Hadès et Perséphone

Chapitre 7

Il est 12h, l'heure d'ouvrir la porte se trouvant juste devant moi. Je sais parfaitement ce qui m'attend derrière, alors pourquoi redouter ce moment, puisque de toute façon il n'existe aucune échappatoire. Et puis, je ne suis pas du genre à me défiler devant la réalité. Au contraire je l'affronte sans montrer mes faiblesses. Mes doigts frôlent la poignée, puis l'empoignent. Le contact avec le métal froid me donne la chair de poule. Je prends une grande inspiration, puis déverrouille la porte qui s'ouvre instantanément en grand. Je suis extrêmement surprise, ou plutôt horrifiée de l'endroit où je me trouve maintenant. Ce n'est pas une table longue digne d'un roi que je découvre, ni une pièce volumineuse. Rien de tout cela. Au contraire, la salle à manger est plutôt petite, et la table, je n'en parle même pas. Pas assez de distance pour éviter la conversation ou les regards indiscrets. Je pousse un soupir de frustration devant ce spectacle.

« – J'aurais préféré que tu arrives en avance, dit une voix grave à proximité.

Je me retourne pour faire face au Gouverneur qui affiche toujours son sourire démoniaque.

– Vous détestez le retard, moi je ne supporte pas d'arriver en avance.

Il rit d'un air narquois, m'admire de haut en bas, comme il l'a fait tout à l'heure. Si ça ne tenait qu'à moi, je l'aurais giflé.

– J'ai eu raison de te faire préparer cette robe. Elle te va à ravir. Et ces cheveux....

Il s'approche d'avantage de moi pour pouvoir les toucher, mais par reflexe je recule. Sa seigneurie fronce les sourcils devant ma résistance.

– Si tu recules encore une fois...menaça-t-il.

– ...je suis désolée, le coupai-je. »

Je n'aurais pas supporté entendre la suite de ses paroles. Car je sais parfaitement ce qu'il allait dire. Il est facile de le deviner. Le Gouverneur fait une nouvelle tentative en faisant un pas vers moi, mais cette fois-ci, je ne bouge pas. J'ai bien trop peur des conséquences... Sa main touche délicatement une mèche de mes cheveux, qu'il enroule ensuite autour de son index. Ses yeux d'un marron sombre me scrutent avec attention, alors que ses lèvres s'entrouvrent légèrement. Il est beau, je dois le reconnaître, mais ce n'est pas pour ça que je me laisserai tomber dans ses bras. Je le hais pour ce qu'il m'a fait, pour le malheur qu'il a causé au peuple qui souffre par sa faute, à ma famille qu'il a menacé, et parce qu'il m'a séparée de l'homme que j'aime. Te reverrai-je un jour Josh ?

« – Viens t'asseoir, dicta sa seigneurie. »

Je m'exécute, et m'installe sur une chaise juste en face de lui. Il lui suffirait d'allonger son bras pour toucher une nouvelle fois mes cheveux, ce qui montre notre proximité qui me met mal à l'aise. Des domestiques apportent deux assiettes couvertes chacune par une cloche en métal. Lorsqu'ils la lèvent, et que je découvre mon plat, je prends sur moi pour ne pas me jeter sur le contenu. Du pain de lotte à la bisque de homard. Une délicieuse odeur s'échappe, et vient à présent envahir mes narines. À peine les domestiques ont-ils quitté la pièce, que je m'empare de mes couverts, et déguste mon plat tout en fermant les yeux. Des milliers de saveurs explosent sur mon palais. Je n'ai jamais ressenti cela. Avant je ne mangeais que de la nourriture banale, souvent des légumes qu'on réussissait à récupérer de nos récoltes. Le Gouverneur sourit en face de moi, visiblement satisfait d'assister à ce spectacle.

« – Tu as l'air d'aimer, constata-t-il.

Je hoche rapidement la tête, bien trop occupée à dévorer mon assiette.

– Je suis sûr que tu vas te plaire ici. »

Je manque de m'étouffer en entendant cela. Comment peut-il croire que je puisse un jour me réjouir de cette situation ? Ses propos m'ont fait perdre l'appétit. Alors je repousse mon assiette d'un mouvement de main, puis croise les bras. Sa seigneurie continue de manger, tandis que je le foudroie du regard. D'ailleurs, cela me fait penser que je ne connais pas son nom. Par curiosité, j'aimerais le savoir.