Un mois. Trente jours que je suis ici, à vivre dans le luxe, avec un monstre. Je pensais que ma colère s'atténuerait avec le temps, mais elle n'a fait que s'intensifier. Seth a essayé je ne sais combien de fois de me parler, mais je le repoussais sans cesse, car à chaque fois que je le voyais, j'étais à deux doigts de me transformer en meurtrière. Alors soit je l'ignorais, soit je lui hurlais de me laisser tranquille. Je restais dans ma chambre, isolée de lui. Ce n'est que lors de l'Alrithia que je me devais d'être à ses côtés, mais sans lui adresser un seul mot, ni même un regard. Je restais passive aux évènements, me concentrant sur mon plan pour m'enfuir d'ici. J'ai observé les soldats faire leurs rondes la nuit je ne sais combien de fois. Et j'ai remarqué qu'ils passaient chaque soir à la même heure. Cet emploi du temps parfaitement organisé me sera très utile. Alors c'est la nuit que je sortirai. Tout est prêt, et c'est pour ce soir. Pendant que toute la maison dormira, je me faufilerai jusqu'à l'extérieur, à l'heure où les soldats ne pourront pas me voir. Même si je sais que Seth remarquera rapidement mon absence, j'aurai le temps d'aller jusqu'à chez moi. Car je sais qu'il vient parfois la nuit me voir. Il ne fait pas un seul bruit, ne me touche pas et reste silencieux dans le noir. Il ne fait que me regarder dormir et rien de plus.
Il est minuit, bientôt l'heure de partir. Je n'ai jamais été aussi anxieuse de toute ma vie, car j'ai peur des conséquences. Si Seth se rend compte de ma fuite, il tuera ma famille. Mais je suis encore plus effrayée en m'imaginant ma mère pleurer tous les soirs, ne supportant pas mon absence. Et Josh... De toutes les personnes que j'aime, c'est lui qui me manque le plus.
Je me poste devant ma fenêtre, et tire légèrement le rideau pour observer les rondes des soldats. Ma montre m'indique 0h05. Je compte dans ma tête. Toutes les secondes qui s'écoulent, me rapprochant d'avantage des retrouvailles avec ma famille. 1, 2, 3, 4, 5. Les soldats passent devant ma fenêtre, comme je l'avais prévue. Je souris, puis me dépêche de me préparer. Je mets un t-shirt blanc et un jean simple, des chaussures et m'attache les cheveux en un chignon décoiffé. Je prends le poncho tricoté gris à capuche, que m'a prêtée Summer. Ainsi, je passerai inaperçue. Je quitte ma chambre, et traverse le long couloir pour rejoindre le hall, plus déterminée que jamais à sortir d'ici. Il fait tellement noir dans cette maison, de sorte que même si des gardes venaient à passer, ils ne me verraient pas. Me voilà devant le jardin, l'endroit le plus dangereux. Comme me le rappelle souvent Seth, je suis surveillée en permanence. Je cours vers un arbre, la capuche de mon poncho sur ma tête, et consulte ma montre. 0h10. Parfait, je suis dans les temps. J'ai répété ce plan tellement de fois que je suis sûre de ne pas me tromper. Je compte une nouvelle fois à voix basse jusqu'à trente.
« – Parfait, murmurai-je en apercevant les soldats passer à seulement quelques mètres de moi. »
Une fois la menace écartée, je reprends ma course jusqu'à la grille, tout en m'arrêtant, et repartant pour éviter les gardes.
Il est 0h18 lorsque j'atteins enfin la grille. Mais je dois attendre jusqu'à 0h22, car le temps que je saute par-dessus le grand portail, et que je traverse le chemin en courant, il me faut bien six ou sept minutes. Et je sais que les gardes me repèreront si je pars maintenant. Patience. Je reste cachée derrière un grand chêne, tout en guettant l'arrivée des soldats. C'est à 0h25, avec une minute de retard que je les vois enfin approcher. Je me rapproche de la grille, tout en restant à couvert. Les deux surveillants discutent et rient, munis de leur fusil d'assaut HK416. Je les regarde passer, puis une fois disparus de mon champ de vision, je m'élance vers le portail, l'agrippe, puis commence à escalader. Mes mains me brûlent, mais je continue à grimper. Il est hors de question que j'abandonne juste à cause d'une petite douleur. Je vaux mieux que ça. Une fois arrivée au sommet de la grille, je passe par dessus la pointe de fer, et saute pour ne pas perdre de temps. J'ai jusqu'à 0h30 pour sortir du chemin, autrement les soldats me verront tout de suite et lanceront l'alerte. Je cours le plus vite possible sur le chemin de terre sèche, protégée par l'obscurité et les arbres majestueux, dissimulant la lumière de la lune, qui est pleine ce soir. Il est 0h29, plus qu'une minute. Lorsque j'arrive au bout du chemin, je glisse sur le côté pour m'écarter du chemin et me jette à terre. Me voilà à présent camouflée par les hautes herbes. Cinq soldats font leurs rondes sur la grande muraille, leur arme à la main. Je rampe au sol, en m'avançant à l'aide de mes coudes pour me rapprocher le plus possible de la grande porte. Deux soldats armés jusqu'aux dents en gardent l'accès. Je me mords la lèvre de remords en regrettant de ne pas avoir pensé à ça. Je pensais que la porte serait surveillée de l'extérieur et non de l'intérieur. Visiblement, Seth a tout prévu pour éviter ma fuite. Je soupire de rage, tout en réfléchissant à un moyen pour détourner leur attention.
Soudain, je vois les deux soldats s'éloigner, chacun de leur côté, laissant le champ libre. Qu'est-ce qu'il se passe ? C'est étrange qu'ils aient ainsi baissé leur garde. Est-ce un piège ? Impossible, Seth est très intelligent et a toujours deux coups d'avance, mais il n'a pas pu deviner mes intensions. Il m'aurait tout de suite arrêtée et giflée pour ma conduite. J'en déduis alors que ça doit être le changement de gardes, et qu'il ne me reste par conséquent plus beaucoup de temps. Je sors le double des clefs que j'ai réussi à voler dans le bureau de Seth, recommence à courir vers la grande porte, la dernière étape à passer. Je réussis à l'ouvrir, non sans crainte de voir arriver les deux remplaçants. Une fois sortie, j'ai l'impression de respirer de nouveau. Les maisons cubiques, si blanches et si apaisantes apparaissent au loin. Les larmes me viennent, alors que j'observe ce spectacle avec nostalgie. Je regrette de ne pas être partie plus tôt. Mais je devais être sûre de mon coup pour éviter les faux pas. Je descends l'estrade de la Grande place, là où tout a commencé, puis marche en direction de ma maison. Je connais le trajet de par cœur, et ça me fait tellement plaisir de pouvoir le retracer de nouveau dans ma tête. Je tourne à droite, puis à gauche et encore à droite. Chaque virage me rapproche de plus en plus de chez moi, et mon rythme cardiaque ne cesse de s'accélérer Je l'aperçois au loin, ma maison, et je ne peux m'empêcher de sourire. Même si ce sourire est sincère, au fond de moi je cache une lourde tristesse, parce que je sais que c'est la dernière fois que je viendrai ici. Après je devrai rentrer chez le Gouverneur, pour ne plus jamais revenir. J'y suis bientôt, plus que quelques mètres. Mes pas se précipitent, je ne fais plus attention à ce qu'il se passe autour de moi. J'oublie même le couvre-feu, ce qui fait que si des gardes me trouvent dehors à cette heure-ci, ils voudront d'abord me battre et après m'enfermer, mais lorsqu'ils verront mon visage, ils me ramèneront directement à Seth. Et je n'ose imaginer ce qu'il me fera, où sa folie et sa possessivité le conduiront.
Soudain une main se plaque sur ma bouche, tandis qu'une autre me maintient au niveau de ma taille, et m'entraîne dans une ruelle, sombre, où personne ne pourrait me voir. J'essaie de crier, de me débattre, mais il est beaucoup trop fort pour moi. Je dis « il », car je suis sûre que c'est un homme. Son torse puissant, sa main plaquée sur ma bouche, la façon dont il me maintient collée à lui, c'est bien un homme.
« – Arrête de crier, ils vont t'entendre. »
Cette voix... Je la reconnaîtrais entre mille, je l'ai entendue tellement de fois. Mais comment est-ce possible ? Il ne peut pas se trouver ici, près de moi, ce n'est pas lui. Mes tentatives ont cessées. Je ne cris plus, et ne me débats plus. Je reste silencieuse et passive, mes mains posées sur celle de l'homme qui est encore plaquée sur ma bouche pour me faire taire. C'est alors que je vois de la lumière, qui se rapproche de plus en plus de nous. Trois soldats passent, faisant leurs rondes. Je soupire de soulagement en les voyant enfin s'éloigner. Mais ces trois gardes représentaient le cadet de mes soucis. Le plus important se trouve derrière moi. Lorsqu'il me lâche enfin, je me tourne vers lui et commence à sentir la peur m'envahir.
« – Seth...je suis...désolée, bégayai-je.
– Arrête, je sais très bien que tu ne l'es pas.
– Tu ne peux pas m'empêcher d'y aller ! S'il te plaît rien qu'une fois, je t'en supplie. Je veux les revoir, pour les rassurer, leur dire que je ne suis pas morte. Après je reviens avec toi je te le promets, s'il te plaît...j'en ai besoin.
– Je ne pensais pas que t'allais vraiment le faire, dit-il dans un petit rire. Tu es tellement courageuse...et si maligne.
– Quoi ? demandai-je sans comprendre un mot de ce qu'il dit.
– Oh Mallory, tu croyais franchement que je n'étais pas au courant.
Je baisse le regard, sentant la peur faire place à la terreur.
– Toutes les nuits tu te levais pour observer les gardes faire leurs rondes, je savais bien que tu préparais quelque chose. Alors lorsque je t'ai vue habillée, j'ai compris que c'était le moment que tu avais choisi. Alors je t'ai suivie, pour finalement te trouver là. Ça fait la deuxième fois que je te sauve ce soir. D'abord j'ordonne aux soldats de la Grande muraille de quitter leur poste pour te laisser le champ libre, et maintenant je te sauve des patrouilles. Tu me dois beaucoup.
– Pou...pourquoi tu as fais ça ?
Il s'approche de moi, et me caresse le visage tout en souriant gentiment.
– Parce que comme tu l'as dit, tu en as besoin. »
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Hadès et Perséphone
RomanceDans une société nouvelle, le système des seigneurs régnant dans chaque ville est instauré. C'est comme si on avait remonté dans le temps à l'époque médiévale. Mallory Saxe est une jeune femme généreuse et épanouie, menant une vie simple et heureuse...