XIV- Hessa, ou le Destin

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Aline

Je me réveille au matin, le soleil est déjà haut dans le ciel, et Fenris est introuvable. Je me redresse difficilement en passant la main derrière ma tête lourde et douloureuse. J'ai l'impression d'avoir passé une soirée un peu trop arrosée, mais ce n'est pas ce dont je me souviens. Mes souvenirs de la nuit dernière sont tachés de sang.

Je sors la tête de la tente et cherche mon guide du regard sans toutefois en trouver la moindre trace. Je n'ose pas l'appeler à voix haute, les images de la nuit passée encore bien présentes dans ma mémoire. Incapable de le trouver, je décide de sortir et de me lancer à sa recherche. Je frisonne sous la faible brise qui fait trembler les branches mortes des arbres. Ma veste et ma chemise déchirées sont posées sagement sur l'une de ces branches, séchant tranquillement dans l'air frais. Je passe la main sur le tissu fin. Ils ne sont pas la depuis longtemps, l'étoffe est encore humide. Je finis par percevoir le chuchotement d'un ruisseau au loin. Je suis le chant de l'eau et finis par trouver le démon brun. Il est visiblement en train de chasser les dernières traces du combat d'hier soir, effaçant le sang de ses paumes et de ses bras. Il n'a apparemment pas perçu ma présence. Il prélève une petite quantité d'eau dans le creux de ses mains et plonge le visage dans ses paumes, laissant l'eau froide courir sur ses traits fins. L'eau dévale ses bras, ses cheveux encore humides laissent échapper de petits ruisseaux courant sur sa mâchoire avant de se perdre sur son torse, parant sa silhouette de centaines de petits diamants liquides.

Je décide de le laisser tranquille et regagne le campement. Mais lorsque je me retourne, c'est pour faire face à une étrange créature.

Une jeune fille au visage dissimulé sous une épaisse capuche se tient tranquillement assise sur une branche basse, une tasse de thé à la main, le plus naturellement du monde. Elle ne dit rien, pas plus que les dizaines de hiboux qui l'accompagnent et me dévisagent sans retenue. Je n'ose pas bouger, fixant cette apparition étrange sans esquisser une parole. La jeune fille relève alors la tête, mais son visage est toujours caché par son ample capuche.

- Qui êtes-vous, finis-je par demander ?

L'étrange créature ne répond pas, se contentant de sourire. J'hésite à appeler Fenris. L'être n'a pas l'air d'avoir de mauvaises intentions à mon égard, mais le démon m'a prévenu de ne me fier à personne ici. Sur la défensive, je repose ma question d'un ton sans appel.

- Répondez. Qui êtes-vous.

La créature sourit toujours, mais finit par m'adresser quelques mots d'une voix douce, calme et posée.

- Qui je suis n'a aucune importance. Ce qui importe, c'est le pourquoi de la présence de l'une des dernières Filles de la Terre sur le territoire des Enfers.

Je recule d'un pas, plus tendue que jamais. Elle sait ce que je suis. J'ai utilisé ma magie hier soir, elle l'a certainement sentie. La jeune fille descend tranquillement de sa branche après avoir délicatement déposé sa tasse de thé et s'avance doucement vers moi. Je recule un peu plus à chaque pas qu'elle fait jusqu'à me retrouver adossée à un arbre moussu. Je ne peux plus que lui faire face.

- Qu'est-ce que vous voulez ? dis-je d'une voix claire et tendue où perce clairement la peur.

Je n'ai pas encore totalement récupéré de mes exploits d'hier soir et ma magie est encore faible comparée à ce que je suis capable d'accomplir en temps normal. Sans compter que cette chose qui s'avance vers moi semble sûre de sa force et de ses capacités.

- Je ne veux rien de toi. Ou du moins, rien que tu ne puisse m'offrir pour le moment. Je voulais simplement voir à quoi ressemblait une Fille de la Terre.

Ex Nihilo -2- Si vis pacem, para bellumOù les histoires vivent. Découvrez maintenant