XXXII- Dyade

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Aline


Je regarde autour de moi, vidée de toute énergie, cherchant Fenris du regard, quand Eyna se décide finalement à me répondre.

- Il est resté en arrière... Pour couvrir notre retraite...

Je reste atterrée un instant avant de me reprendre.

- Il n'est pas sérieusement resté derrière ? C'est une plaisanterie ? De mauvais goût, certes, mais une plaisanterie ?

Elle baisse le regard tout en secouant négativement la tête.

- Malheureusement, non. Et rien de ce que j'aurais pu faire ou dire ne l'aurait fait changer d'avis.

- Par les entrailles du monde ! m'emporté-je. Comment va-t-il traverser sans notre aide, Monsieur-je-sais-tout ?

- C'est simple. Il ne traversera pas.

Je recentre mon attention sur elle, incertaine de la conduite à adopter dans une telle situation.

- Tu veux dire que tu laisserais ton prince et amant se faire réduire en cendres par sa propre mère plutôt que de faire demi-tour ?

Elle redresse la tête et plonge son regard étincelant et déterminé dans le mien.

- Ce sont les ordres de mon prince. Mes Dames, si vous voulez bien me suivre, la route est encore longue pour rejoindre le monde des mortels, et nous n'avons pas de temps à perdre.

- Mais, je... m'insurgé-je.

- Je ne veux pas que sont sacrifice soit vain ! Et je suis sûre que vous ne le voulez pas non plus. Alors en route. Plus rapides nous serons, et plus vite je pourrai revenir sur nos pas pour tenter de sauver ce qui pourra l'être.

Sans attendre ma réponse, elle s'engouffre dans le bois bourdonnant de vie qui peuple son territoire, ce même bois que Fenris redoutait et dans lequel je ne devais pas mettre les pieds.

- Tu es sûre que nous ne devrions pas suivre le chemin ? Fenris soutenait que nous ne serions pas en sécurité en dehors de la route tracée.

Elle se retourne brusquement et me fusille du regard.

- Je suis la maîtresse de ce lieu, crois-tu réellement que tu puisses avoir quoi que ce soit à craindre des créatures qui sont sous mes ordres ? Alors maintenant, cesse de tergiverser et avance avant que je ne perdre patience et que je ne t'abandonne pour aller le rejoindre.

Un regard à ma mère et notre décision est prise : on se tait et on avance.

Pourtant, au bout de quelques mètres durant lesquels nous courons presque entre les arbres, je ne peux retenir une question indiscrète.

- Pourquoi tiens-tu tant à lui ? Après tout, et désolée pour ma franchise, mais il ne t'aime pas et ne semble t'apprécier qu'à petites doses. Alors pourquoi t'accrocher ainsi ?

Elle ralentit un peu, reprenant son souffle et semblant réfléchir soigneusement à la réponse qu'elle va me fournir.

- Si je m'accroche autant, comme tu le dis si joliment, c'est parce qu'il peut m'apporter le pouvoir sur un plateau d'argent.

Une petite alarme dans un recoin de mon esprit me souffle que cette réponse est un mensonge, sinon éhonté, au moins partiel.

- Et en vérité, pourquoi ?

Elle me lance à nouveau un regard sombre avant de rendre les armes.

- Parce que je garde l'espoir qu'un jour peut-être je pourrais le guérir de son amour pour cette fille.

Ex Nihilo -2- Si vis pacem, para bellumOù les histoires vivent. Découvrez maintenant