XIX- Aux Enfers

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Aline

Nous marchons encore plusieurs heures avant de finalement arriver à destination.

- On y est, dit simplement Fenris.

Seulement voilà, devant moi, seuls les arbres rachitiques et les rochers tranchants qui parsèment le chemin depuis le début de cette folle aventure sont visibles.

- Et, on est où, exactement ? demandé-je, peu sûre de moi.

Le démon sourit, amusé, comme toujours.

- Donne-moi la main.

- Je te demande pardon ? m'insurgé-je.

Il n'attend pas ma permission et attrape mon poignet avant de me faire lever la tête de sa main libre. C'est alors que je la vois.

L'entrée des Enfers. Je ne saurais tout décrire. C'est à la fois beau et effrayant, magnétique mais dérangeant, déroutant. Comme si cette porte vers un monde inaccessible m'appelait tout en me repoussant.

De grandes statues gardent paisiblement la porte des Enfers. Leurs traits si fins me donnent l'impression de faire face à des géants endormis qui, d'un moment à l'autre, ouvriront les yeux. Contrairement à ce à quoi je m'attendais, ne se trouvent ici ni monstres, ni créatures difformes, ni pièges apparents, ni paysage déchiré ou désolé. Le sol gris laisse place à une roche sombre semblable à du marbre noir qui court le long d'un couloir éclairé de torches aux flammes bleues. Le tout respire la sérénité et le repos. Ici, rien d'effrayant ou de repoussant. Et c'est justement ce qui m'effraie le plus.

Cependant, un énorme détail m'intrigue...

- Fen, pourquoi tout ce qui se trouve ici est-il si luxuriant ? Nous venons de traverser un paysage à la limite du morbide et nous voilà soudain devant un lieu semblable à un palais digne d'un dieu. Cet endroit n'est-il pas censé être un lieu de mort ?

Il sourit, comme d'habitude, avant de m'expliquer cette étrangeté.

- Les démons aiment s'entourer de belles choses. Ce n'est pas parce que nous ne sommes que mort et destruction que nous aimons vivre dans des grottes insalubres et mal entretenues. Nous sommes des êtres qui accordons beaucoup d'importance au paraître, bien plus qu'à l'être. Nous aimons par-dessus tout nous vautrer dans le luxe, la beauté et l'indécence.

C'est l'évidence même. Pourtant, ce n'est pas forcément la vision que j'avais des Enfers...

Sans lâcher ma main, Fenris s'approche de l'entrée mais s'arrête juste avant de poser le pied sur la roche noire. Je ne comprends pas tout de suite pourquoi il n'entre pas, mais lorsqu'une étrange créature se détache de l'obscurité ambiante, je comprends qu'il y a un prix à payer pour pénétrer dans le Royaume Infernal.

Le minuscule petit être descend du champignon sur lequel il était perché et s'approche de nous doucement, ses petites ailes vrombissant tranquillement dans son dos. La créature diaphane ne semble pas animée de mauvaises intentions, mais j'ai appris qu'il vaut mieux se méfier de ce qui est petit et mignon. Sur mes gardes, je jette un regard à Fenris qui, lui, garde les yeux fixés sur la petite fée des Enfers.

Il incline doucement la tête, presque respectueusement. Je ne sais pas ce qu'est cette chose, mais visiblement, elle doit être plus importante qu'elle n'y paraît.

Sans un mot, Fenris tend sa main et la mienne vers la petite créature qui s'empresse de se rapprocher. Elle nous dévisage un instant avant de prendre mon index dans ses petites mains. C'est alors que je le vois. Un aiguillon très fin habille l'extrémité de sa natte bleue. Je tente de me soustraire à la poigne de fer de Fenris, mais rien à faire. Je ne sais pas ce qu'est cette chose, je ne sais pas ce qu'elle projette de faire, et je ne comprends pas pourquoi Fenris ne réagit pas alors qu'un être infernal s'apprête à prendre quelques gouttes de mon sang.

Ex Nihilo -2- Si vis pacem, para bellumOù les histoires vivent. Découvrez maintenant