12. Dialogue

1.2K 180 48
                                    

Let It Go - Michael Schulte
***

15 juillet 1916, trois heures du matin

Je fais une ronde tandis qu'Ambre et plusieurs de mes camarades se reposent. Les grognements des soldats les plus touchés me maintiennent éveillée alors que le calme semble être revenu du côté du front. Pour l'instant. Dans quelques heures, tout reviendra et la même terreur nous hantera encore et encore jusqu'à nous enterrer vivants. Le silence est à la fois apaisant et inquiétant, c'est comme si toute vie s'était arrêtée.

Je m'autorise à contempler les constellations qui tachent le ciel et l'illuminent. M'imaginant les toucher de près, je souris, seule. Puis je ferme les yeux et laisse l'émotion me submerger. Ainsi, des larmes dévalent mes joues et s'échouent sur mon tablier souillé de sang séché. Un frisson parcourt mon échine et mon cœur bat à toute allure. Marchant autour de la tente, les talons s'enfonçant dans la terre encore humide, je me vide l'esprit. Soudain, je sens une présence derrière moi et fais volte-face. Je tombe nez à nez avec Nikolaus. Ce dernier aborde un petit sourire en coin et tient debout grâce à ses béquilles.

- Nikolaus ? Mais que faîtes-vous debout ? lui demandé-je en chuchotant.

Il s'approche et se poste à mes côtés.

- Je vous ai vu partir alors j'ai voulu savoir où vous alliez.

Je ne peux m'empêcher d'esquisser un mince sourire et d'essuyer mes joues. Il soupire et déclare :

- C'est si calme...

J'opine du chef, orientant à nouveau ma tête vers les étoiles. Le prussien fait de même.

- Lorsque tout redevient paisible et que tout le monde s'est assoupi, j'aime venir ici et regarder les étoiles.

Nikolaus m'écoute attentivement, je continue :

- Je me dis que mes parents en font partie et qu'ils me regardent de là-haut.

L'émotion me rattrape et je m'efforce de ne pas craquer à nouveau.

- Vos parents sont morts ?

Je hoche lentement la tête.

- Lors des premiers bombardements à Amiens, ils venaient de Londres pour me voir. Je me suis retrouvée toute seule.

Je me mordille les lèvres et presse les yeux.

Ils me manquent terriblement...

- Oh, Wilhelmina...

Une main saisit la mienne et la serre légèrement.

- Vous n'êtes pas seule. Vous m'avez, moi.

Mon cœur se réchauffe, je rouvre les yeux et le regarde.

- Danke.

Il sourit et apporte ma main à sa bouche. Ainsi, ses lèvres se déposent sur le dos de ma main et mes joues s'enflamment. Le contact de ses lèvres humides et chaudes contre ma peau me rend toute chose : mon cœur est sur le point de se décrocher et mes jouent chauffent encore et encore... Nos doigts se lient sans que nous puissions faire quoi que ce soit.

- Lorsque la guerre sera finie, je voudrais vous faire visiter mon pays. Nous sommes peut-être contraires, mais la beauté d'une nation se reflète dans l'âme de ses habitants.

Je souris.

- Avec plaisir.

Mais l'incertitude est toujours là : que fait-il ici ?

- Nikolaus ? l'appelé-je, la boule au ventre.

Il me questionne du regard et semble pendu à mes lèvres.

Nos Cœurs ContrairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant