XX- Succubes

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Aline

Nous continuons à marcher aussi vite que faire se peut. Je suis totalement subjuguée par tout ce que je vois, un peu comme un enfant le jour de Noël. Pour sa part, Fenris semble tendu à se rompre. Chaque recoin recèle un potentiel danger mortel pour la Fille de la Terre que je suis, je le sais... Ce qui ne m'empêche pas de profiter du paysage, le nez au vent.

- Où courez-vous ainsi ? susurre soudain une voix tout près de nous.

Fen se retourne vivement, me plaçant rapidement derrière son dos dans un geste protecteur. C'est une protection dérisoire étant donné que nous sommes sur le territoire des créatures les plus envoûtantes de la planète et qu'elles peuvent toutes charmer à distance, mais c'est déjà ça... Peut-être auront-ils plus de scrupules à s'attaquer à leur prince... Même si j'en doute fortement.

- Qui va là ! lance durement le démon brun, prêt à riposter quelque soit la nature de l'attaque qui se profil.

Un petit rire charmant s'élève d'un arbre derrière lequel se dessine une silhouette en ombres chinoises.

- Pourquoi tant d'empressement, Altesse ? Vous et votre compagne mortelle pourriez rester un peu... Vous pourriez vous reposer après votre si long périple... Je suis sûre que vous êtes affamés, tous les deux...

Elle n'est pas seule. Je le sens. Autour de nous, au moins sept succubes et incubes se dissimulent derrière le feuillage touffu des arbres verdoyants.

- Montrez-vous, je ne me répéterai pas, les relance-t-il froidement.

De nouveaux rires résonnent autour de nous.

- Votre Altesse, vous êtes si autoritaire tout à coup... ronronne la succube derrière l'arbre.

- Si vous ne voulez pas vous amuser, peut-être votre délicieuse humaine voudra-t-elle bien venir jouer avec nous ? renchérit un homme à la voix grave et posée à notre gauche.

Fenris se retourne vivement, attrapant mon poignet au passage et me serrant si fort que je suis quasiment certaine d'avoir une marque. Je sens la tension qui l'habite. J'aimerais l'aider, mais si je ne vois pas nos assaillants, comment savoir où propulser ma magie ? Tenter de filer à l'anglaise est également exclu, je ne connais pas les lieux, nous serions à découvert, et je ne doute pas que chaque brin d'herbe recèle un danger potentiellement fatal.

- Ne t'éloigne surtout pas de moi, quoi qu'il arrive, c'est comprit ? lance finalement le démon aux yeux de soleil.

Je hoche vivement la tête, concentrée au maximum. Je l'aiderai, si je le peux. Il m'a protégée jusqu'ici, alors je peux bien faire quelques efforts pour nous garder tous les deux à peu près en sécurité.

Fenris recentre son attention sur les ombres mouvantes derrières les arbres luxuriants.

- Montrez-vous ou allez-vous en, c'est un ordre ! lance-t-il d'une voix dure.

Encore ces rires retenus. Fenris prend une profonde inspiration. Dans ce monde, peu importe que l'on soit armé ou non. Tout ce qui compte, c'est la puissance. Je le sais, je le sens. L'Héritier se redresse alors, adoptant une posture fière. Je ne dois pas oublier qu'ici, tout ce qui compte, c'est le paraître. Rien d'autre ne fait loi.

Mon bras toujours prisonnier de sa poigne de fer, je le regarde fermer un instant les yeux, appelant toute sa puissance à lui. L'air se met à crépiter, le sol à trembler, le ciel à s'obscurcir. Les arbres grincent douloureusement tandis que les petits rires se transforment en cris surprit. Fenris tend la main vers celle qui l'a défié en premier et plie légèrement les doigts. Aussitôt, elle se fige, tombe à genoux, une main sur le cœur, l'autre sur sa gorge, le souffle coupé et le cœur éclaté. Elle s'effondre au sol, ses grands yeux ambrés ouverts à jamais dans une expression terrifiée, ses lèvres pulpeuses laissant échapper une rivière de sang sur sa crinière blonde. L'incube qui a parlé ensuite, sans doute un ami ou un compagnon de "jeu" de la jolie blonde étendue sur le sol, sort soudainement de sa cachette et se jette toutes griffes dehors sur Fenris qui, le dos tourné, ne voit pas le danger arriver. Je tends mon bras libre vers la créature qui effectue un bond prodigieux. Un bras au-dessus de ma tête, je sens une puissance étrangère crépiter sous ma peau. Je m'en empare et lance un puissant sortilège sur l'incube qui tombe au sol, mort sur le coup, carbonisé. Les autres vident les lieux sans demander leur reste. Les démons ne persistent jamais dans un combat perdu d'avance.

Ex Nihilo -2- Si vis pacem, para bellumOù les histoires vivent. Découvrez maintenant