• CHAPITRE VINGT-QUATRE •

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L'espace d'un instant, j'observe le corps de Sam allongé de tout son long sur le sol, tel un pantin désarticulé dont le sang coule lentement, glissant jusqu'au parquet luisant

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L'espace d'un instant, j'observe le corps de Sam allongé de tout son long sur le sol, tel un pantin désarticulé dont le sang coule lentement, glissant jusqu'au parquet luisant. Lui venir en aide n'est en réalité pas dans mes plans. Il aurait beau avoir à porter le poids du monde sur ses épaules en ce moment précis que je ne souhaiterais en rien l'alléger. L'amertume que je ressens depuis les dernières paroles de son frère ne fait que davantage me conforter dans l'idée que je n'aurais pas dû me laisser amadouer aussi facilement.

Soudainement, la lumière du jour me manque irrémédiablement. Mes jambes m'entrainent alors automatiquement vers la sortie. J'ai besoin d'entrer en contact avec elle au risque d'être entrainée dans les mêmes méandres gisant depuis peu à quelques mètres de moi.

L'univers semble alors se moquer de moi lorsque je sens des gouttes de pluie ruisseler le long de mon visage enflammé. Ces deux éléments font toutefois bon ménage. Mon esprit ne fait que réclamer le calme dont il n'a pas eu droit jusque-là. Des hordes de maux semblent entamer un combat sans répit, allant jusqu'à se cogner contre mes tempes qui ne demandent qu'une trêve.

J'empoigne frénétiquement mon téléphone avant que celui-ci ne vienne se fracasser sur le béton mouillé. Super, c'est vraiment le moment. Je tape nerveusement le nom d'Alda dans mon répertoire, essayant tant bien que mal d'éviter les fissures qui pourraient à tout moment me blesser. Quoique je ne serais pas à une petite cicatrice prête tant mon coeur ne semble que davantage se morceler à mesure que mes pieds rencontrent la surface du trottoir. Je sais que je n'ai pas été aussi présente pour elle que j'aurais aimé l'être en cette période difficile mais mon instinct me dicte de lui parler, et ce avant que je ne m'effondre au moindre mouvement brusque.

En franchissant la porte de mon appartement, je me retrouve face à ma meilleure amie, me tendant ses bras grands ouverts. Sans plus attendre, je me précipite contre elle afin de chercher le réconfort dont j'ai manqué tout au long du trajet.

- Que s'est-il passé ?, me questionne-t-elle, une pointe d'inquiétude dans le creux de sa voix.

Mon coeur souhaite immédiatement s'ouvrir mais au lieu de cela, je penche délicatement ma tête sur le côté tout en laissant échapper des larmes que je retenais depuis maintenant trop longtemps. Mon pouls s'accélère à mesure ma cage thoracique se secoue au rythme de mes sanglots. À vrai dire, j'ai plus honte de ma réaction qu'autre chose. Je ne me sens pas libérée comme nous pourrions le croire, ni même soulagée de quoi que ce soit. Non, au lieu de cela, tandis que ma tristesse s'échappe, un sentiment de désarroi semble s'enterrer au plus profond de moi, établissant petit à petit son nids comme s'il ne comptait plus jamais me quitter.

- Je crois que j'ai tout gâché, murmuré-je dans son oreille, encore secouée par des pleurs incessants.

- Avec Sam ?

Cette remarque me calme instantanément. En guise de réponse, je me contente de lui donner une vague tape contre l'épaule. Évidemment que non, je ne parlais pas de lui ! Le seul fait d'avoir cette pensée me donne des hauts le coeur.

- Oui bon ok, j'aurais dû m'en douter, réplique-t-elle tout en levant les yeux au ciel. Mais je ne sais pas... Je te trouvais différente ces derniers temps. On ne s'est jamais aussi peu parlé toi et moi.

À ce moment précis, je me rends compte à quel point mon amie a raison. Je n'ai pensé qu'à mon travail et d'autres choses sans importance. C'est ce que j'aimerais tout du moins réellement penser. Le fait est que je n'ai pas d'explication rationnelle à lui donner. J'ai la nette impression que tout s'est déroulé tellement vite durant ce dernier mois que je n'ai même pas eu le temps d'assimiler les événements afin de pouvoir en tirer des signaux d'alerte.

- Je parle de mon travail, Alda. J'ai tout gâché et Sam en a profité pour m'enfoncer davantage. D'après les dires de Matt, mon travail intéressait Emma. Sauf que Sam a tout fait pour ne pas me mettre au courant. Et je me retrouve là, comme une putain d'idiote avec une suspension qui me pend au nez...

Celle-ci me regarde avec des gros yeux, mi-amusée, mi-agacée. Cette situation n'a rien de drôle, bon sang ! Ils ont tous décidé se liguer contre moi ou quoi ? Elle croise alors ses bras tout en me fixant avec insistance.

- Depuis quand, la grande Chloé Jones se laisse-t-elle abattre par un petit arriviste de première ! Non mais je rêve là, qu'est-ce qu'il t'arrive ? Ce n'est sûrement pas en rechignant que tu vas parvenir à surmonter ce petit obstacle, dit-elle sans détacher son regard une seule seconde.

Ses paroles résonnent en moi telles des lames tranchantes que je ne peux éviter. Cela blesse mon orgueil mais la vérité de ses mots transpercent toutefois ma sensibilité. Alda a le don de réveiller mes espoirs à première vue déchus, ne s'avérant en réalité qu'endormis.

- Mais là, tout est différent..., tenté-je dans un énième soupir.

- En quoi au juste ? Tes sentiments t'empêchent de poursuivre ton rêve de gamine ? Arrête de te plaindre et va saisir la chance qu'on a tenté de t'enlever afin de leur montrer qui tu es.

Bien que je ne veuille admettre qu'elle a raison, je sais au plus profond de moi que c'est le cas. En l'espace d'une fraction de secondes, je voulus lui répondre qu'employer le terme « sentiment » était un peu fort mais après avoir fondu en larmes devant elle, je dois avouer que ce ne serait que lui donner une occasion supplémentaire de m'assaillir d'une phrase assassine.

- Mais il est hors de question que je parle à Sam, répliqué-je toujours éprise d'une colère noire.

- Qui a parlé de Sam ?, me questionne-t-elle, un sourire malicieux aux lèvres, tout en me tendant le téléphone portable que j'avais lâchement abandonné au fond de canapé. Réveille la battante qui est en toi d'une autre manière.

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