Aline
Je m'approche à pas comptés de Fenris qui semble à la fois déboussolé et prêt à en découdre avec n'importe qui. Pour tout avouer, en cet instant, il me fait peur. J'ose pourtant m'agenouiller à sa hauteur sans pour autant tenter de le toucher. Poser une main réconfortante sur son épaule comporte un risque extrêmement élevé de finir manchot pour le moment.
- Ça va ?
Question idiote. Il est évident qu'il ne pète pas la forme. Pourtant, il prend une grande inspiration et se relève, effaçant les dernières traces de larmes de son visage avant de reprendre ce masque impassible qu'il enfile dès que son cœur saigne.
- Oui, ça va. Et toi, ils ne t'ont rien fait ?
Son regard me détail de la tête aux pieds et je baisse la tête, honteuse en me rappelant les derniers événements. J'ai cédé. J'ai accepté l'oubli plutôt que la douleur et la culpabilité. J'ai accepté de laisser ma mère et Fenris mourir pour ne plus me sentir coupable. Je suis un monstre.
- Hey, fillette, qu'est-ce qu'il se passe ?
Son regard inquiet cherche à décrypter mon expression, et je me sais au bord des larmes. Mais ça suffit. On a eu assez de larmes pour le reste de cette aventure. Je secoue la tête et reprend mes esprits.
- Rien, reprenons la marche, nous ne sommes pas encore au bout de nos peines.
Le démon me suit sans rien dire, mais je sens son regard inquisiteur dans sur ma nuque.
- Dis-moi ce qu'ils t'ont fait, insiste-t-il.
Je soupire d'agacement et de lassitude avant de me retourner, énervée contre lui, contre moi et contre le monde entier.
- J'ai cédé, ok ? J'ai accepté de vous laisser mourir tous les deux pour que ma petite personne ne souffre pas. J'ai été la pire des égoïstes et je me sens comme une moins que rien. Sûr que même ces fleurs-serpents se seraient entraidés, mais moi, non ! Moi, je refuse d'affronter la réalité, je me laisse embobiner par le premier monstre venu, et je me cache dans mon terrier dès que les ennuis commencent à pleuvoir ! Je... Je...
Ça y est, des larmes dévalent mes joues à toute vitesse et je suis secouée de sanglots.
- Je vous aurait laissés mourir pour ne pas souffrir... Je serais restée là, à attendre un futur qui ne se produira peut-être jamais et vous abandonnant tous les deux... dis-je, la voix entrecoupée de soubresauts douloureux.
Fenris laisse échapper un faible soupire avant de me prendre dans ses bras. Si je suis un instant surprise, mon étonnement est rapidement balayé par le torrent de mes larmes de dépit. Je me dégoûte.
- Écoutes, ces monstres, ces Serpenterres se servent des peurs les plus profondes, des regrets les plus amères et des doutes les plus perfides pour te forcer à tout abandonner. Tu as cédé parce qu'ils sont parvenus à étouffer tout l'espoir que tu avais conservé. C'est ce que nous faisons. Tuer n'est pas drôle. Hanter et détruire, c'est notre passe-temps favoris. Ces créatures existent pour faire ressortir ce qu'il y a de pire en chacun de nous. Tu as cédé parce que tu n'arrivais plus à voir au-delà de ce qu'ils t'ânonnaient. Tu n'es pas un monstre, Aline, tu es humaine. C'est ta plus grande force. J'aurais pensé que ta grand-mère t'aurait au moins appris ça, dit-il sur un ton plus amusé qui accomplit le miracle de m'arracher un sourire triste.
Il s'écarte de moi et chasse mes larmes de mon visage de son pouce.
- Les regrets et la culpabilité sont des émotions négatives qui donnent du pouvoir aux démons inférieurs comme les Serpenterres. Reste celle que tu as toujours été, ne te laisse pas embobiner par nos belles paroles et tout ira bien.
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Ex Nihilo -2- Si vis pacem, para bellum
ParanormalSoixante ans après les aventures de Fenris, Gabriel et Angélique, les Enfers sont au plus mal. Et quand le Mal va mal, la Terre doit s'attendre au pire. Plus encore lorsque l'on est l'une des dernières Filles de la Terre. Aline, jeune Fille de la Te...