Prologue

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Come back to us - Thomas Newman
***

3 juillet 1916, département de la Somme, Est d'Amiens

Les cris déchirants des soldats me hanteront jusqu'à la fin de ma vie. Je n'arriverai jamais à m'en défaire. Mes camarades s'agitent autour de moi, demandent aux blessés de rester éveillés, de tenir bon. Certains succombent, d'autres s'évanouissent pour échapper à la souffrance. C'est un carnage dans les tranchées, seules les tentes de soin reculées du front tiennent debout. Et c'est dans celles-ci que je me trouve.

- Willow ! On a besoin de toi ! s'écrie au loin Eileen, mon amie infirmière.

J'arrive à ses côtés et reste figée un instant : le soldat qu'elle opère sans aucun anesthésiant hurle à la mort en pleurant. Je me précipite devant lui et saisis ses épaules pour le maintenir en place. Ses yeux larmoyants me fixent tandis que son visage tuméfié et recouvert de saleté me fait face. Ses mains souillées de sang attrapent mes poignets brusquement. La jambe que l'infirmière opère n'est plus qu'un bout de chair mutilé.

- A... aidez-moi, murmure-t-il avec difficulté.

Ne parvenant pas à aligner deux mots, j'opine du chef. Me mettant alors à fredonner une mélodie apaisante, je caresse la chevelure ensanglantée de ce jeune soldat tout en le regardant droit dans les yeux. L'inquiétude dans son regard disparaît aussitôt, ses yeux papillonnent alors que ses mains relâchent ma peau en y laissant des traînées rougeâtres.

- Tout va bien, lui dis-je, tu peux dormir maintenant.

Mon amie s'arrête et sanglote, le tablier et les mains souillés de liquide rouge. Le soldat ferme lentement les yeux et rend son dernier souffle, libéré de ce calvaire atroce. J'effectue une prière silencieuse tandis que ma collègue recouvre le défunt d'un drap autrefois blanc. Avant ceci, j'arrache la plaque militaire de ce dernier et l'enverrai à sa famille dans la semaine. Le corps est ensuite amené dans un autre endroit pour libérer la place.

La culpabilité me ronge petit à petit lorsque mes yeux parcourent l'endroit dans lequel je me trouve : des lits de camp surchargés, les odeurs du sang et de la mort omniprésentes et les soldats dont le courage sans faille les a amenés ici.

- Willow, ne reste pas plantée là, il y a encore des blessés qui arrivent !

Je me ressaisis et souffle un bon coup. Essuyant mes mains tremblantes contre mon tablier, je serre l'élastique qui retient mon épaisse tignasse brune en place et regarde les brancards arriver d'un regard impuissant. La nuit tombe, les divisions n'envoient plus de vagues et adoptent d'autres stratégies. Les tranchées sont grouillées de soldats fatigués qui se ressourcent en silence. Soignant le dernier blessé de la deuxième vague, je souffle, extenuée.

Alors que je me nettoyais en-dehors de la tente, un visage familier apparaît dans mon champ de vision. Un large sourire étire mes lèvres tandis que je tourne la tête vers l'individu qui arrive à ma hauteur. Tom, mon fiancé. Il dépose son fusil contre une table et me regarde de ses yeux bleus, heureux.

- Tu es là, susurré-je en encadrant son visage plein de boue.

Il me contemple et se jette presque sur mes lèvres. Étant un officier, Tom doit être présent lors de chacune des attaques au risque de se faire tuer comme beaucoup d'entre ses compatriotes. Le goût à la fois amer et sucré de sa bouche m'a manqué. Voilà quatre jours que je ne l'avais pas vu. Nos bouches s'imbriquent, s'apprécient enfin. En s'écartant, Tom sourit et caresse ma joue du bout des doigts.

- Évidemment que je suis là.

Je fonce me réfugier dans ses bras et humer son odeur corporelle. Mes paupières se ferment lorsque je sens ses mains se placer au creux de mes reins et me rapprocher de lui. Nous nous sommes mis ensemble avant le début de la guerre, soit depuis deux ans. Nous n'avions que dix-sept ans.

- Officier Grennan, votre présence est indispensable dans les galeries ! résonne une voix grave derrière nous.

Mon compagnon soupire en posant son front contre le mien. Savourant ces derniers instants ensemble, je glisse une main dans sa chevelure blonde et frissonne. Puis il s'éloigne et saisis ma main qu'il embrasse chastement. Ses douces lèvres se déposent au creux de ma paume tandis que je le regarde, désarmée. La chaleur de ces dernières m'enivre.

Il disparaît de ma vue peu de temps après. Durant la nuit je suis de garde et vérifie que les invalides encore en observation ne succombent pas.

La fatigue s'empare de mon corps mais je lutte. La nuit est loin d'être finie, sans compter la guerre. Et ce que je ne sais pas encore c'est que mon cœur va être déchiré en deux et ce, dans pas longtemps.

***

BONJOUR !

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Bonne fin de journée mes petites lunes <3

Nolwenn

Instagram 📸 : Rubism00n

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