Ex Nihilo -2- Si vis pacem, para bellum

X- Prémonition ?

Aline

Je n'ai jamais ressenti de telles sensations. Agrippée à la fourrure de cet immense loup noir, presque allongée sur son dos pour plus d'aérodynamisme (et aussi pour éviter les rafales de vent et les branches un peu basses), je sens chacun de ses muscles puissants rouler sous sa peau. Chaque geste, chaque propulsion... J'ai déjà fais du cheval. Ca n'a rien à voir. J'ai l'impression de faire corps avec cette bête à la fois monstrueuse et fascinante.

Là où ses appuis devraient faire craquer brindilles et feuilles mortes, seul le silence se fait maître des lieux. Je sens l'air me fouetter le visage et la vitesse faire courir l'adrénaline dans mon sang. Pour la première fois, je me sens totalement libre. Mon esprit est vide de toute inquiétude, toute angoisse. Aucune pensée ne vient parasiter ce moment hors du temps.

Je lève le regard, un sourire vissé aux lèvres. Au-dessus de nous, une vouivre passe tranquillement son chemin sans détecter notre présence. Je n'ai plus peur. Je suis sereine. Je me laisse aller...

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Nous courons toujours. Voilà des heures que je me laisse aller contre le loup énorme qui me sert de monture. Soudain, il s'arrête. Je me redresse brusquement, aux aguets.

- On y est, souffle le démon aux yeux dorés à voix basse, comme s'il craignait de réveiller quelque chose de terrible en haussant le ton.

Devant nous se dresse l'entrée d'une caverne semblable à une bouche béante. La roche blanche tranche férocement avec l'obscurité sans fond. J'ai terriblement froid. Un frisson parcours mon corps tandis que je glisse au sol, laissant le loup reprendre forme humaine. Ou presque. Enfin bref, là n'est pas la question.

J'avance doucement, suivie de près par l'immortel qui me sert de guide et protecteur. Chaque pas qui me rapproche de l'entrée me donne un peu plus l'impression de pénétrer dans l'antre de la mort. Un froid mortel me glace les os et je me mets à claquer des dents. Mon esprit s'embrouille. Je vois flou, comme si le brouillard environnant s'infiltrait dans mon esprit pour m'inviter à m'endormir à jamais.

- Fenris, je... Je me sens faible, dis-je d'une voix à peine audible tant ma lassitude est grande en cet instant.

Le démon se rapproche et me rattrape juste avant que je ne m'effondre au sol. Et il sourit. J'ai froid. Il sourit. Il approche doucement ses lèvres de mon oreille et susurre doucement :

- As-tu réellement cru que tu pouvais faire confiance à un démon, stupide fillette ?

Je me sens glisser dans une eau sans fond, ou peut-être suis-je simplement en train de laisser la mort gagner la partie ? Je ferme les yeux et...

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Je me réveille et hurle à pleins poumons alors que Fenris arrache de mon cou un être immonde aux lèvres teintées de rouge. La créature aux ailes diaphanes et aux allures de chauve-souris va s'écraser contre un tronc d'arbre qui plie sous le choc. Mais la chose ne tarde pas à se remettre d'aplomb et repart à la charge, ses longs crocs aiguisés comme des rasoirs prêts à déchirer la chair et ses griffes semblables à des serres monstrueuses attendant impatiemment de se planter dans le ventre du démon brun qui vient de l'éjecter loin de son repas. Loin de moi. Je pose brusquement une main sur mon cou et sens le liquide poisseux de mon sang sous ma paume en même temps que l'odeur métallique caractéristique prend d'assaut mon odorat. Je recule le plus loin possible en me traînant au sol, incapable de tenir sur mes jambes flageolantes, tandis que Fenris repart à l'attaque.