ILLUSION

CHAPITRE 20

CHAPITRE 20

   Lorsque j'émerge enfin je ne n'ai absolument aucune idée de l'heure qu'il peut être. J'ai même du mal à savoir précisément où je me trouve mais la seule chose que je sais c'est que quelqu'un frappe à la porte depuis un bon moment déjà. Je m'en rends compte seulement maintenant, après m'être assurée que je ne suis plus en train de rêver.

   — Sam ! Ouvre-moi, crie une voix dans le couloir.

   Ça y est ça me revient, je me trouve dans la chambre de mon frère, dans son lit plus précisément. Qui peut bien frapper comme ça ?

   — Ouvre ! insiste la personne de l'autre côté de la porte.

   Je reconnais la voix de ma mère.

   — Sam il faut qu'on parle ! Ajoute-t-elle.

   C'est quoi ce bordel ? Je me lève et cherche la lumière à tâtons mais la porte s'ouvre avec fracas.

   — Mélo ? lance ma mère visiblement très surprise de me voir là.

   — Maman ? Qu'est-ce que tu veux ?

   Ses yeux sont rouges et gonflés, elle est en pyjama et à en juger par sa coiffure approximative je pense qu'elle souffre d'une bonne gueule de bois.

   — Où est Sam ? Il faut que je lui parle.

   Je me mets à rire nerveusement. Ça fait une semaine qu'il n'est pas rentré à la maison et c'est seulement maintenant qu'elle s'en inquiète.

   — Pourquoi tu te fous de moi ?

   — Tu lui veux quoi ?

   — Ça ne te regarde pas.

   — Maman, dis-moi quel est le problème.

   — Le problème c'est que Patrick ne me répond toujours pas, ça fait plusieurs jours qu'il est parti et je commence à m'inquiéter sérieusement. Je sais que c'est de la faute de Sam tout ça. Je veux savoir ce qu'il lui a fait.

   À ce moment-là, tout ce que j'ai appris plus tôt dans la journée me revient en tête. La situation me paraît alors encore plus surréaliste.

   — Tu es sérieuse ? Tu as combien de grammes là ?

   — De quoi tu parles ?

   Je ne prends même pas la peine de lui répondre et préfère quitter la chambre pour partir à la recherche de mon téléphone. Je contourne ma mère en prenant soin de ne pas croiser son regard. Elle me fixe durement quand je passe devant elle mais je poursuis mon chemin et descends les escaliers.

   Je remets enfin la main sur mon téléphone, posé sur le bar de la cuisine. C'est la fin d'après-midi mais je n'ai toujours pas de nouvelles de Raphaël. La seule chose qui peut me préoccuper en cet instant c'est Patrick. Maintenant que je sais ce qu'il a fait, j'ai tellement peur qu'il refasse son apparition. Je sais ce dont il est capable. Il est capable du pire et ce qu'il nous a fait subir à Sam et moi ce n'est absolument rien comparé à ce qu'il a fait à ces deux fillettes. Ses propres filles...

   Je finis par me féliciter de ne pas en avoir parlé à Sam. Si il l'apprend, il aura définitivement une bonne raison de rester dans cette cabane, au fond des bois. Mais si je lui en avais parlé, est-ce qu'il aurait vraiment pu me laisser seule à la maison, prendre le risque que Patrick rentre et s'en prenne à moi ? Je n'en ai aucune idée.

   Alors que je m'apprête à envoyer un message à Raphaël pour savoir où en est l'enquête, je remarque que ma mère se tient derrière moi, dans la cuisine.

   — Pourquoi tu ne veux pas me parler ma chérie ? Tu n'es quand même pas d'accord avec ce qu'a fait ton frère ?

   — Et qu'est-ce qu'il a fait au juste ?

   — Il s'en est prit à Patrick alors qu'il lui doit le respect.

   — Mais maman réveille-toi merde !

   — Mélo qu'est-ce qui te prend ?

   — Qu'est-ce qui me prend ? Il me prend que tu es complètement aveugle. Ça fait une semaine que tu vies dans ta petite bulle, tu n'as absolument aucune idée de tout ce qu'il se passe.

   — Alors explique-moi !

   — Tu veux vraiment savoir ?

   Elle acquiesce.

   — L'homme que tu aimes est un assassin. Tu sais pourquoi il ne t'a jamais parlé de sa vie ? Parce qu'il avait une femme et deux filles qu'il a tué de sang froid et il était à deux doigts de faire la même chose avec moi si Sam s'en était pas prit à lui comme tu dis.

   — Ferme-là ! Tu racontes n'importe quoi !

   — Crois ce que tu veux, ça n'a plus vraiment d'importance maintenant. La police est déjà à sa recherche. Si tu veux en savoir plus tu peux aller voir tout ce qui se dit à propos de Damien Plockrit sur internet.

   Je n'ajoute rien de plus et quitte la maison en courant.

   Le souffle court, je marche droit devant moi, tête basse, aussi vite que mon corps peut encore le supporter. Je ne vois quasiment pas où je pose les pieds mais je poursuis sans m'arrêter. Je sens que les animaux nocturnes commencent à se réveiller tout autour de moi dans le sous-bois. Je n'ai qu'un objectif : rejoindre mon frère.

   Après plusieurs minutes de marche, il fait bien noir sous les arbres et je ne sais absolument pas où je me trouve.

   Je pose un pied, puis un autre, mes chaussures s'enfoncent dans la terre si humide. Les ombres qui se baladent autour de moi forment une danse qui me pousse à tourner sur moi-même à plusieurs reprises.

   D'habitude, je trouve toujours le moyen de retrouver la cabane mais là je ne sais pas ce qu'il m'arrive.

   Où es-tu Sam ? Aide-moi !

   Il m'avait pourtant bien dit de ne pas venir la nuit mais comme d'habitude j'en ai fait qu'à ma tête et maintenant je ne sais même plus quelle directement prendre pour rentrer chez moi. Je suis définitivement perdue. De toutes façons je n'ai plus la force d'avancer. Plus la force de faire le moindre effort.

   Je suis seule dans cette forêt, mais ce n'est finalement pas différent du reste de ma vie ces derniers jours. Je m'assois sur la souche d'un arbre que je parviens à apercevoir à quelque mètres de moi. Je sens mon jean devenir humide mais peu importe. Après plusieurs minutes à me morfondre sur cette souche, je n'ai plus la force de rester assise. Je me laisse glisser lentement sur le sol et puis je laisse le sommeil m'emporter loin d'ici. La dernière pensée qui me vient et dont je ne me souviendrais probablement pas quand je me réveillerai est une simple question. Pourquoi je viens ici à chaque fois que ça ne va pas alors que c'est également ici que je rencontre le plus de problèmes ?