PROLOGUE

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Lundi premier janvier 2020

L'avion ne m'a jamais effrayé. J'ai toujours aimé prendre de la hauteur, survoler plutôt que d'explorer le monde. Ici-bas tout est démesuré. Les villes, les richesses, le pouvoir, les Hommes en eux-mêmes devrais-je dire. Voir ce qui constitue notre vie quotidienne rétrécir me donne l'impression de me grandir moi-même. Ainsi puis-je rêver plus grand, traverser les nuages comme si je franchissais chaque obstacle avec une aisance qui m'était naturelle. Le vol vaut-il cependant un atterrissage abrupte et rapide ? Les rêves nous permettent de tenir le coup, jusqu'à ce qu'ils se réalisent et vous montrent à quel point le bonheur est aussi éphémère qu'important. 

Chaque jour passé sans toi efface peu à peu la réalité de mes souvenirs pour laisser place à l'imagination. La beauté de l'esprit, la liberté de créer sont des valeurs que tu prônais et que je n'oublierai jamais. J'invente alors ton sourire et écris ton nom en guise de signature sur mes dessins, sur mes écrits. J'en oublierais presque l'absence de papa durant toutes ces années. J'ai attendu tu sais, j'ai attendu sans relâche le jour où il rentrerait pour m'emmener marcher le long de la Seine comme nous le faisions si souvent. La bonté que je tentais de déceler entre les fissures de son cœur de pierre s'est évaporée. Je ne lui en veux pas. Ton départ nous a tous affecté. Lui en suis-je même peut-être reconnaissante ; chaque mot imprononcé est un de plus que je coucherai sur le papier, un de plus que je dessinerai.

Je me suis souvent dit qu'il était ridicule de t'écrire comme cela, que tu ne reviendrais pas et ce quoiqu'il advienne. Je n'ai cependant jamais abandonné. J'aperçois encore tes longs doigts fin s'agripper à la plume durant des heures. Tu restais silencieuse et, la tête légèrement penchée, écrivais les histoires que tu me contais. Quelques mèches de cheveux s'échappaient de ton chignon défait, retombant délicatement sur ta chemise blanche entrouverte. Imagination ou réalité ? Que sais-je. Je peux seulement t'affirmer que ma façon de rêver reflète ma réalité. Tu m'as construit un univers que je ne cesserai jamais d'élargir. Le virus des passions s'est emparé de moi. Cela me réjouirait en temps normal ; il me donne la force d'avancer et de donner le meilleur de moi-même, dans la pire comme dans la plus belle des situations.

J'ai continué. J'ai continué de m'agripper à l'écriture comme si les flots impétueux de la vie s'approchaient pour m'arracher d'entre ses bras. J'ai continué de dessiner comme si cela ferait revenir papa. Est-ce si mal d'accorder ne serait-ce que la moindre importance aux regards des gens ?  J'en accorde en tout cas au tien, et ce peu importe où tu te trouves.

Tu me manques. Joyeux anniversaire maman.

Chloé

Obsession Où les histoires vivent. Découvrez maintenant