Mon regard se perd entre ma droite et ma gauche, essayant de comprendre quel genre de relation Madame Miller et mon propre père entretiennent. L'espace d'un court instant, l'idée selon laquelle Sam ne serait peut-être en rien fautif dans toute cette histoire me traverse l'esprit. Il faut dire que je suis tellement bouleversée d'être encore traitée comme une enfant que mon sens logique semble avoir abandonné le navire. Cela n'excuse de toute façon en rien la manière dont il a pu me traiter.
- Ne me dis pas que..., haussé-je petit à petit la voix.
Au même moment, celui-ci m'entraine dehors, marchant d'un pas déterminé tout en me tenant fermement par le bras. Cet acte me déstabilise quelque peu ; comment peut-il se montrer aussi glacial et voir en chacune de mes paroles une menace pour son semblant d'autorité ?
- Lâche-moi !, crié-je à présent en me détachant de son emprise.
- Cesse donc de hurler comme une folle à lier, bon sang, jure-t-il entre ses dents.
Avec la délicatesse dont il a si souvent su faire preuve, la déception qu'il éprouve de me voir ici se lit sur son visage comme dans un livre ouvert. Jamais je n'aurais pu imaginer que le simple fait de croiser mon père par hasard lui donnerait l'envie irrésistible de me jeter comme une malpropre d'une propriété n'étant même pas la sienne.
- C'est pour ça que tu m'as sermonné d'avoir entretenu une relation ou que sais-je avec Sam ?, m'indigné-je de plus belle, pointant nerveusement sa maîtresse d'un abrupte geste de la main.
Je me contre fiche royalement du tord que pourrait lui causer le haussement de ton de ma voix. Il se permet de gâcher ma vie tout en souhaitant que sa gentille petite fille reste à sa place ? Seigneur, retenez-moi avant que je ne me jette sur lui comme une malpropre. À vrai dire, plus rien ne me retient réellement si ce n'est la politesse dont j'ai toujours su faire preuve, même si l'envie folle de parfois la balancer par la fenêtre est loin de me manquer.
- Ton inconscience est la raison pour laquelle elle a bien fait de me tenir au courant de votre liaison, commence-t-il avant que je ne m'empare subitement du verre qu'il tient à la main afin de lui lancer l'ensemble de son contenu à la figure.
- Très bien. Je crois que nous n'avons plus rien à nous dire, conclus-je tout en prenant place au volant de ma voiture.
Le bruit du moteur cache instantanément les paroles qu'il commence à prononcer sans que je ne lui jette le moindre regard. Tout en prenant de plus en plus de vitesse, la réalité me quitte pour laisser place à la sensation que j'avais pu ressentir lors de la virée en karting. Je comprends à présent ce que Sam cherchait à fuir lorsqu'il prenait place sur la piste, ou plutôt ce qu'il cherchait à créer. Ce goût du risque amène à celui de l'indépendance, nous propulsant dans un univers bien gardé n'appartenant qu'à nous.
Tout devient soudainement plus limpide dans ma tête. Il ne cherchait en réalité qu'à me protéger d'un énième conflit. Sa mère demeurait l'autre inconnue à l'équation utile pour résoudre ce qui dérangeait tellement mon père. Si son souhait est de construire une nouvelle vie, au dépend de son ancienne femme comme de sa propre fille, alors très bien. Je ne chercherai plus à comprendre ses manigances, je ne m'interposerai plus en obstacle sur son chemin. Le trait sera tiré sur lui bien avant qu'il n'ait la chance de le faire.
Tandis que je me gare précipitamment devant la maison, la Cadillac noire de mon géniteur prend place derrière moi de la même façon. J'étais tellement aveuglée par ma colère que je n'ai même pas pris la peine de prendre conscience de sa présence le long du trajet.
- J'aurais dû me douter que tu viendrais ici, peste-t-il entre ses dents tout en me suivant jusque sous le porche.
Je me retourne aussitôt que son venin sort de sa bouche, claquant désespérément la porte me faisant face du pied, avant de farouchement me retourner.
- Et alors quoi ? Tu aurais préféré que je dorme dans la rue ?, m'égosillé-je. Sale égoïste que tu es ! Ça te plait de te pavaner chez les mondanités et pleurer sur la mort de ma mère lorsque tu souhaites récolter des fonds ? Tu ne sais que montrer un semblant d'empathie pour la superficialité que constitue ton enveloppe mais où est donc passé celui qui m'emmenait marcher le long de la Seine, qui faisait rire maman avec ses conneries ?
- Tout ce que je voulais était de te protéger du monde merveilleux dans lequel tu vis constamment. La première chose que tu as faite, après son enterrement, était de t'enfermer dans ta chambre pour rédiger je ne sais quel poème...
- Oh mais tout s'éclaire ! Voilà une raison suffisante pour ne pas s'occuper de son enfant !, le coupé-je.
Mon visage s'enflamme à présent au moindre son parvenant jusqu'à mes oreilles, tandis que ma vue se brouille au rythme de la lave bouillonnant en moi. J'ai l'impression que tout le monde prend un malin plaisir à se moquer de moi à l'aide d'excuses toutes plus bidons les unes que les autres.
- Laisse moi terminer, merde ! Ton comportement a mis non seulement ma société en péril mais aussi l'honneur de ta mère. Et tes fréquentations n'ont fait qu'alimenter tout le mal que ta présence cautionnait. Je ne pouvais pas me permettre de laisser ce minable escroquer tout ce dont j'ai eu tant de mal à garder érigé.
Son expression est à nouveau devenue impassible, tandis qu'il continue à débiter un discours fraichement prémédité afin de se donner bonne conscience.
Alors que je m'apprêtai à m'enfermer sans lui laisser une seule chance de me rejoindre, j'entends la voix d'Alda au loin. Cette dernière s'empare de la valise que sort Matt du coffre du taxis, avant de me faire de grands signes de sa main libre.
Tout en s'avançant tout deux dans notre direction, mon père se jette soudainement sur Matt, envoyant ses valises valser de la même façon que son corps percute violemment le bitume. Mon expression de peur mélangée à celle de l'étonnement croise celle de ma meilleure amie. Nous restons toutes deux stupéfaites face aux deux garçons semblant prendre un malin plaisir à s'entretuer devant nous.
- Tu es complètement ravagé à la fin !, hurlé-je à plein poumons tandis que je me précipite sur lui afin de tenter de dégager l'immensité du poids de son corps étendu sur celui du frère de Sam.
Mon bassin percute alors instantanément le sol, la rage l'animant ignorant totalement la violence avec laquelle je suis tombée par sa faute à la renverse. À cet instant précis, la seule chose que je désire est de me réfugier dans les bras de celui auxquels j'ai été injustement arraché dans l'unique but, encore une fois, de nourrir un stupide et vieil égo.
- Comment oses-tu te pointer ici sale petit con, crie-t-il à son tour sans lâcher le col de son polo qu'il tient fermement entre ses deux poings. Ça ne t'a pas suffit de finir la tête la première dans la barrière de sécurité ?
Et alors que ses mots me percutent de plein fouet, la machination semblant s'être abattue sur moi ces derniers jours commence petit à petit à s'éclaircir.
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Obsession
RomanceChloé incarne l'archétype même de la travailleuse obstinée. Jeune, ambitieuse et passionnée, tout la promet à un avenir radieux. De Los Angeles en passant par Paris, elle espère exceller dans ses études afin d'arriver à la tête d'une des plus grande...