XXIX- Evasion furtive

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Aline


Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là, mais le temps importe peu désormais. La seule raison pour laquelle je peux me réjouir, c'est que je suis avec ma mère et qu'elle va bien, bien qu'elle soit complètement frigorifiée elle aussi.

Nous sommes blotties l'une contre l'autre, assise sur un banc de bois rendu moins inconfortable par quelques coussins rembourrés de plumes d'oies. Le sol est propre, le mobilier acceptable voire parfaitement correcte, nous avons la lumière du jour et même un faible courant d'air provenant de la prairie sauvage où s'amusent quelques créatures que nous ne pouvons voir. Tout serait absolument parfait s'il n'y avait pas de sortilèges gravés dans les murs nous empêchant d'user de magie, s'il n'y avait pas ce champ de force nous cloîtrant à l'intérieur, et s'il n'y avait pas deux gardes armés jusqu'aux dents devant la porte fermée à clef, naturellement.

Aucune de nous n'a versé ne serai-ce qu'une seule larme. Nous sommes peut-être prisonnières, mais cela ne doit pas nous ôter notre fierté ! Les retrouvailles ont donc été chaleureuses, mais contenues. Nous laisserons l'émotion nous submerger quand nous aurons trouvé un moyen de quitter cet endroit maudit à jamais et pas avant.

Je suis plongée dans une intense réflexion quand une voix familière perce de derrière la porte de bois brute. Eyna...

Je me rapproche à pas de loups et tente de comprendre ce qu'elle dit aux gardes de faction.

- Messieurs, je ne fais que transmettre un message, inutile de me demander à moi de quoi il retourne ! Son Altesse le Prince a convoqué votre supérieur qui vous convoque à son tour, qu'y puis-je ? Je ne suis que le messager... Mais, si j'étais à votre place, je ne traînerais pas. Se faire convoquer par son supérieur n'est jamais agréable, mais si ledit supérieur a préalablement été convoqué par son propre supérieur, il vaut mieux filer droit et faire ce qu'on vous dit !

- Mais nous ne pouvons pas laisser la porte sans surveillance ! Sa Majesté elle-même nous a ordonné de ne quitter notre poste sous aucun prétexte. Si le capitaine veut nous voir, qu'il vienne, je ne compte pas perdre ma tête pour un sermon de sa part quand j'aurais dû rester à ma place.

Je sens sans la voir que Eyna perd toute patience.

- Bien, écoutez-moi bien, gronde-t-elle, vous allez filer là où vous êtes demandés sans faire d'histoires ou il se pourrait que vous le regrettiez.

- Sauf votre respect, ma Dame, nous ne quitterons pas notre poste, et certainement pas sous la menace.

Je devine que Eyna tente de reprendre son calme en affichant un de ses terribles sourires séducteurs et innocents.

- Très bien, je comprends votre décision. Après tout, on ne désobéit pas à sa Majesté sans en subir les conséquences. J'en informerai le capitaine. Sur ce, je vais vous laisser. Je vous souhaite à tous deux une excellente soirée !

J'imagine qu'elle s'éloigne tout en parlant car sa voix s'efface peu à peu. Pourtant, quelques secondes plus tard, elle se rapproche à nouveau.

- Pardonnez-moi, messieurs, mais je suis terriblement dénuée de tout sens de l'orientation... Je suis horriblement gênée de vous demander cela, mais l'un de vous pourrait-il me montrer le chemin pour retourner au Grand Couloir ? Mon guide de tout à l'heure a dû se lasser de m'attendre et m'a plantée là...

J'imagine sans peine sa petite mine perdue et sa moue attristée à faire fondre le cœur d'une pierre. L'un des gardes pousse un profond soupire avant de baisser les armes devant ce visage enjôleur.

- Très bien... Mais ne traînez pas !

- Bien entendu, cela va de soi ! Je vous suis extrêmement reconnaissante ! Si je peux faire quoi que ce soit pour vous remercier, je...

Ex Nihilo -2- Si vis pacem, para bellumOù les histoires vivent. Découvrez maintenant