• CHAPITRE SEPT •

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Le dîner s'est terminé dans un calme olympien

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Le dîner s'est terminé dans un calme olympien. Je ne faisais qu'observer Sam en chien de faïence, ne sachant comment interpréter ses regards insistants et son expression faussement concentrée. Après cela, les heures se sont écoulées étonnement vite jusqu'à la soirée de charité. Il faut dire que le voyage m'avait épuisé et que je m'étais endormie soudainement, dès la seconde où ma tête rencontra les coussins.

En arrivant sur le lieu de la réception, je découvre, surprise, une maison aux allures de château. La salle réservée aux convives donne directement sur la plage, sur laquelle nous pouvons observer les vagues déferler au rythme des conversations des invités. De grandes tables rondes sont disposées dans une géométrie parfaite, elles-mêmes placées face à une scène encore cachée d'un rideau de velours rouge. Les convives sont élégamment vêtus, peut-être même un peu trop. La moitié des femmes de cette pièce semblent avoir fait un tour du côté du bistouri. Leur visage est figé alors que leur cou est si ridé qu'il me fait vaguement penser à une feuille de papier que l'on aurait jeté en boule dans une poubelle avant de la déplier pour la remettre à plat sur le bureau. Je me fais alors la promesse intérieure de ne jamais devenir aussi superficielle que la majorité présente dans cette ville. Car à mon grand étonnement, même les hommes ne présentent pas de grands atouts naturels : leur peau est à mon goût beaucoup trop passée sous les UV. Ils ressemblent à des petites oranges sur pattes se baladant de groupe en groupe. Cette image burlesque me fait spontanément sourire. Il faut vraiment que j'arrête de placer mon imagination sur chaque chose qui m'entoure, surtout si je désire éviter de passer pour une incapable prétentieuse. Les faux pas sont rarement pardonnés dans ce milieu.

- Vous vous amusez bien Mademoiselle Jones ?, demande Sam tout en posant délicatement sa main au bas de mon dos.

Ce contact provoque instantanément une vague de frissons le long de ma colonne vertébrale. La robe que je porte ce soir présente un dos nu qui ne m'aide pas vraiment à convaincre mon corps d'arrêter ses caprices. Je souligne tout de même que le costume bleu nuit que mon patron porte ce soir lui sied divinement bien. Cela fait ressortir ses yeux verts clairs parsemés de petites pointes dorées. Je ne l'avais jamais remarqué auparavant mais dans ses yeux scintillent un brin de malice, lui donnant de ce fait un certain air enfantin. On est ici loin de l'image de l'homme ferme et indomptable qu'il a pu donner jusqu'ici.

- On peut dire ça, réponds-je tout en m'écartant spontanément.

Sans ne rien ajouter de plus, celui-ci s'approche à nouveau de moi afin de me chuchoter :

- Vous ne devriez pas faire votre sauvage. Cette soirée est l'occasion de rencontrer du monde.

J'acquiesce instinctivement dans l'espoir que son corps s'éloigne du mien. Je ressens un trop plein d'électricité qui me met parfaitement mal à l'aise. Il a cependant raison, je ne devrais pas me fermer de la sorte et remarquer le moindre défaut présent chez chacun d'entre nous. Après tout, je ne connais pas ces gens-là et étant désireuse de persister dans mon domaine, je risque d'être conviée à ce genre de petit comité bon nombre de fois.

- Que proposez-vous ?, continué-je, admettant pleinement que je ne sais absolument pas quel comportement adopter en présence de ce beau monde.

- Venez, je vais vous présenter à quelques-uns de mes amis.

Il s'empare alors de mon bras et nous avançons tout droit vers trois hommes d'un certain âge, accompagnés de leur femme. Tandis que lui semble marcher la tête haute, je sens que de mon côté, tout mon corps est susceptible de s'écrouler d'un instant à l'autre. Je connais certes les qualités requises concernant le poste de mon père mais je ne me suis jamais réellement intéressée à l'importance du réseau que l'on se crée pour un métier de tel envergure. J'ai, à vrai dire, toujours grandi dans une sorte de cocon, celui que ma mère m'a légué : la tête dans les livres et un stylo à la main. J'étudiais, je recopiais sans cesse les vêtements de tel ou tel magazine et les accompagnaient d'un petit commentaire parsemé de fautes d'orthographe du haut de mes jeunes années. Mais à présent, il est temps d'écouter les conseils auquel je n'ai jamais eu réellement droit.

- Bonsoir Chloé. Tu es venu avec ton père ce soir ?, demande l'homme du milieu, tenant un verre de ce qui semble être du whisky à la main.

Je jette spontanément un coup d'oeil aux personnes m'entourant. Le fait d'entendre « ton père » me fait froid dans le dos. Ce ne peut qu'être une erreur et je ne peux de toute façon pas me laisser intimider par la moindre parole sortant de la bouche de ces parfaits inconnus. Sam aperçoit toutefois mon malaise et intervient en ma faveur :

- Non Monsieur Wanderwoodsen, nous sommes venus ensemble, confirme-t-il tout en accueillant la main de l'interlocuteur d'une poignée chaleureuse. Comment marche les affaires en ce moment ?

- La côte de mon affaire a chuté de deux points mais heureusement que je garde un oeil sur ces petits apprentis de Wall Street, prononce-t-il dans un rire un peu trop enjoué à mon goût.

La profusion de voix se trouve alors soudainement coupée par la vive ouverture du rideau, donnant naissance à l'immensité de la scène s'offrant aux yeux de chacun. Un projecteur se braque sur la personne se tenant en son centre, un micro à la main. Mon père se tient là, face à tous, un grand sourire au visage voulant signifier qu'il ne sait absolument pas que sa fille se trouve en ce moment même sous ses yeux.

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