Chapitre 11

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Le discours habituel du conseiller commence.

« – Mes chers amis, je vous souhaite la bienvenue pour une nouvelle cérémonie officielle. Souvenez-vous du temps où nous étions tous vulnérables et sans ressources. Nous étions égarés et craintifs. Mais notre bon Gouverneur nous a montré le chemin, menant vers la paix, la protection et la prospérité. Nous lui devons tellement. Voilà pourquoi ce sacrifice est organisé. Rendons-lui hommage ! »

Je tourne la tête en direction de Seth. Son regard est concentré sur l'estrade, et il paraît crispé, anxieux. Ses mains s'accrochent aux accoudoirs du fauteuil comme si c'était leur bouée de sauvetage.

« – Commençons avec la première élue.

Le conseiller pioche parmi l'amas de papiers, et en tire un au hasard, les mêmes gestes que la semaine dernière.

– Kathleen Blair, prononça-t-il. »

Une jeune fille, qui doit avoir plus de vingt ans, se met à pleurer. Des soldats l'emmènent jusqu'à la grande estrade, où ils la mettent à genoux, juste en face de nous. Je n'arrive plus à respirer. Je ne peux pas assister à cela. Pourtant j'ai regardé cette scène je ne sais combien de fois, mais les victimes étaient dos à moi, je ne les voyais pas pleurer comme je vois Kathleen à présent.

« – Je t'en supplie, arrête ça...

–La ferme et regarde. »

Comme d'habitude, Seth se moque bien de ce que je peux penser ou ressentir. Le conseiller pioche une nouvelle fois, et en ressort un papier qu'il déplie soigneusement avant de nommer la seconde victime de l'Alrithia :

« – Abby Preston. »

Abby... Elle doit avoir mon âge, et tout comme Kathleen, elle est trop jeune pour mourir comme ça.

« – S'il te plaît, arrête ça.

Voyant que Seth ne répond rien, j'insiste.

– Ça ne t'apporte rien de sacrifier des jeunes filles innocentes. Je te le demande, arrête l'Alrithia.

Il ne fait que se crisper encore plus, et froncer les sourcils. Il commence à s'énerver, et je sais que dans ces cas-là, je devrais arrêter, mais je ne peux m'en empêcher.

– Seth ! »

Trop tard, les deux condamnées sont à genoux, exposées à l'arme d'un soldat qui la braque sur Kathleen. Pour la première fois, ce n'est pas Nate qui tire. Il est placé devant la porte de la loge, à l'intérieur et regarde la scène sans rien laisser paraître. Je ne peux plus rien faire, mais je ne veux pas voir ça. Je n'aurais pas la force. Je me lève d'un bon et cours vers la sortie. Je ne peux qu'entendre Seth m'appeler. Nate me retient par le bras, alors que j'essaie malgré tout de me libérer pour quitter cette pièce, où j'ai la sensation d'étouffer.

« – Arrête tes conneries, chuchota Nate. Ne l'énerve pas je t'en prie, pas le dimanche. Dans sa folie il serait capable de tuer trois filles au lieu de deux seulement parce que tu as osé lui désobéir. Retourne t'asseoir Mallory, tout de suite. »

Ce n'est pas un ordre que me donne Nate, plutôt un conseil, une faveur. Mais ce sont surtout ses dernières paroles qui m'ont le plus marquées. Seth pourrait ordonner le sacrifice de trois filles... Je ne veux pas causer la mort d'une autre. Ça serait comme si c'était moi qui tenais l'arme et appuyais sur la détente. Quelle atrocité. Je me tourne vers Seth, qui reste assis sur son trône, mais me lance un regard noir que je ne connais que trop. La dernière fois que je l'ai vu dans cet état, c'est lorsque j'ai essayé de m'enfuir. Alors je retourne m'asseoir, la tête haute aux côtés de sa seigneurie.

Hadès et PerséphoneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant