Ada laissa tomber sa chevelure brune en une souple cascade de vagues noires qui se faufilèrent dans son dos. Les manches bouffantes de sa robe crémeuse laissait apparaitre des milliers de bracelets d'or indien et son corsage était une pâle montagne de dentelle. Ses frêles épaules impudiques de saphir étaient à découvert. Sous cette chair tentatrice, plus pâle qu'un coquillage blanc rejeté par l'océan, des veines gorgées de vin rouge battaient.
Un soupire. Elle respire. C'est une jolie bohémienne aujourd'hui. Mais ses longs doigts colorés recouvert de strass sont brulants d'angoisse.
Sur la table en bois trône un Crystal de quartz qu'elle caresses de ses petites mains rosâtres de diseuse de bonne aventure. Une prière à la Terre mère puis à la femme sauvage en elle et la voila qui descend maintenant les marches de marbre les pieds nus comme si elle se trouvait sur le sable brulant d'une plage de Bretagne. Ses yeux étranges charbonnés au couché du soleil observe la vie qui passe devant elle. Et son visage de louve se tourne vers la joie qui cabriole en un fabuleux ballet indiscret. Des femmes, pour la plupart des parisiennes, l'élégance même se promènent sur des escarpins d'une dizaine de centimètres. Leur corps souple ne vacille pas, il reste bien droit et leurs hanches se mouvent érotiquement sous ces légères couches de tissus qui enveloppent leur être. Elles dansent presque ces prêtresses tout en tenant dans leurs bras des vases emplis de fleurs cristallisées, des plats garnis de nourritures exotiques, des guirlandes féériques ainsi que des boules de Crystal et des rubans aussi doux que des pétales vivantes du mois de juin.
Alors qu'Ada rêve encore une fois, se perdant dans un tintamarre ou elle ne participe pas, une grande femme s'arrête en face de la fragile bohémienne qu'elle est. Sa tignasse blonde et lisse parsemée de brins de blé argenté cache vertueusement une épaisse poitrine habillée par un bustier de perles blanches et vertes. Dans sa main, petit nid d'oiseau, repose un coquillage nacré légèrement abimé.
"Il n'est pas là Bill?" demande la brune sans quitter du regard la foule qui passe dans un tango délicat.
Au plus grand désarrois d'Ada la femme blonde qui la dépasse d'une quinzaine de centimètres hoche négativement la tête.
Ada ferme les paupières. Elle les serre l'une contre l'autre en espérant qu'un miel sucré apparaisse et les lie à l'infini pour qu'elle ne puisse plus jamais les rouvrir. Ses lourdes larmes de jaspe ne sortiront pas. Pas cette fois. Elle ne le permettra pas. Son corps ne la trahira pas une seconde fois. Pas ce jour là du moins.
Bill, il est trop tard. Tu as fait de moi une femme heureuse autrefois. C'était avec grâce que ton corps gras se mouvait nu dans les draps de satin. C'était un rire très masculin qui résonnait dans mon âme et tu avais beau avoir une enveloppe charnelle féminine, je ne voyais en toi qu'un homme, un frère qui a fini par disparaitre. C'était un enfant fragile cachant tant bien que mal sa tristesse que je prenais dans mes bras. Maintenant il ne reste plus rien de cela. Il n'y a pourtant pas de vide en moi. Il a été comblé par des élixirs mortelles faites d'herbes, de feuilles et de fleurs des forêts, par des pierres du Niger, des diamants du Désert, des joyaux montés en boucles d'oreilles.
"Ce n'est pas grave." murmure la jeune femme. Et cette phrase résonne doucement dans la salle comme un dernier écho fatal à son passionnel amour amical.
"Après tout, les bonnes choses ont toujours une fin."
Elle soulève sa robe de mariage, descend la marche finale du grand escalier qui, vu d'en bas, semble mener à une tour perdue dans les nuages.
"Ada, tu ne lui en veux donc pas?" demande la jeune Ophélie avec un léger sourire.
"Non. Pourquoi devrais-je lui en vouloir? Ce n'est qu'un enfant et je ne peux pas en vouloir à un enfant. Ce serait cruel de ma part."
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Danse Érotique.
RandomNombreux sont les textes que j'ai écrit durant mon adolescence mais, malheureusement, peu ont survécu. La plupart ont été jetés, ou dans un élan de rébellion, brûlés. J'ai décidé de poster ici chaque texte que j'écrirai à partir de maintenant, pour...