Chapitre 19

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Héléna se dévisageait dans le grand miroir de sa chambre. Les sourcils légèrement froncés, elle observait chacune des courbes de son visage et de son corps que laissait refléter la glace. Peu satisfaite de son apparence qu'elle jugeait méprisable, elle s'assit lourdement sur l'épais matelas de son lit.
Elle était attendue, et pourtant, ne semblait pas s'empresser de se vêtir. En effet, cette nuit serait celle qui déterminerait la prochaine réputation de la princesse, la précédant de près. Elle était tétanisée à l'idée que cela se sût ; terrifiée à l'idée qu'en plus d'être considérée comme une ennemie, étant étrangère au royaume, et une femme orgueilleuse, elle soit insultée de libertine et de corrompue. En outre, Héléna ne trompait personne, elle haïssait plus que tout au monde les faux-semblants et agissait de façon à ce que personne ne pût se méprendre sur son comportement. Elle était honnête, quoiqu'un peu trop, et ne portait pas dans son cœur ceux qui ne l'étaient pas. Elle aimait savoir tout ce qu'il y avait à savoir. Aussi, être vue comme une femme qui n'avait pas de parole, car c'était bien à quoi elle se résumerait si elle commettait cette infidélité de taille, n'allait pas pour lui plaire.
Après avoir mûrement réfléchi, elle ignorait tout des projets du prince, bien que le colonel l'en eût assurée du contraire. Elle ne pouvait alors se risquer dans une aventure aussi dangereuse et dévastatrice que celle-ci, elle devait d'abord prendre connaissance des plans de son ennemi afin de les contrer de la façon la plus juste. Car, finalement, rien ni personne n'avait confirmé les propos du colonel.

Avec une spontanéité qu'on ne lui connaissait pas, elle se revêtit rapidement et sortit de ses appartements. Elle trouva ceux du prince héritier et se hasarda à y entrer.

À travers les fenêtres du couloir, la brune voyait le soleil se fondre derrière les feuillages et appréhendait la pénombre de la nuit qui condamnait les visites tardives. De nouveau, elle regretta de ne pas avoir réfléchi plusieurs fois avant de se diriger vers celui qu'elle préférait éviter. Mais, comme souvent, il était trop tard pour se défiler.

Son nom fut annoncé au prince qui l'accueillit dans le plus grand des silences. Habituée à cette gêne grandissant en elle lorsqu'elle était en sa présence, elle ne se laissa pas démonter et le salua avec politesse. Il y répondit sur le même ton. Elle réitéra quelque condoléance, s'attendant à des indications sur les obsèques du défunt roi mais il n'en fit rien.
Après une nouvelle suspension de leur conversation, elle se risqua à déclarer :

- La date de notre mariage se rapproche. Sera alors à vous le titre de roi. N'est-ce pas ce que vous cherchez à obtenir ?

- Ce que je cherche à obtenir est la fin de toute collaboration nous concernant, vous et moi, Votre Altesse, souffla-t-il en se levant pour lui faire face.

- Cependant, cela m'est d'un profond ennui.

- Et cela m'est bien égal, répliqua-t-il avec une indifférence qui étonna son interlocutrice.

- Quel est le chemin que vous allez emprunter pour briser nos fiançailles ? questionna cette dernière sans s'appliquer à bien choisir ses mots.

Cette question hantait l'esprit de la princesse qui ne cessait de la formuler au prince. Celui-ci plissa les yeux quelques secondes, se projetant dans un avenir que personne ne fût en capacité d'imaginer à part lui. Il réfléchit longuement.

- Attaquer votre royaume vous paraît-il être une assez bonne méthode pour briser notre accord, ou du moins pour vous faire prendre conscience que votre loyauté n'ira jamais dans le même sens que la mienne ? marmonna-t-il enfin.

Le prince ne semblait pas plaisanter, ce qui permit à la princesse de comprendre que Lysander ne lui avait pas menti sur les intentions de Sverker.

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