Nos Cœurs Contraires

8. Réclamation

Claim your weapons (acoustic) - Christian Reindl
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13 juillet 1916

Deux jours sont passés et j'ai dû être affectée dans une autre unité par faute de personnel. Eileen est avec moi et heureusement d'ailleurs. Je ne suis pas seule. Néanmoins, ne plus voir Nikolaus me trouble. En l'espace de deux journées, sa présence me manque déjà. Et pourtant, je n'éprouve rien à l'égard de Tom et ça me désole.

- Willow, tu m'écoutes ?

Je cligne des yeux et me tourne vers mon amie qui réajuste son tablier tacheté de sang séché.

- Mmh ?

Eileen soupire.

- Je parie que tu n'as rien entendu, rit-elle, je disais que nous manquerons bientôt d'opiacés et que les approvisionnements aériens se font rares...

Tout en regardant au travers des tissus de la tente, je grimace.

- Tu as raison, le manque de provisions pourrait nuire à beaucoup de choses.

- Nous devrions réserver les dernières livraisons aux soldats les plus touchés, conseille-t-elle en plongeant son regard dans le mien.

J'acquiesce aussitôt. Puis Eileen regarde nerveusement autour d'elle et se penche vers moi :

- Je vais en parler à notre supérieure, ne bouge pas. Et n'en profite pas pour aller voir ton beau militaire !

Puis elle file et me laisse seule, un large sourire innocent aux lèvres.

Nikolaus n'est pas mon militaire...

Une partie de moi meurt d'envie d'aller le voir, de lui parler, d'entendre sa voix rauque ainsi que son accent germanique qui le rend davantage attrayant tandis que l'autre refuse par peur d'en tomber amoureuse.

Et s'il était déjà trop tard ?

Perdue dans mes pensées, je ne remarque pas qu'un soldat demande de mes services. Je m'active aussitôt et tente de penser à autre chose que sa présence.

Je vois Eileen revenir et passer voir les soldats pour ensuite leur sourire et leur redonner de l'espoir. Cette femme est exceptionnelle, croyez-moi. Lorsqu'elle s'approche de moi, son sourire est contagieux et me contamine sur-le-champ.

- Elle approuve ! Nous devrons suivre les ordres à la lettre jusqu'à ce que les prochaines livraisons ne nous sauvent !

J'opine du chef et ne pipe mot. Je soigne et panse les blessures de militaires qui n'ont aucune envie de survivre. Cette triste pensée me donne la nausée.

Lorsque vient ma pause, je me précipite dehors et observe les alentours : les soldats se magnent dans les tranchées, le front continue d'être le cimetière de beaucoup d'entre eux tandis que les tentes grouillent d'hommes en détresse.

Manquant soudainement d'oxygène, je détourne le regard et ravale de la bile. Je n'ai rien mangé depuis ce matin et nous sommes l'après-midi. Mon estomac semble crier famine mais je l'ignore. Tournant la tête vers mes collègues, je ne constate qu'aucune ne semble me prêter attention. Je profite de ce moment d'inattention pour songer à aller voir Nikolaus. Malheureusement, ce dernier ne se trouve pas juste à côté et je dois parcourir les tranchées pour parvenir à lui ou sinon je risquerai ma vie à rester exposée aux ennemis.

En serais-je capable ? Oh que oui.

Pourquoi ? je n'en ai pas la moindre idée.

C'est une nécessité, être avec lui et le soigner me fait oublier les horreurs qui nous entourent.