CHAPITRE 15

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CHAPITRE 15

   Depuis que j'ai retrouvé Sam j'ai moins de mal à trouver le sommeil mais il est formé de rêves remplis d'arbres dont je ne vois jamais la cime. Me perdant au plus profond de cette forêt, de jour puis de nuit, le réveil est une délivrance autant qu'un supplice. Me réveiller seule dans cette chambre, seule dans cette maison, seule dans cette vie sachant que mon frère ne sera pas là lorsque je descendrai prendre mon petit déjeuner est de plus en plus difficile à supporter.

   D'ailleurs, je n'arrive toujours pas à manger, la faim ne revient pas. Mon corps est un peu plus faible chaque jour et je me demande comment il fait pour encore me porter. Mais ce n'est pas la fatigue qui me tue, c'est la solitude. Ma mère non plus n'est pas là. Elle se terre dans sa chambre la plupart du temps. Parfois je l'entends pleurer au téléphone, probablement en train d'appeler Patrick qui ne répond jamais. Par ailleurs il n'est pas revenu à la maison depuis le jour de sa sortie de l'hôpital. Je ne sais pas où il est mais tant qu'il nous laisse tranquilles Sam et moi, ça me convient parfaitement.

   Hier soir j'ai vu ma mère quitter la maison sans faire de bruit, pour ne pas tomber sur moi. Elle s'est probablement rendue au bar pour y noyer sa peine. C'est fou comme une même personne peut vous sortir de votre pire addiction et vous y faire replonger en un instant.

   Aujourd'hui il pleut, ce qui n'est pas arrivé depuis pas mal de temps. Je me lève péniblement comme les jours précédents et m'apprête à rejoindre Sam puisque, comme la veille, je n'ai cours que dans l'après-midi. Je sors dans le jardin après m'être habillée chaudement, mais je n'ai pas réussi à remettre la main sur ma veste à capuche. Ce n'est pas bien grave, les hautes branches me protégeront des gouttes.

   Lorsque je pénètre dans la forêt, une forte odeur de terre humide me monte au nez. Avec l'approche de l'hiver, un épais tapis de feuilles s'est formé au sol alors que les arbres sont de plus en plus dénudés. Il est encore tôt, la lumière apparaît doucement dans le sous-bois et la pluie ne cesse de tomber. Contrairement à ce que je pensais, je ne suis pas si bien protégée que ça. Je suis rapidement trempée. Il fait froid, des dizaines de gouttes d'eau glissent rapidement le long de mon visage alors que je presse le pas pour rejoindre la cabane au plus vite.

   Le lit de feuilles mortes cache les racines, je trébuche souvent. Je tombe à plusieurs reprises, amortissant ma chute avec mes mains qui sont maintenant pleines de terre. Je me surprends à penser à faire demi-tour mais il en est hors de question. J'ai dit à Sam que je viendrai le voir tous les jours et c'est bien ce que je compte faire.

   Je suis bientôt arrivée, enfin je crois. Je ne me suis rendue qu'une seule fois à la cabane et à vrai dire je ne me souviens pas vraiment du chemin qu'avait emprunté Sam. Je marche depuis un certain temps déjà mais je ne reconnais absolument rien autour de moi. Pleine de motivation à l'idée de revoir mon frère je redouble d'effort pour rester debout et mettre un pied devant l'autre.

   C'est alors que je le vois. Cet arbre. Un chêne immense, son écorce éclatée par la force des années. Je presse le pas et le contourne rapidement pour que mon regard vienne se poser sur la petite maisonnette en bois. Je n'ai pas rêvé, elle est bien là. Je me précipite vers son porche.

   Lorsque j'entre dans la cabane, Sam est debout tourné vers la baie vitrée en face de moi.

   — Chut, me chuchote-t-il sans se retourner.

   — Quoi ?

   J'ai chuchoté à mon tour de peur d'interrompre quelque chose d'important dont je ne suis pas encore au courant.

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