• CHAPITRE VINGT-SIX •

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Une petite heure s'est écoulée depuis le départ de Matt mais j'ai cependant l'impression que cela en fait dix

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Une petite heure s'est écoulée depuis le départ de Matt mais j'ai cependant l'impression que cela en fait dix. La nuit est à présent tombée et bien que les étoiles me dictent d'aller dormir pour être en forme afin d'affronter le pire demain, je ne peux tout simplement pas me résoudre à cette idée. Ma tête semble prise dans un étau, tandis que ma respiration se coupe au moindre bruit. Tout signe extérieur ne pourrait que m'aider à trouver un plan d'action afin de me relever.

Le nom d'Alda s'affiche soudainement au rythme de la sonnerie retentissante de mon téléphone. J'hésite un instant à décrocher mais la lumière surgissant de ce petit appareil m'agresse brusquement les yeux lorsque je le prends entre mes mains.

- C'est urgent à quel point ?, la questionné-je tout fronçant les sourcils.

Au bout du fil, le silence se fait pesant. Je n'entends que les soupirs de mon amie, entrecoupés de vifs sanglots qu'elle laisse s'échapper sans hésiter. Je regrette instantanément mes paroles agressives. La surprise face à cet élan de tristesse me submerge au même moment. Je me relève brusquement de mon lit, tout en faisant les cents pas dans la pièce.

- Il... Il y a eu un accident Chloé, tente-t-elle d'énoncer distinctement.

Sans réfléchir davantage, je me précipite en direction de mon armoire afin d'en tirer le premier pull-over et jogging qui en sort. Je les enfile en quatrième vitesse, tout en m'emparant des clefs de ma voiture. Une boule d'énergie bien trop puissante se forme dans le creux de mon ventre. Par pitié, dites-moi qu'Alda n'a rien. Ce sont toutes mes espérances à cet instant précis.

- Dis-moi que tu vas bien, s'il te plait, soufflé-je difficilement.

Tout-à-coup, le temps ne s'écoule plus aussi lentement que quelques secondes auparavant. Au contraire, j'ai l'impression d'avoir sauté dans un ravin temporel dont les événements ne seraient qu'une rapide succession ne me permettant pas de distinguer le réel de la rêverie.

- C'est Matt. Il a eu un accident de voiture. Nous sommes à l'hôpital Bichat.

« Nous » ?

Ma respiration se coupe abruptement, tandis que mes jambes se mettent à trembler. Ce n'est pas possible. Il était à mes côtés il y a à peine quelques minutes. D'une main maladroite, je lâche mon téléphone dont l'écran déjà fissuré se casse définitivement sur le parquet de ma chambre. Je ne peux pas y croire.

Je me tape alors vivement la tête de ma paume à présent libre. La seule envie qui m'habite est de m'arracher les cheveux pour l'avoir laissé partir dans une telle colère après lui avoir demandé de venir me voir. Mon égoïsme a donc fini par faire une victime. Sans chercher à savoir comment lui se portait, j'ai tout bonnement fait passer mes questionnements avant ses inquiétudes. Mes incompréhensions se trouvent alors emportées dans le tumulte d'indifférence emportant mes problèmes actuels. L'idiote que je suis a bien évidement jeté son portable comme toute personne saine d'esprit.

- Bordel ! Qu'est-ce qui ne va pas chez moi à la fin ?, me mis-je à hurler, seule, dans un appartement bien trop sombre.

Je m'empresse toutefois de me diriger à l'extérieur afin de me rendre en quatrième vitesse à l'hôpital. Les rues sont étrangement vides. Le bruit du moteur, quant à lui, résonne d'une manière si morose que je ne trouve rien de mieux que d'accélérer la cadence en roulant comme une folle dans les rues de Paris. Les lumières citadines défilant sous mes yeux ne possèdent plus le même goût de poésie que je prends d'habitude plaisir à contempler. Je suis violemment descendue de mon petit piédestal ridicule sur lequel je m'étais pourtant promise de ne jamais monter ; mon père en faisait déjà bien trop de son côté pour que je ne l'imite.

En arrivant face au bâtiment surplombé de tours ne possédant que le don de me donner le vertige, je me précipite vers Alda assise sur le trottoir, la tête posée sur les genoux. Tout-à-coup, une seule question domine mes autres pensées : comment se fait-il qu'elle ait été au courant de cet accident bien avant que je ne le sois ?

Celle-ci relève alors son visage vers moi. Je ne distingue que son mascara ayant coulé le long de ses joues, tandis que ses yeux sont si rouges que j'en déduis qu'elle pleure depuis un bon bout de temps. Ce n'est en effet pas le moment de lui demander le pourquoi du comment de cette situation plus que troublante. Elle ne semble avoir besoin que d'un soutient moral et moi, je ne désire que m'excuser auprès de Matt des dégâts que j'ai bien pu causer. Seulement si j'en possède encore l'occasion...

- Il est en réanimation. Nous devons encore attendre, prononce-t-elle tout en m'accompagnant vers la salle d'attente dont les sièges sont à moitié occupés.

Elle pose alors sa main droite sur la mienne, le regard plongé dans le vide. La femme positive en toute circonstances que je connais semble s'être perdue dans les profondeurs des ténèbres. Il faut dire que la situation ne lui en offre pas réellement l'occasion. De mon côté,  j'ai beaucoup de mal à comprendre ce qu'il se passe exactement derrière mon dos. À cet instant, je ne me sens que plus nulle d'avoir été aussi aveuglée par mes petites affaires personnelles, au point d'en avoir oublié celles de ma meilleure amie.

- C'est avec Matt que j'ai couché l'autre soir, lance-t-elle afin de briser la glace.

La première réaction surgissant est celle d'étouffer un rire. Elle me regarde alors de ses yeux bouffis par la tristesse tout en enlevant subitement sa main de la mienne.

- Qu'il y a-t-il de drôle au juste ?

Les paroles réconfortantes me venant en tête se retrouvent subitement écartées par un rire plus puissant et que, cette fois-ci, je ne peux contrôler. La vérité est que je n'ai qu'une seule envie : pleurer dans ses bras afin d'évacuer toutes les pensées insensées me submergeant. Mais rien n'y fait, je ne peux plus m'arrêter, à tel point que j'en ai douloureusement mal au ventre. Les personnes présentes dans la salle d'attente me lancent des regards noirs au fur et à mesure que je me tords sur ma chaise, tout comme Alda qui prend toutefois la sage décision de m'entrainer un peu plus loin.

Elle esquisse alors un sourire tout en me serrant contre elle, passant délicatement ses mains dans mes cheveux jusqu'à ce que les larmes que je retenais depuis maintenant bien trop longtemps jaillissent à toute allure. Je suis à bout de force, complètement perdue face à la situation paraissant tout sauf vraisemblable. Tout est arrivé si vite en l'espace d'un week-end que je ne sais plus où donner de la tête. D'abord Sam, ensuite le contrat et maintenant cet accident...

- Tout est de ma faute, je suis tellement désolée, sangloté-je au creux de son oreille.

- Ne dis pas de bêtises, rien n'est de ta faute, chuchote-t-elle à son tour.

Un médecin vêtu d'une blouse blanche s'approche alors de nous, de manière à freiner nos émotions de la même façon que notre étreinte. Son air maussade n'annonce rien de rassurant et ne fait, au contraire, que renforcer le caractère anxiogène de cette atmosphère pensante que me procurent si bien les établissement médicaux.

- Monsieur Miller va se rétablir. Il a toutefois besoin de beaucoup de repos. Voici un papier que vous devrez remettre à votre sortie, attestant de la présence d'une aide afin de le raccompagner jusqu'à chez lui, prononce-t-il d'un ton reflétant l'expression de son visage tout en nous tendant le papier à pré-remplir.

Tandis que ce dernier s'éloigne, la feuille dont Alda vient de s'emparer se retrouve précipitamment arrachée de ses mains. Mon coeur fait un bond inopiné dans ma poitrine lorsque j'aperçois Sam, un coquard cernant son oeil gauche et sa lèvre inférieure légèrement ouverte. Mon amie le dévisage un instant avant que celui-ci ne prononce :

- Merci mais je vais m'occuper de ça moi-même. Si vous permettez, dit-il tout en se frayant un chemin entre nous deux afin de se diriger vers la chambre occupée par son frère.

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