ILLUSION

CHAPITRE 5

CHAPITRE 5

   Je sursaute tout à coup. Quelqu'un vient d'ouvrir la porte d'entrée, la panique s'empare de moi. Et si c'est Patrick qui revient ? Cette pensée me paralyse, je suis à présent incapable de bouger.

— Mélo ? Sam ? Vous êtes là ?

C'est la voix de mon père. Bien que je ne m'attendais pas du tout à ça, je suis rassurée. Pourquoi demande-t-il après Sam ? Il n'est au courant de rien. Que peut-il bien faire ici ?

Je n'ai pas envie qu'il se mêle de tout ça. Il fait toujours partie de nos vies, même après le divorce, mais uniquement lorsqu'il faut payer la pension ou bien nous emmener en vacances. Jamais il ne nous a demandé comment nous vivons la séparation, ni même si les cours se passent bien ou si nous sommes heureux. Pire encore, il ne nous a jamais demandé ce que l'on pense de Patrick et s'il s'occupe bien de nous, ce qu'un père devrait faire.

Je ne réponds pas et attends qu'il fasse son apparition dans le salon. Lorsque je le vois, je suis frappée par la ressemblance avec Sam malgré ses cheveux grisonnants. Je n'avais jamais remarqué à quel point leurs traits sont identiques. Ou alors c'est peut-être l'absence de mon frère qui me fait cet effet-là. Quand Alex me ramenait à la maison plus tôt dans la matinée, j'ai cru voir Sam quatre ou cinq fois, traversant la route, montant dans le bus ou au volant d'une voiture.

Malgré la rancœur que j'éprouve envers mon père, son visage si familier me procure un soulagement immense. Je me lève et me jette dans ses bras, comme lorsque j'avais 5 ans, en manque d'affection, lorsqu'il rentrait d'un long voyage d'affaire.

— Qu'est-ce qu'il te prend ? Tu ne me fais jamais de câlins d'habitude.

— Sam me manque tellement.

— Pourquoi ? Où est-il ?

Je me détache de lui aussitôt. Décidément, il n'est vraiment pas au courant de la situation.

— Tu n'as pas entendu ce que la police t'a dit au téléphone ? Je n'y crois pas, ils n'auraient jamais dû t'appeler.

— La police ? Mais de quoi tu parles ? Je pensais que c'était encore une de vos blagues pour me faire rentrer à la maison.

— Nous avons passé l'âge de faire des blagues au téléphone papa. Nous n'avons pas besoin de toi, plus depuis un moment. Tu peux retourner d'où tu viens, peu importe où tu peux bien habiter maintenant.

Grand silence. Il semble enfin réaliser que le coup de téléphone qu'il a reçu de la police lui annonçant que sa fille était au commissariat et que son fils était introuvable après avoir plongé son beau-père dans le coma n'était pas une blague. Pourtant il reste planté là, sans dire un mot.

J'attends qu'il dise quelque chose, qu'il me propose une solution. Il est censé me venir en aide mais au lieu de me reprendre dans ses bras et me dire que tout va bien se passer comme il aurait dû le faire, il prend mes propos à la lettre et se dirige vers la porte. Je lâche un rire nerveux.

— Donc tu t'en vas ? Je n'y crois vraiment pas. Ton fils a disparu après avoir frappé son beau-père qui, au passage, a failli me tuer et toi tu t'en vas.

— C'est ce que tu viens de me demander de faire.

— Pour que tu réagisses ! Que tu me dises qu'à partir de maintenant tu vas prendre les choses en main, pour une fois dans ta vie. Mais non, tu préfères fuir, comme d'habitude. En fait tu es comme maman. Elle doit sans doute être dans un bar ou ivre morte quelque part à l'heure qu'il est