CHAPITRE 28

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CHAPITRE 28

   Trois jours sont passés et aujourd'hui le médecin juge enfin que Sam a reprit assez de forces pour rentrer à la maison. Je n'y suis pas retournée depuis le jour où j'ai retrouvé mon frère mais je n'en ai pas ressenti le besoin. En effet, même si mon état de santé le permettait, il était hors de question que je le laisse seul à l'hôpital. De toutes façons, je me sens chez moi partout où il se trouve.

   C'est ainsi que près d'un mois après le jour où Sam s'est enfui dans les bois, il rentre à la maison pour la première fois. Depuis l'incident, je m'étais toujours imaginée que lorsqu'il rentrerait ce serait par la porte de derrière, depuis les bois. Mais tout s'est déroulé bien différemment, sans doute pour le meilleur.

   Avant de passer le pas de la porte, je sens Sam hésitant à côté de moi. Je me tourne vers lui et croise son regard. Je sais parfaitement ce qu'il ressent à ce moment-là, je ressens exactement la même chose. Toute cette histoire n'a pas rendu notre maison très accueillante alors je lui saisis le bras pour lui montrer qu'il ne sera pas seul à affronter tout ça. Nous franchissons ensemble les quelques mètres qui nous séparent de la porte et toutes mes peurs s'évaporent. Nous rentrons enfin chez nous.

   Alors que nous sommes à la maison depuis quelques heures déjà, j'ai l'impression que personne n'est vraiment très à l'aise, comme si nous n'étions plus à notre place. Je sais que mes parents n'ont pas passé beaucoup de temps ici non plus ces dernières semaines car ils ont passé la plupart de leurs journées avec nous à l'hôpital. Je pense que c'est surtout le fait de se trouver ici tous les quatre qui nous fait bizarre, c'est tellement inhabituel.

   Malgré le malaise qui commençait à s'installer petit à petit, l'atmosphère se détend soudain quand notre mère décide de faire à manger et propose à notre père de rester. Bien-sûr ce n'est pas un repas très élaboré considérant le frigo et les placards vides, mais nous nous retrouvons tous les quatre autour de la table, pour partager un même repas, une grande première.

   — Il faut que vous sachiez que je suis heureuse que vous soyez à la maison ce soir, dit notre mère pour briser la glace. Je voulais également m'excuser pour tout ce que je vous ai fait subir. M'excuser d'avoir fait rentrer cet homme dans notre maison.

   Après ces aveux extrêmement touchants, elle s'effondre. Je comprends à ce moment-là que toute la rancœur que j'ai pu ressentir n'a plus lieu d'être. Comment est-ce je peux encore en vouloir à ma mère d'avoir rencontré quelqu'un qui l'a aidée et à qui elle s'est accrochée. Ça l'a complètement coupée de la réalité, sous son emprise elle ne savait pas qui il était vraiment. Maintenant c'est à nous d'être là pour elle, contrairement au jour où notre père est parti.

   Je me lève pour la serrer dans mes bras, Sam me rejoint.

   — Nous ne t'en voulons pas maman, tu n'y es pour rien. Maintenant nous sommes là et c'est ce qui compte le plus. Nous serons là pour toi et nous ne te laisserons jamais tomber.

   Notre père observe la scène sans rien dire, sans doute un peu gêné.

   — Je voulais vous dire que je serais beaucoup plus présent désormais. Je veux revenir m'installer dans le coin, pour être plus près de vous.

   — On verra ça, répond Sam simplement, sans pour autant être trop dur.

   Notre père a toujours beaucoup parlé mais il vaut mieux être prudent et attendre de voir s'il va vraiment le faire. Pour le moment le principal c'est cette réunion, savoir que tout le monde va bien et que nous sommes là les uns pour autres.

   La journée se termine dans la quiétude. Notre père rentre dormir à l'hôtel qu'il a loué pendant toute la durée où Sam et moi étions à l'hôpital. Notre mère elle, part se coucher de bonne heure mais je ne l'entends pas pleurer ce soir.

   Alors que le silence est revenu dans la maison, Sam et moi nous installons sur le terrasse, à observer l'orée de la forêt. Nous avons chacun vécu cette histoire d'une manière différente pourtant cette forêt nous évoque les mêmes sentiments. De la peur mais surtout un grand soulagement. Nous sommes désormais à l'abri de la personne qui nous voulait du mal.

   Plus le temps passe, plus j'apprends à apprécier cette forêt et je crois que Sam aussi. C'est elle qui m'a protégée quand j'allais m'y perdre pour m'imaginer des journées entières passées avec mon frère. Malgré le fait que j'ai dû m'y perdre plus d'une dizaine de fois, elle m'a toujours ramenée à la maison. Mieux, c'est elle qui m'a ramenée à mon frère.

   Je n'ose pas parler de toute cette histoire à Sam, il doit avoir tellement de choses à gérer en lui. Je pose simplement ma tête sur son épaule et il me dit :

   — Je t'entendais tu sais ?

   — Quand tu étais dans le coma ?

   — Oui, j'entendais tout ce que tu disais. Je ne me souviens plus de tout mais je sais que j'entendais. C'est grâce à ça que je me suis réveillé.

   — Pourquoi as-tu attendu si longtemps ?

   — C'est comme si j'étais dans un rêve. Tout se passait bien. Je n'avais pas mal, Patrick n'était pas là mais toi oui. Je sentais ta présence, tu me parlais, me faisais rire. Je n'avais besoin de rien d'autre alors pourquoi me réveiller ?

   — C'est sur que vu comme ça c'est plutôt pas mal. Allongé dans ton lit, rien à faire à part te faire divertir par ta sœur. Le bonheur.

   Il rit.

   — Je ne sais pas toi mais moi j'ai bien envie de dormir, me dit-il enfin.

   — Comme si ça ne t'avait pas suffit une semaine de sommeil, il t'en faut toujours plus.

   Cette fois-ci nous rions tous les deux de bon cœur mais après ce fou rire, la fatigue est plus présente que jamais. Il est temps d'aller se reposer, pour de bon cette fois.

   Arrivée à l'étage, je passe dans la salle de bain pour me nettoyer le visage puis je me dirige vers ma chambre mais je vois Sam posté devant la sienne.

   — Ça ne va pas ?

   — Tu voudrais bien dormir avec moi ce soir ?

   Sans rien dire je le rejoins et nous nous allongeons dans son lit, main dans la main. Ma respiration est paisible et en accord avec la sienne alors que le sommeil arrive tranquillement. Je me sens bien, à partir de ce jour je sais que je ne serais plus jamais seule.

ILLUSIONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant