9. Mensonges

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Search and Destroy - Sanders Bohlke
***

14 juillet 1916, dans la nuit

Après avoir acceptée de me faire soigner par Eileen, je suis partie me reposer pendant qu'elle et d'autres infirmières s'occupaient des soldats revenant du front. Ces derniers se considèrent chanceux. Tentant vainement de m'endormir depuis plusieurs minutes, je n'y parviens pas.

Je décide alors de me lever et de proposer mon aide. Ma petite plaie à la tempe me picote et me lance quelques instants mais rien d'inquiétant. Mon amie me remarque et lève les yeux au ciel. Essuyant ses mains souillées de sang frais et gluant sur son tablier, elle s'approche de moi et soupire.

- Willow, je t'ai pourtant dit d'aller te reposer ! Et au passage, il faut que tu me dises comment tu t'ai fait cette entaille !

Je souris malgré moi, repensant ainsi aux doigts de Nikolaus effleurant ma peau. Je ne frissonne rien qu'à cette pensée. Néanmoins, je me ressaisis lorsqu'Eileen fronce les sourcils et semble me questionner du regard. Elle saisit mon avant-bras et m'emmène à l'abris des regards ou oreilles curieux.

- Ne prétend pas être dans la lune et dis-moi ce que tu as fabriqué !

Je baisse les yeux et me triture nerveusement les doigts. Bon sang, j'hésite.

Devrais-je tout lui révéler maintenant au risque de faire tuer l'homme qui m'attire tant... ?

- Je...

Mon amie est pendue à mes lèvres.

- J'ai trébuché dans les tranchées en allant chercher des provisions, un obus est tombé à côté de moi.

Une partie est vraie, fort heureusement. Mais mentir me donne l'impression que je le regretterai sans doute plus tard. Eileen semble croire à mon mensonge, je peux donc continuer de respirer normalement.

- Hum. Et qui t'a dit d'aller chercher ces provisions ? Surtout que tu sais qu'on ne doit pas en abuser...

Me mordillant les lèvres, je tente de trouver une autre excuse valable.

- Un des soldats avait besoin d'une grande dose de morphine ! Je n'allais pas le laisser souffrir tout de même !

Elle opine du chef et plisse les yeux.

- D'accord mais Willow, va dormir. Tu as l'air crevée !

Je ris nerveusement. Cette situation est vraiment ironique.

- Et toi donc ! Dis-moi, je peux te demander une faveur ?

Elle me fait un clin d'œil complice.

- Je t'écoute ?

Le cœur battant la chamade, je me racle la gorge :

- Est-ce que tu peux mentir pour moi ? Je dois aller voir le soldat...

Eileen arque un sourcil et croise les bras contre sa poitrine. Puis un petit rictus incurve ses lèvres et elle glousse doucement.

- Ce fameux James Donovan Jr ! s'exclame-t-elle.

Je regarde nerveusement autour de nous et souris, les joues en feu.

- Moins fort... ! Oui, c'est lui.

Plus ou moins lui...

Mon amie m'adresse un regard curieux puis acquiesce.

- D'accord, je vais voir ce que je peux faire. Mais fais attention à toi et reviens avant le lever du soleil !

On croirait entendre ma mère. Cette dernière me manque terriblement...

- Promis !

Puis je pars discrètement vers l'échelle qui mène aux tranchées. Une fois dedans, je remarque que la plupart des soldats sont assoupis et d'autres semblent prêts à affronter la violence de la mort. Cette vision m'arrache un frisson. Je parcours les galeries, le cœur et l'esprit ailleurs. J'éprouve l'urgent besoin de le retrouver. Habituée à prendre soin du prussien, je ne supporte pas que d'autres infirmières s'occupent de lui.

Nos Cœurs ContrairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant