16. Apprentissage

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Settle - Vera Blue
***

16 juillet 1916, vingt-trois heures et quelques minutes

La tente est silencieuse. Après une petite sieste d'au moins une demi-heure, je me relève et tourne la tête vers la couchette de Nikolaus. Je n'y trouve que néant et draps froissés. Frappée par l'inquiétude, je me redresse et sors de la tente en regardant tout autour de moi.

Jusqu'à ce que mon regard se pose sur une silhouette élancée se dessinant dans la pénombre. Grâce aux lanternes, je parviens à identifier l'homme et c'est bien lui. Il est debout, sans soutien et contemple le champ de bataille au loin et les tranchées devenues calmes. Celles-ci sont grouillées de soldats blessés, fatigués ou décédés.

Le silence qui règne apaise tout le monde mais ce n'est qu'une illusion puisque tout reprendra lorsque l'aube apparaîtra de nouveau. M'avançant vers le prussien, celui-ci détecte ma présence et tourne légèrement la tête vers moi. Il paraît tout aussi étonné que moi.

- Wilhelmina !

Je souris, me rappelant pourquoi il préfère m'appeler ainsi. Pour lui, je suis unique.

- Vous tenez sans vos béquilles... ? lui demandé-je, agréablement surprise.

Il opine du chef et demeure stoïque.

- Je vais devoir y retourner bientôt, c'est ça ?

Fermant les yeux, je hoche la tête.

- Pas de suite, vous avez encore le temps. Et je veux vous apprendre quelque chose, dis-je en rouvrant les yeux.

Ayant capter toute son attention, je lui fais face et soupire :

- Je veux vous apprendre à avoir l'accent britannique comme moi !

Cette fois, un petit rictus incurve ses lèvres.

- Comment ? Et pourquoi ? m'interroge-t-il, curieux.

Plongeant mes iris dans les siens, je souris légèrement.

- Parce que votre accent germanique pourrait vous porter préjudice...

Nikolaus fronce les sourcils et prend cet air faussement outré.

- Vraiment ? rit-il, pourtant je fais tout mon pouvoir pour le cacher...

Je hausse les épaules et glousse.

- Et bien... il s'entend. Fort heureusement pour vous, personne n'a de soupçons, ou presque...

Nous nous asseyons côte à côte sur deux caisses en bois vides pour ensuite parler durant plusieurs minutes. Le prussien tente tant bien que de mal de prendre l'accent britannique mais en vain. Son air frustré me fait doucement rire, il me fait penser à Tom lorsque celui-ci perdait au loto de la semaine.

- Je ne comprends pas ! s'emporte-t-il, je parle anglais pourtant...

Cette remarque me fait rire.

- Oui et d'ailleurs, où avez-vous appris tout ça ?

Une ombre passe sur son visage et le prussien demeure silencieux quelques instants. Puis il se racle la gorge et déclare :

- Bien avant la guerre, j'étais allé à Londres pendant un an. J'ai beaucoup appris là-bas. Je parlais pas mal avec des habitants aimables.

Oh.

- Et bien maintenant vous allez avoir l'accent britannique en parlant avec moi !

Ma remarque lui arrache un sourire tandis qu'il tourne la tête vers le front.

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