CHAPITRE 10

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CHAPITRE 10

   Après avoir récupéré quelques effets personnels chez le jeune homme qu'ils recherchent, le lieutenant Casain a renvoyé ses hommes chez eux. Les nombreuses heures de recherche n'ont rien donné. Il retrouve le commissaire Brégnan au commissariat.

   — Alors ? Vous avez trouvé des indices qui pourraient nous indiquer où il se trouve ?

   — Aucuns monsieur. Ce côté de la forêt est très fréquenté. Toutes les traces ont déjà dû être effacées.

   — Bien, dans ce cas je vais contacter la brigade cynophile sur-le-champ pour qu'ils nous envoient leurs chiens dès demain.

   — Très bien, merci monsieur.

   Le lieutenant quitte la pièce et le commissaire se rassoit à son bureau. Et s'il était trop tard ? Et si le garçon avait déjà fui très loin ? Il ne peut pas se permettre d'échouer sur cette affaire, pas après tout ce qu'il a enduré au début de sa carrière. Il aurait peut-être dû faire appel à une équipe plus expérimentée en terme de recherche de suspect en fuite.

   Il repense soudain à cette collègue avec qui il a travaillé de nombreuses années auparavant. Une acharnée qui ne lâchait jamais sa cible. Le commissaire Brégnan fait donc quelques recherches sur internet et finit par trouver le numéro de téléphone du commissariat de Paris où elle travaillait la dernière fois qu'ils s'étaient parlé.

   C'était il y a plus de 10 ans, pourtant sa surprise est immense lorsque la secrétaire à l'autre bout du fil lui annonce qu'elle ne travaille plus dans ce commissariat. Elle ne peut pas lui en dire plus mais elle a bien voulu lui laisser son dernier numéro de téléphone connu. Il téléphone immédiatement mais tombe sur la messagerie. Pas de message, juste un nom : Julie Trolai. Elle porte toujours le même nom. Pas mariée ? Il se dit qu'il rappellera plus tard.

   De l'agitation se fait entendre depuis l'accueil. Que se passe-t-il ? Le commissaire sort rapidement de son bureau pour constater les raisons de tout ce vacarme.

   La surprise peut se lire sur son visage lorsqu'il découvre l'un de ses hommes entouré de tous ses collègues. Patrick Domelin est de retour parmi eux.

   Les policiers s'écartent petit à petit alors que le commissaire s'avance vers son collègue. Lorsqu'il arrive devant lui, il le serre dans ses bras d'une étreinte virile, ce qui arrache un petit soupir de douleur à Patrick.

   — Bienvenue à la maison brigadier.

   — Merci commissaire.

   — Comment allez-vous ?

   — Bien, super bien même. Prêt à reprendre du service et vous aider dans l'enquête.

   — Justement je comptais venir vous rendre visite à l'hôpital dans la journée pour parler de ça avec vous. Visiblement ils vous ont laissé sortir plus tôt que prévu.

   — En fait non, pas vraiment. Je me suis dit que je vous manquais trop alors je me suis éclipsé discrètement.

   — Votre médecin doit vous haïr. Peu importe, suivez-moi.

   Les deux hommes quittent l'euphorie générale pour s'isoler dans le bureau du commissaire.

   — Bien, racontez-moi tout ce qu'il s'est passé le soir de l'accident.

   — J'ai déjà fait ma déposition auprès des collègues commissaire.

   — Je sais bien mais j'aimerais vous entendre me décrire ce qu'il s'est passé.

   — Et bien comme je l'ai dit, les gosses sont sortis sans mon autorisation. Quand ils sont rentrés je leur ai passé un savon, rien de plus. Ensuite le petit s'est énervé, il ne supporte pas l'autorité, depuis que son père est parti sa mère ne sait plus quoi faire avec lui, la pauvre. Bref il a commencé à s'emporter alors j'ai essayé de le calmer mais ce petit con m'a salement poussé et j'ai dû me cogner la tête quelque part parce que je ne me souviens plus de rien après ça.

   — Mais pourtant ils sont majeurs ces jeunes, non ? Et puis vous n'êtes pas leur père, c'était à leur mère de leur donner l'autorisation de sortir.

   — Elle était d'accord avec moi bien sûr, majeurs où pas c'est nous qui payons leurs sorties donc nous avons notre mot à dire.

   —D'accord, je vois.

   — Vous ne me croyez pas ?

   — Si, bien sur que si, quelle idée.

   — Bien, maintenant commissaire, où en sont les recherches ?

   — Pour l'instant nous n'avons aucune piste mais ça ne devrait pas tarder, les chiens arrivent demain.

   — Qu'est-ce que je peux faire pour aider l'enquête en attendant ?

   — Patrick, je crois que vous n'avez pas très bien compris, vous sortez du coma, vous avez eu une commotion cérébrale, il vous faut du repos.

   — Non, absolument pas commissaire, je vais très bien. Je veux retrouver ce petit con.

   — C'est impossible, je vous mets en congés forcés. De toutes façons vous êtes trop impliqué dans cette histoire pour que je puisse vous inclure dans l'affaire, je suis désolé. Prenez quelques jours pour vous remettre et laissez les collègues faire leur travail.

   — Non, je ne peux pas, il faut que...

   — Brigadier ! C'est un ordre, rentrez chez vous.

   Patrick se lève, furieux. Pourquoi l'écarter de l'affaire alors que c'est lui la victime ? Il quitte le commissariat sans même dire au revoir à ses collègues, un seul et unique objectif en tête.

   Le commissaire Brégnan rentre aussi chez lui pour se reposer quelques heures. Son passé a refait surface et il n'a même pas remarqué que l'homme avec qui il s'est entretenu ne lui a servit que des mensonges. Aveuglé par ses vieux démons il a laissé fuir la menace alors que ses hommes sont toujours à la recherche d'une victime, accusée à tort.

   Après être resté plusieurs dizaines de minutes allongé dans son lit à ressasser le passer sans parvenir à trouver le sommeil, il finit par se lever et regarde son téléphone. Un appel manqué.
C'est le même numéro qu'il a composé quelques heures plus tôt pour joindre son ancienne collègue. Il rappelle immédiatement mais tombe à nouveau sur sa messagerie. Décidément...

   Il ne veut pas laisser de message par peur qu'elle reconnaisse sa voix et qu'elle ne veuille pas lui parler. À sa grande surprise, son téléphone se met à sonner. C'est à nouveau elle. Il décroche aussitôt.

   — Allô ? Allô ? Qui est-ce ?

   Sa voix... elle est exactement identique, même après toutes ces années. Peut-être un peu plus fatiguée.

   — Julie ?

   — Oui c'est moi. Qui êtes-vous ?

   Elle ne l'a pas reconnu. Il faut dire qu'avec les années, lui aussi doit avoir l'air plus fatigué. Il hésite. Doit-il lui dire qui il est et ainsi lui rappeler son passé dont elle n'a pas l'air de vouloir se rappeler ?

   Le commissaire raccroche finalement, se disant qu'il n'est pas nécessaire de la faire replonger dans ce cauchemar avec lui. Il supprime le numéro avant de reposer son téléphone.

ILLUSIONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant