CHAPITRE 11

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CHAPITRE 11

Je n'en crois pas mes yeux, il est là, juste à côté de moi. Mon frère. Mon cœur bat si vite, mon corps tout entier est parcouru d'un frisson de joie. Je n'ose même pas bouger ou parler, de peur qu'il disparaisse à nouveau, tel un mirage dans un moment de désespoir qui s'évanouit lorsqu'on l'approche. Il semble aller bien malgré plusieurs jours passés dans la nature. Où a-t-il bien pu se réfugier ? Où sont passées toutes les blessures infligées par Patrick ?

Il faut que j'arrête de me poser toutes ces questions, ce n'est vraiment pas le moment. Je me jette dans ses bras et referme mon étreinte autour de ses épaules, relâchant toute la pression accumulée et la peur de ne jamais revoir mon frère jumeau.

Je ne relâche pas mon étreinte mais il semble distant. Ses mains son froides dans mon dos, son teint me paraît pâle dans la faible lumière du soir. Qu'a-t-il vécu pendant sa fuite ?

— Tu vas bien ? Où étais-tu passé ? Je t'ai cherché tu sais ?

— Viens. On ne peut pas rester ici. Ils pourraient nous voir.

— Mais...

Je n'ai pas le temps de le questionner, il est déjà parti dans la direction opposée à la maison. Il ne compte pas rentrer.

Je me lance derrière lui mais il marche trop vite et semble bizarrement très à l'aise sur ce sol instable. Il donne l'impression de survoler ce parterre humide, jonché de feuilles mortes. Je peine à le suivre, manquant plusieurs fois de tomber alors que mes pieds se prennent dans les ronces. Je bute souvent sur des racines sorties du sol. Comment fait-il pour garder ce rythme ?

J'étais persuadée qu'en retrouvant Sam je me sentirai mieux mais étrangement ces retrouvailles n'ont pas l'effet escompté. Qu'est-ce qui a changé chez lui ?

Je lui demande de m'attendre alors que la distance entre nous s'agrandit mais je trébuche à nouveau et tombe lourdement sur le sol, les mains à plat dans un nid de ronce. S'en est trop. Je craque et me mets à hurler à pleins poumons puis je finis par pleurer, ce que je m'étais interdit de faire ces derniers jours.

Tout est fini maintenant, j'ai retrouvé mon frère alors je peux me laisser aller. Il sera là pour m'épauler désormais. Je ne suis plus seule.

Enfin c'est ce que je croyais mais il ne se retourne pas immédiatement pour voir la raison de ma colère. Il faut que mes larmes se transforment en sanglots pour que Sam rebrousse chemin afin de me venir en aide. Il me tend une main froide, j'en profite pour essayer de croiser son regard avant de la saisir mais ses yeux bleus restent hors de portée, tournés vers un endroit que je ne connais pas.

Ses yeux me paraissent plus sombres que d'habitude et je n'arrive pas à savoir s'ils expriment de la peur ou de la colère. Peut-être les deux à la fois. Il me relève rapidement mais je suis à peine sur mes deux pieds qu'il reprend rapidement sa marche. Je le regarde s'éloigner à nouveau puis me précipite à ses côtés. Je ne comprends pas son attitude mais la peur qu'il m'échappe est toujours présente alors je subis, laissant silencieusement couler mes larmes le long de mes joues.

Nous marchons ainsi pendant plusieurs minutes. Des minutes qui paraissent des heures dans cette forêt, éloignés de toute notion de temps. Ça m'est complètement égal. Nous sommes là, réunis comme si nous n'avions jamais été séparés. Aucun de nous ne prononce le moindre mot et pourtant ce silence n'est en rien gênant.

Je commence à me sentir plus à l'aise sur ce sol inégal et je peux même reprendre mon souffle à présent. Marchant côte à côte, nos bras s'effleurant par moment, je ne peux m'empêcher de fixer son visage à chaque fois que je le peux. Pour m'assurer qu'il est bien réel, pour me convaincre que ce cauchemar est bien terminé.

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