• CHAPITRE TREIZE •

2K 215 18
                                    

Ses mains semblables à celles d'une pianiste se mettent à trembler

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Ses mains semblables à celles d'une pianiste se mettent à trembler. Ne sachant comment réagir face à la situation, je m'empare immédiatement de mon téléphone afin de tenter de contacter Harley.

- Qu'est-ce que tu fais ?, crie-t-elle. Repose tout de suite ce téléphone Chloé.

Je l'observe, plongée dans un profonde incompréhension. Alda est soudainement gagnée par de grands tremblements secouant l'ensemble de son corps. Sa respiration est haletante et ses tentatives, afin de calmer la situation, sont vaines. Je m'assois alors à ses côtés et m'empare de ses bras afin de tenter de la calmer un minimum.

- Prends une profonde inspiration..., commencé-je avant que celle-ci ne se relève tout en rejetant brutalement le contact physique que je venais de créer entre nous.

Celle-ci fait alors les cents pas au milieu de mon salon, se cognant plus d'une fois contre le coin de la table basse en verre, ce qui a le don de la faire jurer plus d'une fois, les dents serrées.

Je me sens comme une petite souris face à la situation. Je ne l'avais que très rarement vu dans cette situation. Il faut dire que la vie ne l'a pas toujours accueilli les bras grands ouverts. La grande soeur d'Alda est décédée dans un accident de voiture lorsqu'elle n'avait que douze ans. Elle m'a raconté à quel point il a été difficile pour elle et sa famille de surmonter la pente. La mort peut apparemment éloigner autant qu'elle est susceptible de rapprocher.

Lorsque je l'ai connue, elle était d'ores et déjà en proie à des crises de panique. Cela s'était cependant calmé depuis quelques années. Et je jurerais ne l'avoir jamais vu dans un tel état. Cela me blesse au plus profond de moi car je me sens en quelque sorte coupable de ne pas avoir aperçu son mal être plus tôt.

- J'ai trompé Harvey, lâche-t-elle comme une bombe.

Mon souffle se coupe abruptement. Ils sont ensemble depuis si longtemps que j'en reste interloquée. La première réaction me venant à l'esprit est de la secouer dans tous les sens afin de lui faire cracher le morceau. Tout cela ne peut être qu'une vaste plaisanterie. Mais à en croire les larmes perlant à présent le long de ses joues, je ne peux m'empêcher de penser à ce qu'elle ressent. Au lieu de prononcer le moindre mot, je me redresse afin de me tenir à sa hauteur. Je veux qu'elle se sente rassurée, qu'elle sache qu'elle n'a rien à craindre et que je serai toujours à ses côtés, quoi qu'elle fasse.

- On s'est encore disputé à propos d'une chose ridicule et je suis partie, furieuse. Je passe l'entièreté de mon temps avec lui et ce depuis des années. Je suis jeune et j'ai pourtant l'impression d'être si vieille. Alors je suis sortie dans un bar, j'ai beaucoup bu et... J'ai passé la nuit avec un autre homme.

Elle baisse la tête quelque peu honteuse. Le sourire qu'elle arbore habituellement s'est totalement évaporé.

- Tu n'as pas à te sentir coupable de vouloir vivre, tenté-je pour la rassurer.

À ces mots et contre toute attente, mon amie se met alors à sincèrement rire avant de répliquer :

- Dis celle qui ne vit qu'à travers son travail !

Je me rétracte dans un coin du canapé et pose ma tête sur mes genoux, le regard dans le vide. J'ai conscience que cette remarque n'avait pas pour but de me blesser mais je ne peux m'empêcher de me sentir pleinement concernée. Elle a raison : je ne sais que lui donner des conseils que je ne prends même pas la peine d'appliquer. Alda connait davantage le secret de la vie que je le connaitrai jamais.

Elle balaye alors d'un geste de la main les sentiments qui la submergeaient il y a encore quelques instants afin de prendre place à mes côtés, tout en plaçant sa tête sur mon épaule.

- Je l'aime tu sais, continue-t-elle. Je veux juste dire par là que tout est parfois si compliqué qu'aucune solution ne semble être la bonne.

Les apparences sont donc bel et bien souvent trompeuses. Moi qui les pensais épanouis face à tant d'amour, je dois bien avouer que je me suis trompée. On n'est apparemment jamais mieux servi que par soi-même sur le plan émotionnel.

Une sonnerie retentit soudainement, coupant l'élan de tendresse dont elle faisait preuve à mon égard. Elle s'empare de mon téléphone en décrochant machinalement tout en me le tendant, un sourire malicieux aux lèvres.

- Bonjour Chloé, bien reposée ?, résonne le voix de Sam au creux de mon oreille.

J'abaisse mon téléphone tout en faisant les gros yeux à Alda. J'aurai toujours du mal à cerner la façon qu'elle a de passer outre la moindre difficulté afin de ne voir que le positif se présentant à chacun.

- J'ai tout sauf envie de parler à cette charogne, comme si c'était le moment !, lui chuchoté-je tout en tentant tant bien que mal d'étouffer le micro de mes deux mains.

- Je t'ai entendu, répond-t-il au bout du combiné pour compléter le tout. Et afin de cultiver l'image positive et pleine d'entrain que tu as de moi, je vais avoir besoin d'un petit coup de pouce pour le prochain défilé que la Maison prépare.

Je sens alors mes joues virer au cramoisie. Bien que Monsieur-je-me-crois-tout-permis ne peut pas assister à cette scène, je ne peux que ressentir un profond sentiment de culpabilité quant au fait de lui avoir laissé prendre de l'assurance face à moi. Il ne se laisse pour autant pas démonter face à mon silence de marbre et poursuit :

- Je vais être bref. L'actrice Margot Rosewood va devenir l'effigie de notre campagne automne-hiver 2021. Elle semble assez capricieuse alors disons... que tu vas devoir mettre les petits plats dans les grands. Il faudrait que tu nous réserves un podium pour le week-end prochain, que tu organises le plan de salle tout en te chargeant de passer des coups de fils aux agents dont j'ai laissé le numéro sur ton bureau.

Alors là je vois rouge. Je rêve où il me demande d'organiser l'impossible en l'espace de seulement six jours ? Je m'apprête à lui en toucher trois mots lorsque je me rends compte qu'il a déjà raccroché. Témoin de mes émotions fulminantes, Alda semble quelque peu confuse. Oh oui, laisse-moi donc éclairer ton incompréhension ainsi que la mienne, par la même occasion :

- Mon patron n'est qu'un enfoiré.

Obsession Où les histoires vivent. Découvrez maintenant