Chapitre 9

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  Erle n'osait pas affronter le regard de son père. Elle prit lentement place face à lui devant la cheminée de son grand bureau.
Elle avait pourtant toujours été très proche de lui malgré ses hautes fonctions. De manière générale, le roi avait pris grand soin de ses filles dans leur jeunesse. Mais aujourd'hui, tout semblait différent alors que rien n'avait changé aux yeux de la jeune fille.
Enfin... presque rien, rectifia-t-elle intérieurement.

Elle inspira longuement avant de plonger ses yeux dans le regard vert du roi.

- Erle, comment vous portez-vous ? commença-t-il d'un ton étrangement chaleureux.

- Bien, Père. Je vais très bien, dit-elle d'une voix à demi-murmurée.

Il lui adressa un sourire qui la rassura peu à peu :

- J'ai quelque nouvelle à vous annoncer. Avec votre mère, la reine, nous avons songé qu'en l'absence prochaine de vos sœurs, vous vous sentiriez... Seule.

La blonde arqua un sourcil avec grâce. Souhaitait-il réellement la lancer sur ce sujet ? Car l'absence de ses sœurs, elle la ressentait depuis son plus jeune âge et un mariage n'aurait pas de beaucoup modifié leurs relations.

- Nous avons donc remédié à cela, reprit son père, en accueillant Marie-Anne d'Autriche.

Ladite Marie-Anne d'Autriche était l'une des filles de l'empereur du Saint-Empire. Erle ignorait complètement pour quelle raison cette jeune et noble femme venait vivre dans le royaume car qu'une femme si importante vint au château simplement pour son bon et propre divertissement lui paraissait absurde.

Alors elle acquiesça simplement, attendant la suite.

- Elle restera quelque temps et je vous charge de son intégration au sein du palais. J'aimerais qu'elle s'y sente à son aise.

- Le but de sa venue n'était-il pas de me changer les idées de sorte que je n'aie aucune préoccupation me tourmentant l'esprit ? formula clairement sa jeune fille.

- Erle, je vous demande de prendre soin de cette femme, articula le souverain. Faites-le pour moi, je vous en conjure.

Elle, qui n'était pas naïve, comprit que la venue de Marie-Anne d'Autriche ne dépendait pas de la monotonie de sa vie mais s'adonnait plutôt à des fins politiques qu'envisageait certainement son père. Alors, par son expression faciale, elle fit croire à son père qu'elle n'avait pas saisi le sens de ses agissements et prononça sur un ton affectueux :

- Bien sûr, je veillerai à son bien-être, son contentement et à ce qu'elle apprécie son entourage et son séjour parmi nous.

- Je savais que je pouvais compter sur vous, sourit-il victorieusement en s'adossant plus profondément dans son fauteuil, soulagé.

Un silence parcourut la pièce et se prolongea jusqu'à ce qu'Erle soupirât :

- Dites-moi, Père ?

- Je vous écoute.

- Pensez-vous sérieusement que les mariages d'Astrid et d'Héléna sauront les rendre plus heureuses qu'elles ne le sont à présent ?

- A dire vrai, je ne pense pas. Mais, Erle, souffla-t-il de sa voix grave et conséquente qu'il prenait autrefois pour lui narrer quelque secret, il est également possible qu'elles ne soient plus aussi heureuses qu'elles l'étaient avant. Dans ce cas, elles pourraient n'être que plus ravies de s'éloigner de la cour et de toutes les libertés qu'elle exclut.

- Et cela ne semble pas vous déranger, répliqua Erle, scandalisée par le ton neutre qu'empruntait son père pour décrire une telle aberration.

- Car vous n'estimez pas que cela me torture constamment ?! Ne croyez-vous pas que je me suis senti responsable de cela ?! Que puis-je bien faire lorsque mes filles ne semblent plus aussi rayonnantes qu'autrefois à mes côtés ? J'ignore ce qu'elles ressentent mais je ne doute pas qu'après l'annonce, elles se sont senties dévastées. Alors, peut-être que passer du temps loin de nous, loin du palais, leur permettra de retrouver leur allégresse perdue...

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