriser une nouvelle technique de combat. Les matins, la crainte de Maître Domkan le retenait de trop malmener son pur-sang, mais en fin de journée, le jeune étalon revenait souvent la bouche et les flancs perlés de sang. Il se mit à craindre puis à haïr son cavalier. Bientôt Rankan dut rentrer dans son box avec une cravache à la main pour l'obliger à se laisser attraper et attacher.
–Un jour son cheval le tuera, murmura Natéa à l'oreille de son amie.
Quelques années plus tard, elles devraient apprendre le drame : oubliant de prendre sa cravache avec lui le Chevalier était entré dans le box de son étalon. Celui-ci, le regard fou, s'était jeté sur son maître. Il avait fallu abattre le cheval avant de pouvoir ramasser ce qu'il restait de l'homme...

Plusieurs fois déjà Taran et Falan avaient rendu compte de leur formation d'écuyer à leurs chevaliers référents. Un matin, de Tuhr annonça négligemment qu'il l'attendait pour son rapport en fin de journée. Il l'avait fait devant les autres apprentis, naturellement, comme allant de soi. Sa voix était restée calme et posée. Seuls ses yeux avaient brillé plus intensément lorsqu'il avait parlé à son élève. Elle avait senti ses joues et son ventre s'enflammer. Elle avait vaguement acquiescé, et s'était éloignée rapidement pour que personne ne remarque son trouble.
Le soir venu, elle s'était retrouvée à nouveau devant la porte des appartements du Chevalier. Et à nouveau elle avait frappé timidement en espérant et en redoutant tout à la fois qu'il l'entende...
Il ne lui prit pas la main cette fois-ci pour la faire entrer, mais il s'effaça galamment devant elle. La porte à peine fermée, elle se retrouva dans ses bras, prise dans un ouragan de désir !
–J'ai cru devenir fou ! rugit-il, et il la jeta sur le lit.
Il lui fit l'amour presque sauvagement tant il avait faim et soif d'elle. Il l'embrassa, la caressa, la mordit même parfois, promenant ses mains sur son corps, viril, exigeant. Il entra en elle d'un coup, leur arrachant un gémissement à tous les deux tant le plaisir fut intense. Puis il lui imposa un rythme soutenu. Elle répondit en se tendant vers lui, l'accueillant plus profondément encore en elle. Il prit ses deux mains et remonta ses bras sur le lit. Il planta son regard d'or incandescent dans les yeux sombres et accéléra encore le rythme, encore et encore, jusqu'à ce que leurs regards se voilent et qu'ils s'effondrent dans les bras l'un de l'autre.
Quand ils eurent repris leur souffle, il murmura en souriant.
–Finalement cette formation va être très intéressante... Il faudra que tu me fasses tes rapports régulièrement, très régulièrement même, et je pense rajouter quelques travaux pratiques personnalisés...
Les semaines passèrent comme dans un rêve. Le matin, Eléa perfectionnait ses techniques en dressage, l'après-midi elle découvrait les secrets de l'élevage des chevaux de combat, et le soir elle courait chez le Chevalier faire son rapport, qui était devenu quasi quotidien...
Elle était tellement heureuse qu'aucun exercice, aucune corvée ne la rebutait. Elle apprenait vite et bien, et Daram devint de plus en plus agile sous ses ordres.
Un matin, alors qu'elle entrait dans les Écuries Provisoires, elle l'entendit hennir avec nervosité.
–Voyons voir si tu es si doué que ça !
Rankan s'apprêtait à rentrer dans le box, la crache dressée.
–Non ! hurla la jeune femme.
Il se retourna vers elle avec un sourire mauvais.
–Tu préfères peut-être que je m'occupe de toi ?
–Ne t'approche pas d'elle !
Natéa venait d'entrer dans le bâtiment. Elle avait saisi une fourche au passage et s'avançait vers le jeune homme, les pointes acérées dirigées vers son ventre. Eléa vint se ranger de son côté. La jeune fille le fit reculer jusque dans la cour, où il perdit contenance devant les regards étonnés, puis réprobateurs, et enfin franchement amusés des autres apprentis.
–Tu m'as encore sauvée Natéa, voulut la remercier Eléa.
–Mais je n'ai pas su te protéger du Chevalier de Tuhr... répondit tristement l'adolescente. »

Extrait de
Le Maistre Ecuyer Royal
Léa Northmann
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